Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'ADMINISTRATION DES DOUANES, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 18 décembre 2007, qui, après relaxe de Claude X... du chef d'importation en contrebande et relaxes partielles de Pierre Y..., Thierry Z..., Danilmamod A..., les sociétés CC BORDEAUX-EASY CASH 1, CC BORDEAUX-EASY CASH 2 et CC BORDEAUX-EASY CASH 3, et PARIS TULEAR-CASH EXPRESS du même chef, a débouté l'administration des douanes de ses demandes au titre de ces relaxes ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 223-18 et L. 223-22 du code de commerce, des articles 215, 392, 399, 406, 407, 414, 419 et 435 du code des douanes, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt a renvoyé Claude X... des fins de la poursuite du chef du délit réputé importation en contrebande ;
" aux motifs adoptés qu'en ce qui concerne Claude X..., le tribunal doit constater qu'il n'est jamais intervenu dans la gestion de la société CC Bordeaux, même s'il en est le gérant en titre, et n'a pris à aucun moment part aux décisions qui ont entraîné la commission du délit douanier ; qu'il n'a pas eu la possibilité dans le cadre de la procédure d'être entendu par l'administration des douanes, et la notification du procès-verbal en vertu d'un mandat donné à Thierry Z..., mandat établi et signé par ce dernier aux lieu et place de Claude X... est irrégulière ; qu'il y a lieu de relaxer Claude X... des faits qui lui sont reprochés ;
" et aux motifs propres que " par des motifs qu'il y a lieu d'adopter et dont le débat n'a pas modifié la pertinence, il a considéré que les éléments constitutifs des infractions reprochées étaient réunis à l'encontre des prévenus, à l'exception de Claude X... et l'a à juste titre relaxé pour les motifs retenus par le tribunal étant précisé d'une part que le mandat censé être donné par Claude X... à Thierry Z... pour le représenter vis-à-vis de l'administration des douanes était signé de Thierry Z... pour le compte de Claude X... et en même temps signé par le même Thierry Z... comme mandataire de Claude X... et qu'en dépit de cette anomalie, les douanes n'ont jamais procédé à une audition en bonne et due forme de Claude X... qui n'a jamais été entendu avant l'audience et d'autre part qu'il résulte des débats que Thierry Z... assurait, à l'époque visée à la prévention, la gérance de fait de la SARL CC Bordeaux avant d'en devenir le gérant de droit un an plus tard et que Claude X... a soutenu, sans être démenti et sans que la preuve contraire ne soit rapportée qu'il n'exerçait aucun rôle dans la direction ou l'animation de la SARL CC Bordeaux " ;
" alors que le gérant de la SARL est tenu pour responsable des obligations légales et réglementaires s'imposant à la société et ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une délégation de pouvoirs ; qu'en renvoyant Claude X... des fins de la poursuite au motif qu'il avait soutenu sans être démenti qu'il n'exerçait aucun rôle dans la direction ou l'animation de la société CC Bordeaux alors qu'en l'absence de délégation de pouvoirs, son défaut d'implication dans le fonctionnement de la société ne pouvait suffire à l'exonérer de sa responsabilité dès lors qu'il lui appartenait, en tant que dirigeant d'une société procédant à l'acquisition de marchandises faisant l'objet d'un courant de fraude internationale et d'un marché clandestin, de s'assurer, que la société disposait des documents justifiant de leur origine régulière, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour relaxer Claude X..., gérant de la société CC Bordeaux Easy Cash 1 et débouter l'administration des douanes de ses demandes, l'arrêt et le jugement qu'il confirme relèvent que le prévenu n'est jamais intervenu dans la gestion de la société précitée et que la preuve qu'il ait exercé un rôle dans la direction ou l'animation de ladite société n'est pas rapportée ; que les juges ajoutent que l'intéressé n'a pas pris part à la commission du délit douanier ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 215, 392, 399, 406, 407, 414, 419 et 435 du code des douanes, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt a confirmé le jugement ayant renvoyé les prévenus des fins de la poursuite pour les bijoux saisis pour lesquels la preuve était rapportée par expertise de la présence d'un poinçon ;
" aux motifs adoptés que « comme le soutiennent les prévenus, le fait que certains bijoux soient revêtus d'un poinçon de garantie atteste leur origine communautaire et leur détention sans autre document satisfait aux dispositions de l'article 215 du code des douanes » ;
" et aux motifs propres que « c'est à juste titre que le tribunal est entré en voie de condamnation pour les bijoux à l'égard desquels aucune justification d'origine n'a pu être présentée notamment les bijoux échappés et a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite pour partie de la prévention en considérant que la preuve rapportée par expertise de la présence de poinçons sur certains bijoux litigieux qui ont pu y être soumis, valait justification d'origine, aucun élément ne permettant de considérer que les bijoux poinçonnés aient pu, après cette opération de contrôle, sortir du territoire pour y pénétrer à nouveau en fraude » ;
" 1° / alors que, selon l'article 215 du code des douanes, ceux qui détiennent des marchandises spécialement désignées par arrêté du ministre du Budget doivent produire, soit des quittances attestant que ces marchandises ont été régulièrement importées, soit des factures d'achat, bordereaux de fabrication ou toutes autres justifications d'origine émanant de personnes établies à l'intérieur du territoire douanier ; que les poinçons apposés sur des bijoux ne suffisent pas à établir la preuve de leur origine régulière, lesdits poinçons n'excluant nullement l'éventualité de leur sortie du territoire douanier et de leur réimportation irrégulière ultérieure ; qu'en affirmant que la preuve rapportée par expertise de la présence de poinçons sur certains bijoux valait justification d'origine, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2° / alors qu'en tout état de cause, la présomption d'importation en contrebande à l'encontre des marchandises visées à l'article 215 du code des douanes fait peser sur le prévenu la charge de la preuve de leur origine régulière ; qu'en affirmant que les poinçons sur certains bijoux valaient justificatif d'origine dès lors qu'aucun élément ne permettait de considérer que les bijoux poinçonnés avaient pu, après l'apposition d'un poinçon, sortir du territoire pour y pénétrer à nouveau en fraude alors qu'il appartenait aux prévenus d'établir leur origine régulière en prouvant que ces bijoux étaient restés sur le territoire national depuis qu'ils avaient été poinçonnés, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve en violation des textes susvisés " ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 215 du code des douanes ;
Attendu que tout jugement en arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour relaxer les prévenus du chef du délit douanier réputé importation en contrebande de marchandises soumises à justification d'origine et débouter l'administration des douanes de ses demandes, l'arrêt attaqué et le jugement qu'il confirme retiennent que les poinçons apposés sur certains des bijoux saisis atteste de leur origine communautaire et satisfont aux exigences de l'article 215 du code des douanes ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'existence de poinçons ne suffit pas à établir l'origine des bijoux détenus, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 18 décembre 2007, mais en ses seules dispositions ayant partiellement relaxé Pierre Y..., Thierry Z..., Danilmamod A..., les sociétés CC BORDEAUX-EASY CASH 1, CC BORDEAUX-EASY CASH 2 et CC BORDEAUX-EASY CASH 3, et PARIS TULEAR-CASH EXPRESS et débouté l'administration des douanes de ses demandes au titre de ces relaxes, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit jugé à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Bayet conseiller rapporteur, M. Dulin, Mme Thin, M. Rognon, Mmes Nocquet, Ract-Madoux, Canivet-Beuzit conseillers de la chambre, Mmes Slove, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Fréchède ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;