LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 décembre 2005), que Mme X..., par acte sous seing privé du 9 novembre 1990, a vendu à la société Jacquet-Magnin deux parcelles cadastrées section AC n° 34 et 36 ; que la vente a été réitérée le 30 novembre 1990 par acte authentique reçu par M. Y..., notaire, moyennant le prix de 5 178 000 francs payé comptant à l'aide d'un prêt consenti par la société Banque Veuve Morin Pons, aux droits de laquelle sont venues la société Banque Part-Dieu puis la société Dresdner Bank Gestion France ; que l'acte comportait une promesse de dation en paiement consentie par la société Jacquet-Magnin au vendeur et une promesse de vente d'une parcelle cadastrée AC 35 consentie par Mme X... à son acquéreur, à réaliser dans le mois suivant l'acquisition qu'elle en aurait faite de la commune de Beausoleil ; que par acte du 17 mars 1994, reçu par MM. Z... et A..., notaires, les parcelles vendues ont été acquises par la commune de Beausoleil ; que Mme X... a agi en annulation de la vente du 30 novembre 1990 sur le fondement de l'article 1172 du code civil et pour défaut de prix sérieux ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen, que pour déterminer si l'action en nullité d'un contrat relève du régime de la nullité relative ou de celui de la nullité absolue, il convient de rechercher si ce contrat porte atteinte aux règles d'ordre public de protection ou d'ordre public de direction ; que l'action en nullité d'un contrat fondée sur l'article 1172 du code civil peut être une action en nullité absolue ; que la cour d'appel, qui a affirmé que la nullité recherchée sur la base de l'article 1172 du code civil relevait nécessairement de la nullité relative de l'article 1304 du code et était soumise à la prescription quinquennale, sans rechercher si le contrat dont la nullité était demandée se heurtait à des règles d'ordre public de protection ou de direction, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1172 et 1304 du code civil ;
Mais attendu que la nullité du contrat fondée sur une condition impossible est une nullité relative qui ne peut être invoquée que par celui dont la loi qui a été méconnue tendait à assurer la protection ; qu'ayant relevé que Mme X... soutenait que l'engagement souscrit par l'acquéreur à l'égard de l'administration fiscale de revendre le bien dans les cinq ans l'empêchait de réaliser ou de faire réaliser les constructions envisagées et de lui livrer les appartements prévus dans la dation et que la commune de Beausoleil lui avait promis de lui vendre la parcelle AC 35 alors qu'elle n'en était pas propriétaire, la cour d'appel a retenu à bon droit, procédant à la recherche prétendument omise, que la demande en nullité fondée sur cette double condition prétendument impossible, présentée le 9 octobre 1996, se heurtait à la prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes, l'arrêt retient que la demande de nullité de l'acte fondée sur les dispositions de l'article 1172 du code civil se heurte à la prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme X... qui soutenait que la vente était nulle pour défaut de prix sérieux, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Sur le troisième moyen :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner Mme X... à payer à M. Y... des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient que ses prétentions étaient vouées à l'échec et qu'alors qu'elle n'était pas titulaire d'une promesse de vente de la part de la commune de Beausoleil, elle a pris le risque de s'engager à vendre la parcelle AC 35 à la société Jacquet-Magnin, dans l'espoir de réaliser une opération lucrative par la dation en paiement qui en était la contrepartie et cela malgré les mises en garde de M. Y... ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'une faute commise par Mme X..., faisant dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le quatrième moyen :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner Mme X... à payer à la société Dresdner Bank Gestion France des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient que l'action initiée par Mme X... était vouée à l'échec et que la banque supporte depuis onze ans la présente procédure outre une plainte avec constitution de partie civile qui s'est soldée par une ordonnance d'irrecevabilité à défaut de paiement de la consignation ; que Mme X... a agi avec une légèreté blâmable ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser l'existence d'une faute commise par Mme X..., faisant dégénérer en abus l'exercice de son droit d'agir en justice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le cinquième moyen :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner Mme X... à payer à M. Z... des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient qu'un voit mal en quoi M. Z... pourrait être tenu responsable d'avoir passé la vente du 17 mars 1994 alors que cette vente est intervenue sous l'égide de M. B..., administrateur judiciaire du vendeur, et avec l'autorisation du juge-commissaire, à un prix inférieur à celui reçu par Mme X... le 30 novembre 1990 ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'une faute commise par Mme X..., faisant dégénérer en abus l'exercice de son droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté la commune de Beausoleil et la SCI 35 Villa Paradisco de leurs demandes reconventionnelles, l'arrêt rendu le 14 décembre 2005, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne, ensemble, la commune de Beausoleil et MM. Y... et Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes de la commune de Beausoleil et de MM. Y... et Z... et les condamne, ensemble, à payer à la SCP Defrenois et Levis la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille huit.