LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LE FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES
OBLIGATOIRES, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 11 juillet 2007, qui, dans la procédure suivie contre Lakhdar X..., du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 421-5 du code des assurances, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a constaté la nullité du contrat d'assurance souscrit le 19 novembre 2002 par Isabelle Y... désignant Lakhdar X... comme conducteur principal et dit que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages sera tenu de prendre à sa charge l'indemnisation des victimes, les débours de la CPAM de la Savoie et de rembourser à la MAAF les frais et indemnités provisionnels versés ;
"aux motifs qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'Isabelle Y... a souscrit en date du 19 novembre 2002 un contrat d'assurance automobile en désignant comme conducteur principal du véhicule assuré son compagnon Lakhdar X... ; que les poursuites diligentées à la suite de l'accident dont était victime Martine Z... révélaient que Lakhdar X... avait déjà été condamné à deux reprises par le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains le 18 juin 2002 pour des faits de délit de fuite commis respectivement le 26 septembre 2000 et le 8 janvier 2001 ; que dans ces circonstances, la compagnie d'assurances MAAF a invoqué la nullité du contrat d'assurance lorsqu'elle a eu connaissance des antécédents judiciaires de Lakhdar X... par le jugement du tribunal correctionnel d'Albertville du 22 mars 2004 ; qu'elle a avisé le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires par lettre recommandée le 7 juin 2005, et les victimes le 21 juillet 2005 ; que l'article R. 421-5 du code des assurances prévoit que l'assureur qui entend invoquer la nullité du contrat d'assurances doit aviser la victime en même temps et dans les mêmes formes que la déclaration faite au Fonds de Garantie ; mais la loi ne prévoit aucun délai précis, et aucune partie ne démontre qu'une information tardive lui aurait porté grief ; qu'il en résulte que l'exception de garantie soulevée par la société MAAF doit être déclarée recevable ; que le jour de la souscription du contrat d'assurances Lakhdar X... signait deux déclarations de risque, pour l'assurance de deux véhicules distincts, dont celui impliqué dans l'accident, pour lesquels il était désigné conducteur principal ; que ces deux documents en date du 19 novembre 2002, signés de sa main, mentionnent dans la rubrique "Antécédents" qu'au cours des 36 derniers mois il n'avait eu aucun sinistre ; que ces pièces établissent que Lakhdar X... a dissimulé volontairement à la compagnie d'assurances qu'il avait été impliqué auparavant dans deux sinistres puis condamné à deux reprises pour délit de fuite ; qu'il a ainsi effectué une fausse déclaration intentionnelle de nature à changer l'objet du risque ou en diminuer l'opinion pour l'assureur, au sens de l'article L. 113-8 du code des assurances ; que le jugement frappé d'appel sera par conséquent confirmé, en ce qu'il a constaté la nullité du contrat d'assurance souscrit le 19 novembre 2002 par Isabelle Y... désignant Lakhdar X... comme conducteur principal" (arrêt attaqué, pp. 6 et 7) ;
"alors que selon l'article R. 421-5 du code des assurances, lorsque l'assureur entend invoquer la nullité du contrat d'assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposable à la victime ou à ses ayants droit, il doit, par lettre recommandée avec accusé de réception, le déclarer au FGAO et joindre à sa déclaration les pièces justificatives de son exception ; il doit en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droit en précisant le numéro du contrat ; qu'en ne le faisant pas, il s'interdit d'invoquer l'opposabilité aux victimes de son exception de non-garantie et ne peut par conséquent, réclamer au Fonds de Garantie le remboursement des sommes qu'il a payées ; que la cour d'appel ne pouvait donc se prononcer comme elle l'a fait après avoir pourtant constaté que la compagnie MAAF Assurances avait avisé le FGAO par lettre recommandée le 7 juin 2005 et les victimes le 21 juillet 2005" ;
Vu l'article R. 421-5 du code des assurances ;
Attendu qu'il résulte du premier alinéa de ce texte que, lorsque l'assureur entend invoquer la nullité du contrat d'assurance, sa suspension ou la suspension de la garantie, une non-assurance ou une assurance partielle opposables à la victime ou à ses ayants droit, il doit, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le déclarer au fonds de garantie et joindre à sa déclaration les pièces justificatives de son exception; qu'il doit en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droit en précisant le numéro du contrat ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'un accident de la circulation, Lakhdar X..., qui conduisait un véhicule appartenant à Isabelle Y... et assuré auprès de la MAAF, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef notamment de blessures involontaires sur la personne de Martine Z..., et qu'il a été définitivement condamné par jugement du 22 mars 2004 ; que, sur les intérêts civils, l'assureur a présenté une exception de non-assurance, à laquelle la juridiction a fait droit par jugement du 11 mai 2006 liquidant le préjudice de la partie civile ;
Attendu que, pour confirmer le jugement en ce qu'il avait mis à la charge du fonds de garantie l'indemnisation de la victime et le remboursement aux tiers payeurs, l'arrêt constate que la MAAF a invoqué la nullité du contrat lorsqu'elle a été informée, après le jugement du 22 mars 2004, des antécédents judiciaires du conducteur et qu'elle a avisé le fonds de garantie par lettre recommandée du 7 juin 2005, puis les victimes par lettres recommandées du 21 juillet suivant ; que les juges énoncent que, si l'article R. 421-5 du code des assurances prévoit que l'assureur doit aviser la victime en même temps que le fonds de garantie, ce texte ne fixe aucun délai précis ; qu'enfin, ils relèvent qu'aucune partie ne démontre qu'une information tardive lui aurait causé grief ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que l'assureur n'avait pas satisfait aux exigences de l'article R. 421-5 susvisé, relatives à la concomitance des avis à donner au fonds de garantie et aux victimes, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée dudit texte ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 11 juillet 2007, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande présentée par Daniel et Martine Z... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Delbano conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;