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15/05/2008 | FRANCE | N°06-19535

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 mai 2008, 06-19535


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Marcel X... est décédé le 13 novembre 2000 en laissant pour lui succéder sa fille, Mme Colette X..., issue de sa première union, et son épouse en secondes noces, Mme Y..., et en l'état d'un testament authentique, de six codicilles olographes et d'un codicille authentique, désignant M. Z... en qualité d'exécuteur testamentaire, instituant comme légataires à titre universels, pour le surplus éventuel de la quotité disponible, Mme Y... à hauteur de 4/5e et l'Institut Pasteur, à hauteur

de 1/5e et concédant divers legs particuliers ; que, le 24 juillet 2001...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Marcel X... est décédé le 13 novembre 2000 en laissant pour lui succéder sa fille, Mme Colette X..., issue de sa première union, et son épouse en secondes noces, Mme Y..., et en l'état d'un testament authentique, de six codicilles olographes et d'un codicille authentique, désignant M. Z... en qualité d'exécuteur testamentaire, instituant comme légataires à titre universels, pour le surplus éventuel de la quotité disponible, Mme Y... à hauteur de 4/5e et l'Institut Pasteur, à hauteur de 1/5e et concédant divers legs particuliers ; que, le 24 juillet 2001, Mme Colette X... a déclaré renoncer à la succession de son père et que le fils de celle-ci, M. A..., a déclaré l'accepter ; que M. Z..., ès qualités, a assigné Mme Colette X... pour faire déclarer frauduleuse sa renonciation à la succession de son père ; qu'après avoir été appelée à l'instance avec la Fondation Institut Pasteur, Mme Y... a attrait à l'instance M. A... et les légataires particuliers ;

Sur les moyens uniques du pourvoi incident et du pourvoi incident complémentaire de M. Z..., ès qualités d'exécuteur testamentaire, les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident formé par Mme Y..., veuve X..., et le moyen unique du pourvoi incident de la Fondation Institut Pasteur et de la Fédération nationale des clubs et écoles des chiens guides d'aveugles, pris en leurs diverses branches, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de M. A..., qui est recevable, et le premier moyen du pourvoi incident de Mme Colette X..., pris en leurs diverses branches et réunis :

Attendu que M. A... et Mme Colette X... font grief à l'arrêt attaqué de déclarer recevable la demande de l'exécuteur testamentaire tendant à voir déclarer nulle et inopposable aux légataires la renonciation de l'héritière de premier rang à la succession à laquelle elle était appelée, et de dire que les frais exposés par l'exécuteur testamentaire à l'occasion de cette action seraient à la charge de la succession, alors, selon les moyens :

1°/ qu'il résulte de l'article 31 du code de procédure civile que seuls ceux qui ont un intérêt personnel et direct au succès ou au rejet d'une prétention sont recevables à agir et de l'article 1031 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, que l'exécuteur testamentaire n'est pas recevable à agir en justice mais peut seulement, en cas de contestation sur l'exécution du testament, intervenir pour en soutenir la validité, si bien qu'en retenant que M. Z... était recevable à agir en qualité d'exécuteur testamentaire pour contester la renonciation de l'héritier appelé au premier rang, la cour d'appel a violé les textes précités ;

2°/ qu'il résulte de l'article 1031 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, que l'exécuteur testamentaire n'est pas recevable à agir en justice mais peut seulement intervenir, en cas de contestation, sur l'exécution du testament, pour soutenir la validité du testament ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1031 du code civil ;

3°/ que l'action en inopposabilité d'un acte sur le fondement du principe fraus omnia corrumpit est une action personnelle ; qu'en considérant que l'exécuteur testamentaire pouvait agir sur ce fondement dès lors que la renonciation prétendument frauduleuse de Mme Colette X... à la succession avait compromis l'exécution fidèle du testament, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article 1031 du code civil, ensemble le principe fraus omnia corrumpit ;

4°/ que si l'article 126, alinéa 2, du code de procédure civile permet d'écarter l'irrecevabilité d'une action lorsque la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance, il ne confère pas, pour autant, automatiquement à celui qui n'avait pas intérêt à agir le droit d'agir ; que l'intervention, à titre personnel, de Mme Y... et de l'Institut Pasteur et le dépôt de leurs conclusions avant toute forclusion ne sauraient conférer à l'exécuteur testamentaire le droit de poursuivre, ès qualités, son action ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 126, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'étant chargé, aux termes de l'article 1031, alinéa 4, du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, de veiller à l'exécution du testament, l'exécuteur testamentaire a le pouvoir, au nom et dans l'intérêt collectif des légataires, d'agir en justice pour obtenir des héritiers l'exécution des volontés du testateur ; que la cour d'appel a décidé, à bon droit, qu'en sa qualité d'exécuteur testamentaire, M. Z... pouvait exercer une action tendant à faire constater la fraude entachant la renonciation de Mme Colette X... à la succession de son père dès lors que cette renonciation compromettait la bonne exécution du testament et portait ainsi atteinte aux dernières volontés du défunt ; que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Mais sur la première branche du premier moyen éventuel du pourvoi incident de Mme Y..., veuve X..., et la seconde branche du moyen du pourvoi incident éventuel de la Fondation Institut Pasteur et de la Fédération des clubs et écoles des chiens guides d'aveugles, qui sont préalables :

Vu les articles 778 et 779 du code civil, ensemble l'article 1011 de ce code, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;

Attendu que, pour décider que Mme Colette X... n'a pas fait acte d'héritière de Marcel X... avant le 24 juillet 2001, l'arrêt attaqué énonce, d'abord, que l'acceptation tacite doit être contenue dans un écrit, émanant de l'héritier ou son mandataire et qu'elle doit résulter de l'accomplissement d'actes manifestant l'intention délibérée d'accepter la succession ; qu'ensuite, après avoir estimé que la lettre adressée le 15 janvier 2001 par le conseil de Mme Colette X... à la Préfecture des Yvelines s'analysait en une délivrance du legs consenti à l'Institut Pasteur, il retient que la délivrance d'un legs est un acte purement conservatoire et qu'en manifestant son intention de ne pas s'opposer à la délivrance du legs qui donne seulement vocation à participer au partage et réservant le règlement au jour où l'actif net de la succession sera arrêté, Mme Colette X... n'a agi qu'à titre d'héritier, sans manifester son acceptation de la succession, peu important qu'elle ait eu la faculté de rester taisante et de ne pas se prononcer ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que l'acceptation tacite d'une succession n'est pas subordonnée à l'existence d'un écrit et, d'autre part, que la délivrance d'un legs ne constitue pas un acte conservatoire, mais un acte qui, valant reconnaissance des droits du légataire et renonciation à se prévaloir des causes d'inefficacité du legs, ne peut être accompli qu'en qualité d'héritier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal de M. A..., qui est recevable, pris en ses trois premières branches et sa cinquième branche, et le premier moyen du pourvoi incident de Mme Colette X..., pris en ses deux premières branches :

Vu l'article 775 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;

Attendu que, selon ce texte, nul n'est tenu d'accepter une succession qui lui est échue ;

Attendu que, pour décider que Mme Colette X... a renoncé frauduleusement à la succession de son père et déclarer cette renonciation inopposable à la succession, l'arrêt énonce qu'il y a fraude chaque fois que le sujet de droit parvient à se soustraire à l'exécution d'une règle obligatoire par l'emploi à dessein d'un moyen efficace qui rend ce résultat inattaquable sur le terrain du droit positif ; qu'il relève qu'en conséquence de sa renonciation, d'une part, Mme Colette X... est censée n'avoir jamais été héritière, qu'elle peut conserver le don manuel d'actions de la société ELM X... contesté et pour lequel il lui est opposé l'application des peines du recel, que les donations qu'elle a reçues en avancement d'hoirie sont traitées comme des donations préciputaires, que, d'autre part, M. Laurent A... vient à la succession de Marcel X... de son propre chef, que la quotité disponible et la réserve sont alors égales à la moitié de la succession et qu'il n'est pas tenu de rapporter les dons faits à sa mère, et qu'enfin, la quotité disponible est entièrement absorbée et que les legs ne peuvent plus être délivrés, les droits du conjoint survivant étant également réduits ; qu'il rappelle que l'acceptation de la succession a pour conséquence, d'une part, que Mme Colette X... seule héritière réservataire a l'obligation de déclarer et de rapporter tous les dons et donations, qu'elle a droit à la moitié de la succession et que les dispositions testamentaires sont respectées, d'autre part, que M. Laurent A... n'a à l'évidence aucun droit dans la succession de son grand-père et que la quotité disponible n'est pas absorbée et permet la délivrance des legs et qu'enfin, les légataires se trouvent remplis de leurs droits suivant les volontés du testateur ; qu'il énonce que c'est par de vains motifs d'ordre moral que Mme Colette X... justifie sa décision de renoncer à la succession, que l'intérêt matériel est tout autant inexistant, qu'en outre, en renonçant Mme Colette X... s'expose à une action en réduction l'obligeant à restituer à son fils une part de la réserve si le don manuel d'actions était retenu, que l'exercice d'une action en réduction du fils reste toutefois très hypothétique et qu'en conséquence de la renonciation, les droits de Mme Colette X... absorbent la totalité de la quotité disponible et la totalité de la réserve est appréhendée par M. Laurent A... ; qu'il en déduit que la fraude est constituée, résultant de l'utilisation d'une faculté légale dans le but de contourner les principes de la dévolution successorale et faire échec aux prévisions testamentaires instituant des légataires qui s'imposent aux héritiers étant relevé que la manoeuvre conduit à mettre en cause le principe de la libre disposition de ses biens à cause de mort par Marcel X... ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'héritier n'est tenu des legs faits par le défunt qu'en sa qualité d'héritier et qu'il cesse d'en être débiteur dès l'instant où il renonce à la succession et perd ainsi la qualité d'héritier, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la règle obligatoire que la renonciation à la succession aurait permis à l'héritière d'éluder et qui a déduit l'existence d'une fraude des avantages tirés par celle-ci de l'usage de la faculté légale de renoncer à la succession et du préjudice causé aux légataires par la réduction consécutive de la quotité disponible, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi principal de M. A..., la seconde branche du premier moyen du pourvoi incident éventuel de Mme Y..., veuve X..., et la première branche du pourvoi incident éventuel de l'Institut Pasteur et de la Fédération nationale des clubs et écoles des chiens guides d'aveugles :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré inopposable à la succession la renonciation de Mme Colette X... à la succession de Marcel X... et en ce qu'il a dit que Mme Colette X... n'a pas fait acte d'héritière de Marcel X... antérieurement au 24 juillet 2001 et débouté la Fondation Institut Pasteur et la Fédération nationale des clubs et écoles des chiens guides d'aveugles de leur demande en nullité de la renonciation à la succession, l'arrêt rendu le 15 juin 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 06-19535
Date de la décision : 15/05/2008
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

SUCCESSION - Acceptation et répudiation des successions - Acceptation - Faculté - Portée

SUCCESSION - Renonciation - Fraude - Caractérisation - Conditions - Détermination

Selon l'article 775 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, nul n'est tenu d'accepter une succession qui lui est échue ; il s'ensuit que l'héritier n'étant tenu des legs faits par le défunt qu'en sa qualité d'héritier et cessant d'en être débiteur dès l'instant où il renonce à la succession et perd ainsi la qualité d'héritier, viole ce texte une cour d'appel qui, pour déclarer frauduleuse la renonciation d'un héritier à la succession du défunt, ne caractérise pas la règle obligatoire que la renonciation à la succession aurait permis à l'héritier d'éluder et qui déduit l'existence d'une fraude des avantages tirés par celui-ci de l'usage de la faculté légale de renoncer à la succession et du préjudice causé aux légataires par la réduction consécutive de la quotité disponible


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 15 juin 2006

Sur le n° 2 : Sur la nécessité pour le légataire universel de solliciter la délivrance de son legs en présence d'héritiers réservataires, à rapprocher : 1re Civ., 28 janvier 1997, pourvoi, n° 95-13.835, Bull. 1997, I, n° 37 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 mai. 2008, pourvoi n°06-19535, Bull. civ. 2008, I, N° 140
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2008, I, N° 140

Composition du Tribunal
Président : M. Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Pagès
Rapporteur ?: Mme Bignon
Avocat(s) : SCP Defrenois et Levis, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Gatineau, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:06.19535
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