LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'AGENT JUDICIAIRE DU TRÉSOR,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 17e chambre, en date du 12 septembre 2007, qui, dans la procédure suivie contre Sylvain X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959, 31 de la loi du 5 juillet 1985 dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée et 1382 du code civil ;
"en ce que l'arrêt attaqué a limité la condamnation de Sylvain X... - opposable à Groupama Val de Loire - au profit de l'Agent judiciaire du Trésor à la somme de 134 321,25 euros en remboursement des prestations versées par l'Etat à son agent, Nicolas Y... ;
"aux motifs que, (…) au vu de ces éléments et de l'ensemble des pièces versées aux débats, le préjudice corporel de Nicolas Y... qui était âgé de 32 ans lors de l'accident et de 34 ans à la consolidation et exerçait la profession de gardien de la paix sera indemnisé comme suit :
Préjudices économiques :
(…)
Incidence professionnelle : que, si les séquelles de l'accident permettent à Nicolas Y... de continuer à exercer la fonction de gardien de la paix, elles le rendent inapte à travailler à motocyclette alors que le jour de l'accident, il était précisément en stage motocycliste à l'école de police de Sens ; que l'indemnité sollicitée par la victime (10 000 euros), avant déduction de l'allocation d'invalidité (capital représentatif 112 607,30 euros) versée par l'agent judiciaire du Trésor, est acceptée par Sylvain X... et Groupama Val de Loire ; qu'il ne reste aucun solde pour la victime et l'agent judiciaire du Trésor est en droit d'obtenir le paiement de la somme de 10 000 euros ;
Préjudices personnels :
(…)
Déficit fonctionnel permanent : que l'indemnité offerte (32 000 euros) au titre des séquelles décrites par l'expert, ci-dessus-rappelées, sera retenue ; que Sylvain X... et Groupama Val de Loire soutiennent que l'allocation d'invalidité répare la perte de l'intégrité physique et en déduisent que cette allocation doit s'imputer sur le déficit fonctionnel ;
mais que la lettre du ministère de l'économie et des finances du 17 avril 2003 qu'ils produisent à l'appui de leurs affirmations est insuffisante pour apporter la preuve que ces prestations indemnisent de manière incontestable un poste de préjudice personnel ; qu'il n'y a donc pas lieu à déduction et il revient ainsi à la victime la somme de 32.000 euros (…) ;
"alors que l'allocation temporaire d'invalidité (ATI), calculée sur une base forfaitaire et cumulable avec le traitement, est destinée à compenser un déficit fonctionnel existant du fait de la présence de séquelles de l'accident ; d'où il résulte qu'en l'état de l'allocation temporaire d'invalidité concédée le 31 août 2005 à Nicolas Y..., dont le capital représentatif était fixé à 112 607,23 euros, la cour d'appel ne pouvait imputer cette prestation sur le poste de préjudice afférent à l'incidence professionnelle en l'excluant du poste déficit fonctionnel permanent dont elle a alloué le montant à la victime, conduisant ainsi à lui accorder une double indemnisation de son préjudice" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 1382 du code civil et 28 à 31 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006 ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 11 mai 2004, Nicolas Y..., fonctionnaire de police, a été victime, à l'âge de trente deux ans, au cours d'un stage de formation au pilotage motocycliste, d'un accident de la circulation dont Sylvain X..., reconnu coupable de blessures involontaires, a été déclaré responsable ; que, consolidé le 5 janvier 2006, il reste atteint d'un déficit fonctionnel, évalué à 16 % par l'expert judiciaire chargé de l'examiner, qui lui interdit d'occuper l'emploi de motocycliste auquel il pouvait prétendre ;
Attendu qu'appelée à statuer sur la réparation du préjudice de la victime, la cour d'appel était saisie de conclusions de l'agent judiciaire du Trésor tendant à la condamnation de Sylvain X... à lui payer, dans la limite de la réparation mise à la charge du prévenu, la somme de 236 928, 48 euros, comprenant non seulement les frais médicaux et pharmaceutiques pris en charge par l'Etat et les rémunérations maintenues à la victime pendant la durée de son incapacité, mais les arrérages échus et à échoir de l'allocation temporaire d'invalidité qui lui est servie depuis le 31 août 2005 au taux de 34 % en application de l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, et dont le capital représentatif se monte à 112 607, 30 euros ;
Attendu que, pour limiter à 10 000 euros, montant de son évaluation de l'incidence professionnelle du dommage corporel, la somme à laquelle l'Etat peut prétendre en remboursement de l'allocation temporaire d'invalidité, la cour d'appel se borne à énoncer que l'agent judiciaire du Trésor n'établit pas que cette prestation ait, en l'espèce, indemnisé de manière incontestable le préjudice à caractère personnel résultant d'un déficit fonctionnel permanent en réparation duquel elle alloue à la victime une somme de 32 000 euros ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, saisie d'un recours subrogatoire de l'Etat, il lui appartenait, avant de pouvoir apprécier si les arrérages échus de l'allocation temporaire d'invalidité indemnisaient au moins partiellement, de manière incontestable, un poste du préjudice personnel de la victime, d'évaluer en tous ses éléments, même réparés par le service de ladite allocation, le préjudice résultant pour la victime de l'atteinte à son intégrité physique, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris en date du 12 septembre 2007 ;
Et attendu que l'intérêt d'une bonne administration de la justice commande que, par application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, la cassation ait effet à l'égard des autres parties à la procédure qui ne se sont pas pourvues ;
DIT que la cassation prononcée aura effet tant à l'égard du demandeur qu'à l'égard des autres parties à la procédure ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande présentée par Nicolas Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Blondet conseiller rapporteur, MM. Farge, Palisse, Le Corroller, Foulquié, Mme Radenne conseillers de la chambre, Mme Agostini, MM. Chaumont, Delbano conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Magliano ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;