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16/09/2008 | FRANCE | N°08-84893

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 septembre 2008, 08-84893


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Sandrine,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BORDEAUX, en date du 19 juin 2008, qui, dans l'information suivie contre elle du chef de meurtre aggravé, a prononcé sur son appel de l'ordonnance de rectification d'une erreur matérielle rendue par le juge des libertés et de la détention ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 143-1, 144, 145-3, 148, 186, 194, 197, 200, 21

6, 217, 570, 571, 591, 593 et 710 du code de procédure pénale, défaut de m...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Sandrine,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BORDEAUX, en date du 19 juin 2008, qui, dans l'information suivie contre elle du chef de meurtre aggravé, a prononcé sur son appel de l'ordonnance de rectification d'une erreur matérielle rendue par le juge des libertés et de la détention ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 143-1, 144, 145-3, 148, 186, 194, 197, 200, 216, 217, 570, 571, 591, 593 et 710 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté la demanderesse de ses demandes, rejeté la demande d'annulation de l'ordonnance du 10 juin 2008 et rejeté la demande tendant à ce qu'il soit constaté que Sandrine X... était détenue sans droit ni titre et dit que les dispositions combinées de l'ordonnance du 6 juin 2008 et de l'ordonnance rectificative du 10 juin 2008 ont ordonné la prolongation de la détention provisoire de Sandrine X... et ce, à compter du 11 juin 2008 à 0 heure par l'effet de la loi ;
" aux motifs que, même si l'appel concerne uniquement l'ordonnance du 10 juin 2008, l'examen de la cour doit également porter sur l'ordonnance du 6 juin 2008 dès lors que l'appréciation de la validité d'une ordonnance dite rectificative n'est pas séparable du contrôle de l'ordonnance initiale ; que le juge des libertés et de la détention était régulièrement saisi d'une demande de prolongation de la détention provisoire ; que la décision qu'il a rendue le 6 juin 2008 l'a été à l'issue d'un débat contradictoire ayant effectivement porté sur la question de la prolongation de la détention provisoire comme il ressort du procès-verbal de débat contradictoire signé par la mise en examen après que le juge des libertés et de la détention ait informé celle-ci de sa décision dans les termes suivants : « nous avisons la personne que par ordonnance motivée de ce jour, nous prolongeons sa détention provisoire » ; qu'ainsi, il est établi qu'il ne pouvait y avoir aucun doute dans l'esprit de la mise en examen et de son conseil présent sur la teneur de la décision rendue et que c'est à la suite d'une erreur purement matérielle que l'ordonnance prise le même jour est intitulée « ordonnance de rejet de demande de mise en liberté » et rejette en l'état la demande de mise en liberté de Sandrine X..., étant ajouté que cette dernière n'avait présenté aucune demande en ce sens et que l'ordonnance du 6 juin 2008 vise expressément la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins de statuer sur la prolongation de la détention provisoire de Sandrine X... et fait référence à plusieurs reprises dans sa motivation à la question de la prolongation de la détention provisoire ; que, dès lors, l'ordonnance du 10 juin 2008, intervenue et notifiée au demeurant avant l'expiration de la détention provisoire initiale, malgré ses imperfections, a pu rectifier l'erreur matérielle figurant dans l'ordonnance du 6 juin 2008 tant en ce qui concerne son intitulé que son dispositif, sans qu'il soit porté atteinte aux intérêts de la personne mise en examen ; que le juge des libertés et de la détention n'avait pas à respecter les dispositions de l'article 711 du code de procédure pénale avant de prendre une décision rectificative ; que la mention relative à la date à partir de laquelle la détention est prolongée était superflue dès lors que la prolongation prenait effet de plein droit à l'échéance du titre de détention, c'est-à-dire le 11 juin 2008 à 0 heure, pour une durée de six mois, par effet de la loi, sans qu'il soit besoin de le mentionner, étant indiqué que c'est également à la suite d'une nouvelle erreur matérielle que le millésime 2006 est mentionné ; que, si la mention relative au délai prévisible d'achèvement de la procédure ne constitue pas à l'évidence une rectification d'erreur matérielle, cette mention, dissociable de la rectification elle-même qui conserve toute sa valeur, sera annulée par voie de cancellation ; qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions combinées de l'ordonnance du 6 juin 2008 et de l'ordonnance rectificative du 10 juin 2008 ont ordonné la prolongation de la détention provisoire de Sandrine X... et qu'il ne peut être retenu que celle-ci soit détenue sans droit ni titre depuis le 11 juin 2008 ; que, compte tenu des constatations sur les lieux, des pièces médicales, des déclarations des deux mis en examen, il existe de lourdes présomptions à l'encontre de Sandrine X... qui a asséné un coup de trousseau de clefs à la tête de la victime, a aspergé celle-ci d'essence, et incité le co-mis en examen à mettre le feu, ce dernier point ressortant des déclarations de C... ci-dessus relevées, ce dernier point étant contesté par Sandrine X... ; qu'elle s'est abstenue de provoquer tout secours ; que le fait que la mise en examen aurait été blessée au niveau dentaire par la victime, ce qui expliquait la production du certificat dentaire du 23 janvier 2007, n'est pas de nature à justifier les faits reprochés, en totale disproportion avec la fracture de deux dents alléguée ; qu'une audience de contrôle dans les termes de l'article 221-3 du code de procédure pénale a été tenue le 17 juin 2008 au cours de laquelle la défense a demandé de multiples actes, notamment des confrontations, et l'arrêt mis en délibéré au 24 juin 2008 ; qu'au regard des éléments de personnalité figurant au dossier, en particulier de l'expertise psychiatrique du docteur Y... qui fait état de perturbations psychopathologiques et d'un état dangereux majeur sous l'influence de toxiques, ce que confirme le comportement de la mise en examen dont le casier judiciaire porte trace de condamnations pour violence avec arme (un an d'emprisonnement), prononcée le 24 mars 2000 par la cour d'assises de la Charente, Sandrine X... ayant porté un coup de fusil à son concubin de l'époque, Romuald Z..., décédé sur le coup, à la suite d'une violente dispute dans un contexte médicamenteux et d'alcoolisation, pour des faits d'outrages, de dégradation, violence avec arme, le risque de renouvellement des faits est très important ; que les faits, tels que ci-dessus décrits démontrent un acharnement sur la victime, que l'on a laissée sans soins agoniser toute la nuit, ont porté un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public qui n'est pas à ce jour apaisé ; que, dans un courrier du 23 novembre 2007 adressé au parquet, la mise en examen indique « je pense avoir assez payé pour l'instant pour une simple dispute qui, comme je vous l'ai indiqué, n'aurait pas dû se dérouler comme cela et une fois la nuit passée, la vie continuait » ; que le contrat d'avenir, signé avec le centre d'hébergement et de réinsertion Samuel, ne constitue pas en l'état une garantie suffisante au regard des éléments de la personnalité ci-dessus relevés ; qu'il en est de même de l'attestation de la mère de la mise en examen au regard de la dangerosité du sujet telle que résultant des faits, des expertises psychiatriques et psychologiques et du casier judiciaire et qui persiste nonobstant le fait que la mise en examen a suivi diverses formations en détention ; qu'un emploi en qualité d'employée de maison à temps partiel comme proposé par Mmes A... et B..., deux retraitées, ne constitue pas une garantie suffisante ; qu'au regard des actes programmés par le juge d'instruction et de l'audience de contrôle, une confrontation étant en particulier indispensable entre les deux co-mis en examen, le délai prévisible d'achèvement de la procédure doit être fixé à trois mois ; qu'au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure et ci-dessus mentionnés, la détention provisoire de Sandrine X... constitue l'unique moyen de parvenir aux objectifs suivants, lesquels ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire : empêcher une pression sur les témoins, prévenir le renouvellement des faits, garantir la représentation en justice, mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public ;
" 1°) alors que doit être annulée la décision qui, sous couvert d'une rectification d'erreur matérielle, modifie les dispositions d'une précédente décision et, partant, porte atteinte à la chose jugée ; qu'en estimant qu'il n'y a pas lieu d'annuler l'ordonnance du 10 juin 2008 frappée d'appel et qu'il résulte ainsi des dispositions combinées de cette décision et de l'ordonnance rectifiée du 6 juin 2008, que la détention provisoire de Sandrine X... a été prolongée de six mois à compter du 11 juin 2008 à 0 heure, sans rechercher si l'ordonnance du 10 juin 2008 n'a pas modifié la chose jugée par la précédente décision du 6 juin 2008, dès lors que seule l'ordonnance du 10 juin 2008 prévoit une prolongation de la détention et en fixe la durée, tandis que ni les motifs ni le dispositif de l'ordonnance rectifiée ne prévoient une telle prolongation ni n'en fixent la durée et qu'ainsi, le juge des libertés et de la détention a excédé les pouvoirs qu'il tient de l'article 710 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;

" 2°) alors que doit être annulée la décision qui, sous couvert d'une rectification d'erreur matérielle, modifie les dispositions d'une précédente décision et, partant, porte atteinte à la chose jugée ; qu'en estimant qu'il n'y a pas lieu d'annuler l'ordonnance du 10 juin 2008 frappée d'appel et qu'il résulte ainsi des dispositions combinées de cette décision et de l'ordonnance rectifiée du 6 juin 2008 que la détention provisoire de Sandrine X... a été prolongée de six mois à compter du 11 juin 2008 à 0 heure, tout en relevant que les mentions de l'ordonnance du 10 juin 2008 relatives au délai prévisible d'achèvement de la procédure et à la nécessité de la poursuite de l'information ne constituent pas une rectification d'erreur matérielle mais doivent être annulées, ce dont il résulte que cette décision devait être intégralement annulée pour excès de pouvoir au regard des dispositions de l'article 710 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés ;
" 3°) alors que, lorsqu'elle est saisie d'un recours tendant à l'annulation d'une ordonnance rendue en matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction, qui n'a pas le pouvoir d'évocation, ne peut – après annulation – substituer sa décision à celle du premier juge ; qu'en l'espèce, sur l'appel formé par la demanderesse à l'encontre de l'ordonnance rectificative du 10 juin 2008, la chambre de l'instruction a annulé par cancellation les mentions de cette décision relatives au délai prévisible d'achèvement de la procédure et à la nécessité de la poursuite de l'information, puis a elle-même examiné ces points pour ordonner la prolongation de la détention de l'intéressée, après avoir observé que des actes demeurent programmés par le juge d'instruction et que le délai prévisible d'achèvement de la procédure doit être fixé à trois mois ; qu'en statuant ainsi, bien qu'aucune disposition légale n'autorise la chambre de l'instruction à évoquer, après annulation d'une ordonnance rendue en matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction a violé l'article 201 du code de procédure pénale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Sandrine X... a été mise en examen du chef de meurtre aggravé et placée en détention provisoire par ordonnance du 11 décembre 2006 ; qu'après une première prolongation de la détention provisoire, le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande tendant à une nouvelle mesure de prolongation à compter du 11 juin 2008 ; que, le 6 juin 2008, ce magistrat a rendu une ordonnance intitulée " ordonnance de rejet de demande de mise en liberté " puis, le 10 juin 2008, une ordonnance rectificative disant que la détention provisoire de la personne mise en examen est prolongée pour une durée de six mois ;
Attendu que Sandrine X... a formé appel de la seule ordonnance rectificative et demandé l'annulation de cette décision en faisant valoir qu'elle portait atteinte à l'autorité de la chose jugée ;
Attendu que, pour écarter cette argumentation, l'arrêt énonce que l'ordonnance du 6 juin 2008 a été rendue au terme d'un débat contradictoire régulier portant sur la prolongation de la détention provisoire dont le juge des libertés et de la détention a été saisi par le juge d " instruction et à l'issue duquel, suivant procès-verbal signé par la personne mise en examen, celle-ci a été avisée de la teneur de la décision ; que les juges en déduisent que l'ordonnance, intitulée " ordonnance de rejet de mise en liberté ", à la suite d'une erreur purement matérielle, a pu être rectifiée par l'ordonnance du 10 juin ; qu'après avoir cancellé les motifs de l'ordonnance rectificative, relatifs au délai prévisible d'achèvement de la procédure, ils ont motivé leur arrêt au regard de l'article 145-3 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, abstraction faite des motifs surabondants relatifs au délai d'achèvement de la procédure, la chambre de l'instruction, qui n'était saisie que de l'appel d'une ordonnance portant rectification d'une erreur matérielle, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Finidori conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Palisse, MM. Guérin, Straehli conseillers de la chambre, Mme Degorce conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Fréchède ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-84893
Date de la décision : 16/09/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DETENTION PROVISOIRE - Ordonnances - Ordonnance du juge des libertés et de la détention - Ordonnance rectifiant une erreur matérielle - Validité - Condition

Saisie du seul appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant rectifié l'erreur matérielle contenue dans une précédente ordonnance improprement qualifiée d'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté alors qu'il s'agissait d'une ordonnance de prolongation de la détention rendue après débat contradictoire régulier, la chambre de l'instruction est bien fondée à refuser d'annuler l'ordonnance rectificative, après cancellation des mentions relatives au délai prévisible d'achèvement de la procédure, omises dans la décision rectifiée. En l'état de la saisine de la chambre de l'instruction, limitée à la seule question de savoir si l'ordonnance frappée d'appel, sous le couvert d'une rectification d'erreur matérielle, avait porté atteinte à l'autorité de la chose jugée, doivent être tenus pour surabondants, les motifs de l'arrêt relatifs à la durée prévisible d'achèvement de la procédure


Références :

articles 145-3, 201 et 710 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, 19 juin 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 sep. 2008, pourvoi n°08-84893, Bull. crim. criminel 2008, n° 185
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2008, n° 185

Composition du Tribunal
Président : M. Pelletier
Avocat général : M. Fréchède
Rapporteur ?: M. Finidori
Avocat(s) : Me Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:08.84893
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