LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 31 mai 2007), que M. X... a été engagé le 3 novembre 1993 en qualité de directeur général par la société Lyomat, relevant de la convention collective nationale des entreprises de commerce, de location et de réparation de tracteurs, machines et matériels agricoles, de matériels de travaux publics, de bâtiment, de manutention, de matériels de motoculture de plaisance, de jardins et d'espaces verts ; qu'il a exercé des fonctions de direction au sein de la société JCB, qui appliquait la convention collective des industries métallurgiques ; qu'en avril 2003, la société JCB lui a confirmé son rattachement à la direction de Lyomat ; que M. X... a été informé, par lettre du 3 juillet 2003, de sa mise à la retraite avec effet au 2 novembre 2003, date de ses 60 ans ; que les parties sont convenues de reporter le terme du préavis au 30 novembre 2003 ; que, soutenant qu'il ne remplissait pas à cette date les conditions fixées par la loi du 21 août 2003 portant à 65 ans l'âge de mise à la retraite et revendiquant l'application de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes à titre d'indemnités et de droits à retraite ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'y a pas lieu de requalifier sa mise à la retraite en licenciement et de le débouter de ses demandes d'indemnités correspondantes, alors, selon le moyen :
1°/ que la loi nouvelle s'applique immédiatement aux situations juridiques nées avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées ; que les conditions légales de la mise à la retraite devant s'apprécier à la date d'expiration du contrat de travail, c'est-à-dire à la date d'expiration du préavis, qu'il soit ou non exécuté, et non à la date du prononcé de la rupture du contrat, la situation juridique créée par la mise à la retraite est en cours jusqu'à la fin du préavis ; qu'en l'espèce, la mise à la retraite ayant été notifiée le 3 juillet 2003, la situation était en cours jusqu'au terme du préavis, fixé au 30 novembre 2003 ; qu'en appréciant les conditions légales de la mise à la retraite du salarié au regard de la loi du 30 juillet 1987 et non au regard de la loi du 21 août 2003, la cour d'appel a violé les articles 2 du code civil et L. 122-14-13 du code du travail ;
2°/ que lorsque les conditions légales de la mise à la retraite ne sont pas remplies, la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en affirmant que la date de notification de la mise à la retraite constituait la date de rupture du contrat par l'employeur et partant, une situation juridique créatrice de droit même si les effets de cette rupture pouvaient être reportés à l'expiration du préavis, la cour d'appel a ainsi retenu que les conditions légales de la mise à la retraite devaient s'apprécier à la date de la notification de la mise à la retraite ; qu'en l'espèce, le salarié, né le 14 novembre 1943, ayant été mis à la retraite par courrier du 3 juillet 2003, avant donc l'âge de 60 ans, les conditions de mise à la retraite posées par la loi du 30 juillet 1987 n'étaient pas remplies ; qu'en affirmant que le salarié remplissait les conditions d'âge et de durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-13 du code du travail ;
3°/ que les conditions d'un licenciement nul s'apprécient à la date à laquelle il est notifié ; qu'il est constant que la mise à la retraite a été notifiée à M. X... le 3 juillet 2003, avec prise d'effet annoncée au 2 novembre 2003, soit antérieurement à son 60e anniversaire, contrairement aux dispositions de l'article L. 122-14-13 du code du travail ; que dès lors, cette mise à la retraite s'analysait, dès sa notification, en un licenciement nul, que le report ultérieur de la date de prise d'effet de la mise à la retraite au 30 novembre 2003 ne pouvait effacer ; qu'en refusant de tirer toutes les conséquences de cette irrégularité et de constater l'existence d'un licenciement nul, la cour d'appel a encore violé l'article L. 122-14-13 du code du travail ;
Mais attendu que si c'est à la date d'expiration du contrat de travail qu'il convient d'apprécier si les conditions prévues par l'article L. 122-14-13, alinéa 3, devenu L. 1237-5, du code du travail sont réunies, ce sont les dispositions légales en vigueur à la date de la notification de la mesure qui fixent ces conditions ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que le salarié avait été mis à la retraite par lettre du 3 juillet 2003 et qu'il remplissait, à la date d'expiration du préavis, reportée au 30 novembre 2003 d'un commun accord, les conditions prévues par les dispositions légales en vigueur à la date de notification de la mesure, a exactement décidé que celle-ci ne constituait pas un licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de se voir appliquer la convention collective de la métallurgie au lieu de celle des entreprises de commerce, de location et de réparation de tracteurs et matériels agricoles, et de limiter en conséquence le montant de son indemnité conventionnelle de mise à la retraite, alors, selon le moyen :
1°/ que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il résultait des documents versés par le salarié qu'il avait travaillé de 1995 à 2003 en qualité de directeur régional au sein de la société JCB et que, durant toute cette période, le directeur de cette société lui avait fixé des objectifs et lui avait donné des instructions, lui avait signé ses demandes de congés, lui avait remboursé ses frais professionnels et lui avait notifié le bénéfice de certaines primes ; qu'en considérant que ces éléments ne suffisaient pas à caractériser un lien de subordination, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, au regard de l'article L. 121-1 du code du travail qu'elle a violé ;
2°/ que le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions dans lesquelles la prestation est exécutée ; qu'en refusant de constater le lien de subordination avec la société JCB, aux motifs inopérants de l'absence de convention opérant le passage du salarié de la société Lyomat à la société JCB et du contenu de l'avenant au contrat de travail, sans tenir compte des conditions dans lesquelles s'était exécutée la prestation au sein de la société JCB, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du code du travail ;
3°/ que la qualité d'employeurs conjoints d'un salarié est caractérisée par l'existence d'un lien de subordination entre les parties et par des relations étroites entre les sociétés ; que le salarié a exercé ses fonctions sous les directives d'une direction commune aux deux sociétés appartenant au même groupe ; que la première société avait pour activité l'importation en France des engins de travaux publics tandis que la seconde avait pour activité la réparation des mêmes engins ; que la circonstance que le directeur général des deux sociétés était la même personne, que leurs activités étaient complémentaires et que le salarié est passé indifféremment de l'une à l'autre pendant sa carrière, caractérisait une situation de co-employeurs ; qu'en refusant de la reconnaître, la cour d'appel a violé derechef l'article L. 121-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu, par un motif non critiqué, qu'il n'était pas démontré par M. X... qu'après sa réintégration au sein de la société Lyomat, le 15 avril 2003, il ait été encore placé sous l'autorité de la direction de la société JCB ; que le moyen, inopérant en ce qu'il attaque des motifs surabondants, ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de limiter le montant de la condamnation de la société Axa France vie au titre de la pension de retraite, alors, selon le moyen :
1°/ que la notification suppose, lorsqu'elle est faite à personne, un avis de réception signé par son destinataire ; qu'en retenant en l'espèce que les nouvelles dispositions du règlement intérieur relatives à la retraite applicables à compter du 1er mars 2002 avaient été notifiées au salarié personnellement sans constater, ce que ce dernier contestait, qu'il en avait accusé réception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 670 du code de procédure civile ;
2°/ que celui qui est tenu d'une obligation d'information doit rapporter la preuve de son exécution ; qu'à supposer qu'une information de M. X... ait pu être réalisée par la lettre simple que lui avait adressée la société JCB le 19 novembre 2001, la cour d'appel se devait de constater que celui-ci l'avait effectivement reçue, ce dernier le contestant expressément, cependant que la société JCB n'en rapportait pas la preuve ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu que c'est par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a estimé que M. X... avait été informé des nouvelles dispositions ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille huit.