LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
1° / M. Jacques X...,
2° / Mme Mafalda Y..., épouse X...,
tous deux domiciliés...,
contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2007 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre B), dans le litige les opposant à la société Immobilier service, exerçant sous l'enseigne Century 21, société à responsabilité limitée, dont le siège est 2 boulevard d'Alsace, 06400 Cannes,
défenderesse à la cassation ;
M. et Mme X... se sont pourvus en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre A civile) en date du 16 octobre 2001 ;
Cet arrêt a été cassé le 27 avril 2004 par la première chambre civile de la Cour de cassation ;
La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de Nîmes qui, saisie de la même affaire, a statué par arrêt du 23 janvier 2007 ;
Un pourvoi ayant été formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, la première chambre civile a, par arrêt du 8 novembre 2007 décidé le renvoi de l'affaire devant l'assemblée plénière ;
Les demandeurs invoquent, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Bachellier et Potier de la Varde, avocat de M. et Mme X... ;
Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par Me Copper-Royer, avocat de la société Immobilier service ;
Le rapport écrit de M. Foulquié, conseiller, et l'avis écrit de M. de Gouttes, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;
Sur quoi, LA COUR, siègeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 11 avril 2008, où étaient présents : M. Lamanda, premier président, MM. Cotte, Weber, Mmes Favre, Collomp, MM. Bargue, Gillet, présidents, M. Foulquié, conseiller rapporteur, M. Peyrat, Mme Garnier, MM. Pluyette, Mazars, Le Gall, Le Coroller, Bailly, Laurans, Petit, Blatmann, Mme Kamara, conseillers, M. de Gouttes, premier avocat général, Mme Tardi, directeur de greffe ;
Sur le rapport de M. Foulquié, conseiller, assisté de Mme Lemoine, greffier en chef au service de documentation et d'études, les observations de la SCP Bachellier et Potier de la Varde, avocat de M. et Mme X..., de Me Copper-Royer, avocat de la société Immobilier service, l'avis de M. de Gouttes, premier avocat général, auquel les parties invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 23 janvier 2007), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 27 avril 2004, Bull. I n° 111, p. 80), que, titulaire d'un mandat non exclusif que lui avait donné, en vue de vendre un appartement, la société Immobilière Saint-Louis (le vendeur), moyennant le prix de 2 600 000 francs, commission comprise, soit 2 700 000 francs " net vendeur ", la société Immobilier service (la société) a fait visiter le bien les 11 et 12 octobre 1990 à des personnes disant se nommer M. et Mme " Z... " dont elle a transmis au vendeur une offre de prix à 2 200 000 francs ; qu'ayant appris que ces personnes, en réalité les époux X... qui avaient ainsi fait usage d'une identité fausse pour se présenter à elle, avaient acquis le bien du vendeur, selon acte authentique du 6 mars 1991, sans que la commission prévue dans le mandat lui ait été payée, elle les a assignées en réparation de son préjudice ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande alors que, selon le moyen :
1° / que le tiers ne peut être condamné à réparer le préjudice causé à une partie par l'inexécution d'un contrat par l'autre partie que s'il avait connaissance de la clause dont l'inexécution est alléguée ; qu'ainsi, en condamnant les époux X... à payer à la société une somme d'argent représentant la commission qui lui aurait été due par le vendeur sur la vente de l'appartement, sans constater que ceux-ci avaient connaissance de la clause du mandat prévoyant que cette commission était due même si la vente était conclue après l'expiration du mandat avec un acheteur présenté par la société, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1165 et 1382 du code civil, 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 72 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;
2° / que la commission n'étant pas due par les acquéreurs, la société ne peut se prévaloir à leur encontre d'un quelconque préjudice ; qu'ainsi, la cour d'appel, en condamnant les époux X... au paiement de la commission à raison de prétendues manoeuvres frauduleuses ayant consisté à évincer l'agent immobilier de l'acquisition de l'appartement qu'elle leur aurait fait visiter, a violé l'article 1382 du code civil et les articles 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 72 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;
Mais attendu que, même s'il n'est pas débiteur de la commission, l'acquéreur dont le comportement fautif a fait perdre celle-ci à l'agent immobilier, par l'entremise duquel il a été mis en rapport avec le vendeur qui l'avait mandaté, doit, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, réparation à cet agent immobilier de son préjudice ; qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'agent immobilier, à une date où il était titulaire d'un mandat, avait fait visiter l'appartement aux époux X... qui avaient acquis le bien à un prix conforme à leur offre " net vendeur " à l'insu de l'intermédiaire, la cour d'appel qui a ainsi fait ressortir la connaissance par les époux X... du droit à rémunération de l'agent immobilier et qui a pu retenir que les manoeuvres frauduleuses qu'ils avaient utilisées, consistant en l'emprunt d'une fausse identité pour l'évincer de la transaction immobilière, avaient fait perdre à l'agent immobilier la commission qu'il aurait pu exiger du vendeur, en a exactement déduit qu'ils devaient être condamnés à lui payer des dommages-intérêts ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X... à payer à la société Immobilier service la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des époux X... ;
Ainsi, fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du neuf mai deux mille huit ;
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bachellier et Potier de la Varde, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les époux X... à payer à la SARL Immobilier Service une somme de 16 769, 39 euros avec intérêts à compter du 20 février 1992 outre 5 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE les témoignages versés aux débats malgré les efforts déployés par les époux X... pour tenter de les discréditer établissent la réalité des manoeuvres frauduleuses utilisées par les époux X... pour évincer de la transaction immobilière qui les a rendus propriétaires la SARL Immobilier Service qui leur avait présenté l'appartement qu'ils ont finalement acquis à un prix conforme à leur offre du 12 octobre 1990 ; que par leurs manoeuvres frauduleuses consistant en l'emprunt d'une fausse identité, les époux X... ont fait perdre à la SARL Immobilier Service la commission qu'elle aurait pu exiger de la SCI Saint Louis si elle avait été associée à l'acte du 6 mars 1991 ; que c'est en conséquence à bon droit que le tribunal a condamné les époux X... à lui payer la somme de 110 000 francs (16 769, 38 euros) outre intérêts au taux légal à compter du 20 février 1992 à titre de dommages-intérêts ;
ALORS QUE d'une part le tiers ne peut être condamné à réparer le préjudice causé à une partie par l'inexécution d'un contrat par l'autre partie que s'il avait connaissance de la clause dont l'inexécution est alléguée ; qu'ainsi en condamnant les époux X... à payer à l'agence Immobilier Service une somme d'argent représentant la commission qui lui aurait été due par le vendeur sur la vente de l'appartement, sans constater que ceux-ci avaient connaissance de la clause du mandat prévoyant que cette commission était due même si la vente était conclue après l'expiration du mandat avec un acheteur présenté par l'agence, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1165 et 1382 du code civil, 6 de la loi 70-9 du 2 janvier 1970 et 72 et 73 du décret 72-678 du 20 juillet 1972 ;
ALORS QUE d'autre part la commission n'étant pas due par les acquéreurs, l'agence ne peut se prévaloir à leur encontre d'un quelconque préjudice ; qu'ainsi la cour d'appel en condamnant les époux X... au paiement de la commission à raison de prétendues manoeuvres frauduleuses ayant consisté à évincer l'agence de l'acquisition de l'appartement qu'elle leur aurait fait visiter, a violé l'article 1382 du code civil et les articles 6 de la loi 70-9 du 2 janvier 1970 et 72 et 73 du décret 72-678 du 20 juillet 1972.