LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société France Télécom, venant aux droits de la société Wanadoo SA de ce qu'elle se désiste de son pourvoi formé contre le syndicat de la Librairie française ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le syndicat de la Librairie française, a assigné la société Wanadoo SA, devenue France Télécom et la société Alapage.com, devenue Wanadoo E-Merchant et actuellement France-Télécom E-Commerce, qui a notamment pour activité la vente de livres par l'intermédiaire de son site internet, pour concurrence déloyale, leur reprochant deux opérations promotionnelles effectuées, selon elle, en méconnaissance des dispositions de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre et de l'article L. 121-35 du code de la consommation ; que la cour d'appel a considéré que la société France-Télécom E-Commerce, en offrant, du 9 septembre au 6 octobre 2002, des frais de port gratuits à tout acheteur de livre sur son site internet, a contrevenu aux dispositions de l'article 6 de la loi du 10 août 1981 et que cette même société, en faisant bénéficier, durant trois mois, certains acheteurs d'un bon d'achat de 15 euros pour tout achat de livres pour un montant égal ou supérieur à la valeur du bon, a méconnu les dispositions des articles 1 et 5 de ladite loi ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société France Télécom E-Commerce fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au syndicat de la Librairie française la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi par ce dernier du fait de deux opérations promotionnelles dont l'une consistait à accepter pour le paiement des livres acquis en ligne sur le site "alapage.com" des bons d'achat offerts à ses abonnés par Wanadoo Interactive, fournisseur d'accès à internet, alors, selon le moyen :
1°/ que l'acceptation en paiement de chèques-cadeau émis par un tiers, Wanadoo Interactive, qui crédite de leur entière valeur le détaillant, France Télécom E-Commerce en sorte que celui-ci reçoit en recette la totalité du prix du livre fixé par l'éditeur, ne constitue pas une remise accordée par le détaillant à l'acheteur ; qu'en décidant que la délivrance de tels bons a dans tous les cas pour objet obligé et nécessaire de permettre la vente des ouvrages à des prix réduits au-delà des limites légalement autorisées par l'article 5 de la loi du 10 août 1981, sans rechercher, comme elle y était invitée par conclusions signifiées le 28 juillet 2005, si France Télécom E-Commerce n'avait pas perçu de ce tiers le complément de prix correspondant à l'intégralité de la recette égale au prix fixé par l'éditeur, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1 et 5 de la loi du 10 août 1981 ;
2°/ que la loi Lang a pour finalité de garantir au détaillant qu'il perçoit l'intégralité du prix du livre fixé par l'éditeur et non d'imposer à l'acheteur d'en supporter intégralement le coût ; qu'en se fondant sur le fait que le client n'acquitte en argent que le prix diminué de la valeur du bon d'achat, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, retenu que, sous couvert d'une prime accordée à ses abonnés par la société Wanadoo Interactive, fournisseur d'accès à internet, sous forme de bons d'achat à valoir sur le site internet "Alapage.com", la société France Télécom E-commerce avait offert à la vente sur ce site à certains de ses clients, abonnés de la société Wanadoo Interactive, appartenant au même groupe que la société France Télécom E-commerce, des livres à un prix effectif inférieur de plus de 5 % à celui fixé par l'éditeur ou l'importateur, peu important, au regard des dispositions de l'article 1er de la loi du 10 août 1981, que la société France Télécom E-commerce ait été remboursée par la société Wanadoo Interactive du montant de la réduction ainsi accordée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles L. 121-35 du code de la consommation et 6 de la loi du 10 août 1981 ;
Attendu que, pour dire illicite, au regard de l'article 6 de la loi du 10 août 1981, l'opération promotionnelle ayant consisté pour la société France Télécom E-Commerce, détaillant, à faire bénéficier ses clients de la gratuité de la livraison pour toute commande de livres sur son site internet, l'arrêt retient que les frais de port étant normalement à la charge de l'acheteur, le seul fait pour le vendeur, dans un but de promotion et d'incitation à l'achat, d'annoncer au client auquel le lie un contrat à titre onéreux, qu'il assume lui-même le paiement de la livraison et d'en faire un service gratuit caractérise la prime au sens des articles 6 de la loi du 10 août 1981 et L. 121-35 du code de la consommation ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la prise en charge par le vendeur du coût afférent à l'exécution de son obligation de délivrance du produit vendu ne constitue pas une prime au sens des dispositions du code de la consommation, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions relatives à l'opération d'offre de frais de port gratuits et au montant des dommages-intérêts alloués au syndicat de la Librairie française, l'arrêt rendu le 23 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne le syndicat de la Librairie française aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille huit.