LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2007), que Mme X... a, le 30 avril 1997, été engagée par la société FMN Factoring, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Fortis commercial finance, en qualité de responsable commerciale, région Paris Ile-de-France, le contrat de travail mentionnant qu'à la demande de l'employeur et selon la disponibilité de la salariée celle-ci pourra traiter les dossiers d'apporteurs qui ne sont pas exclusifs sur d'autres régions, le lieu de travail étant le siège social de l'entreprise, ou tout autre point nécessité par l'activité de la salariée ; qu'un avenant du 30 mai 2000 a stipulé que la région confiée à Mme X... pouvait être modifiée par l'employeur ; que la salariée a été en congé de maternité à compter du 20 mars 2003 ; que postérieurement à ce congé, l'employeur a, le 9 octobre 2003, attribué à la salariée une liste de courtiers à Paris et dans la région parisienne ainsi que le suivi du centre d'affaires de Metz-Strasbourg ; que la salariée a, le 9 janvier 2004, été licenciée notamment pour refus de prendre en charge une partie du secteur géographique auquel elle avait été affectée ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que même s'il s'accompagne d'un séjour, le déplacement occasionnel imposé à un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ne constitue pas une modification de son contrat de travail, dès lors que la mission est justifiée par l'intérêt de l'entreprise et que la spécificité des fonctions exercées par le salarié implique de sa part une certaine mobilité géographique expressément prévue par le contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que le contrat de travail prévoyait la possibilité pour Mme X... d'avoir à effectuer, pour les besoins de son activité de responsable commerciale, des déplacements occasionnels en dehors de son secteur d'activité, l'Ile-de-France ; qu'en se fondant, pour dire que cette mission constituait une modification du contrat de travail, sur la circonstance qu'elle impliquait des séjours dans les villes de Metz et Strasbourg, sans se prononcer sur le caractère occasionnel ou non des déplacements que la salariée était appelée à effectuer dans ces villes, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°/ que l'employeur faisait valoir que le suivi du business center de Metz-Strasbourg proposé à la salariée, à son retour de congé maternité, n'impliquait que des déplacements occasionnels dans ces deux villes ; qu'il versait au soutien de cette affirmation l'attestation de M. Y..., responsable commercial affecté, à compter de février 2004, aux secteurs du Val-de-Seine, du nord de la région parisienne et de l'Est de la France (Metz-Nancy-Strasbourg-Mulhouse), lequel précisait n'avoir, au cours des douze derniers mois, dû organiser que «six rendez-vous» dans les villes de Metz et Strasbourg, ce dont il résultait le caractère occasionnel et fugace des déplacements occasionnés par le suivi du centre litigieux ; qu'en affirmant, sur la base d'un raisonnement purement abstrait, que la prise en charge du business center Metz-Strasbourg «impliquait d'évidence, outre des déplacements à Metz et à Strasbourg, des séjours périodiques dans ces villes», quand elle aurait dû vérifier concrètement, au regard de l'expérience du précédent responsable commercial en charge de ce centre, si tel était effectivement le cas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3 du code du travail et 1134 du code civil ;
3°/ que l'augmentation des tâches d'un salarié, même substantielle, consécutive à l'extension de son secteur d'activité ne constitue pas une modification du contrat de travail, sauf pour ce dernier à établir que ces tâches nouvelles ne sont pas conformes à sa qualification ou ne sont pas normalement réalisables eu égard à leur importance ; qu'en l'espèce, la salariée n'a jamais soutenu, ni même proposé de démontrer que la mission de prendre en charge le business center Metz-Strasbourg n'était pas conforme à sa qualification, ou constituait une charge insupportable ; qu'en décidant, dès lors, que l'augmentation substantielle des tâches de la salariée qu'impliquait cette nouvelle mission, constituait une modification du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du code du travail ;
4°/ qu'il a été précédemment démontré que la prise en charge du business center Metz-Strasbourg refusée par la salariée n'aurait impliqué pour elle que des déplacements occasionnels, à raison de six par an ; que la cour d'appel a expressément relevé que le contrat de travail prévoyait la possibilité pour cette dernière d'avoir à effectuer, pour les besoins de son activité de responsable commerciale, des déplacements occasionnels en dehors de son secteur d'activité, l'Ile-de-France ; qu'en considérant comme légitime le refus de la salariée de prendre en charge le business center Metz-Strasbourg, au regard de la naissance toute récente de son enfant et de l'éloignement géographique de ce centre par rapport à son domicile, sans dire en quoi ces déplacements occasionnels constituaient une gêne inacceptable pour cette dernière qui avait pourtant accepté l'éventualité d'avoir à effectuer de tels déplacements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du code du travail ;
5°/ que l'employeur reprochait encore à la salariée ses négligences dans le traitement des dossiers AZZURI et KDG ; qu'il faisait valoir que les diverses fautes commises par l'intéressée dans la gestion du dossier AZZURKI avaient causé d'importants retards et des dommages considérables sur le plan commercial pour l'ensemble des intervenants ; que la cour d'appel a expressément constaté la réalité des fautes de la salariée dans la gestion de ce dossier ; qu'en se fondant, pour dire qu'elles ne constituaient pas un motif sérieux de licenciement, sur la circonstance que les négligences de la salariée invoquées dans le dossier KDG n'étaient pas établies, quand elle aurait dû apprécier la gravité intrinsèque des fautes commises par la salariée dans le dossier AZZURI, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du code du travail ;
6°/ en tout état de cause, que le juge doit viser et analyser l'ensemble des pièces versées par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'employeur reprochait à la salariée d'avoir commis plusieurs négligences dans le traitement du dossier KDG ; qu'elle versait au soutien de cette affirmation l'attestation de M. Z..., son supérieur hiérarchique, lequel déplorait effectivement les carences de la salariée dans la gestion de ce dossier comme ayant conduit à sa perte et provoqué le mécontentement du Business Center d'Antony qui l'avait présenté ; qu'en affirmant, dès lors, que les négligences de la salariée invoquées dans le dossier KDG n'étaient pas établies, sans viser ni analyser, serait-ce sommairement, l'attestation précitée, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ que l'employeur faisait valoir sans être contredit que la salariée n'avait effectué en 2003, pendant ses cinq mois d'activité, que seize visites aux courtiers, ce qui portait à trente-huit (16/5 x 12), le nombre total de visites accomplies par elle au titre de l'année 2003, quand le nombre des visites réalisé cette même année par les membres de l'équipe commerciale s'élevait en 12/36 moyenne à 102 ; qu'il produisait, à l'appui de cette affirmation, un tableau dans lequel le nombre des visites effectuées respectivement par la salariée et les autres responsables commerciaux au titre de l'exercice 2003 était converti en moyenne annuelle pour tenir compte du temps de présence effective des différents salariés au cours de cet exercice ; qu'en affirmant, pour dénier tout sérieux au grief lié à l'insuffisance du nombre de visites, que leur nombre (trente-huit) ne pouvait être comparé à celui autres membres de l'équipe commerciale (cent deux) pour 2003, ces derniers n'ayant pas en effet connu, comme elle, d'interruption de leurs activités pendant près de six mois, sans prendre en considération le fait que les chiffres avancés par l'employeur avaient été convertis en moyenne annuelle pour tenir compte, précisément, du temps de présence effective des différents salariés au cours de cet exercice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'appréciant les éléments qui lui étaient soumis, la cour d'appel a relevé que les nouvelles fonctions confiées à la salariée impliquaient qu'en plus de ses déplacements dans son précédent secteur, elle effectue de fréquents séjours, qui n'étaient pas de simples déplacements occasionnels, à Metz et à Strasbourg ; qu'elle a constaté que l'employeur imposait à Mme X..., qui invoquait la surcharge considérable de travail résultant de l'adjonction d'un nouveau secteur, un nouveau domaine d'intervention très éloigné de son domicile alors qu'elle était mère d'un nourrisson ; qu'en l'état de ces constatations, elle a caractérisé la modification du contrat de travail ;
Attendu, ensuite, qu'elle a, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3, alinéa 1, phrase 1, devenu l'article L.1235-1, alinéa 1, du code du travail, légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Fortis commercial finance aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Fortis commercial finance et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille huit.