LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant sur renvoi après cassation (Soc, 9 novembre 2005, n° 03-43.290), qu'après avoir dénoncé le 19 janvier 1993 un accord du 22 juin 1947 portant statut du personnel, la société Lyonnaise des Eaux devenue la société Suez Lyonnaise des Eaux a conclu le 20 janvier 1993 un accord de substitution qui a été annulé par la Cour de cassation (Soc, 9 février 2000) ; qu'un nouvel accord est intervenu le 22 juin 2000 ; que se prévalant de la nullité de l'accord du 20 janvier 1993, un certain nombre de salariés, dont M. X..., ont saisi la juridiction prud'homale pour demander le paiement d'un sursalaire familial et l'indemnisation de congés d'obligations familiales prévus par le statut du 22 juin 1947, en considérant qu'il s'agissait d'avantages individuels qui leur étaient acquis en l'absence d'accord de substitution conclu dans le délai prévu par l'article L. 132-8 du code du travail ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal des salariés :
Attendu que les salariés font grief à l'arrêt de les avoir condamnés au remboursement des primes perçues en application de l'accord d'entreprise annulé du 20 janvier 1993, alors, selon le moyen :
1°/ que l'annulation d'un accord conclu en vue de remplacer un accord dénoncé équivaut à une absence d'accord de substitution ; que la dénonciation d'un accord non suivie d'un accord de substitution dans les délais prévus par l'article L. 132-8 du code du travail entraîne pour les salariés le maintien des avantages individuels acquis découlant de l'accord dénoncé ; que les salariés avaient soutenu, dans leurs conclusions d'appel, que les primes dont la société employeur demandait la restitution avaient en réalité été versées en application du statut du personnel du 22 juin 1947, lequel, dénoncé le 19 janvier 1993, n'avait été suivi d'aucun accord de substitution dès lors que l'accord du 20 janvier 1993 avait été annulé de façon rétroactive ; qu'en ne vérifiant pas si les primes dont il était demandé la restitution n'étaient pas prévues par le statut du personnel précité, de sorte que l'annulation rétroactive de l'accord du 20 janvier 1993 qui prévoyait ces primes à l'identique était sans incidence sur le maintien du droit des salariés à ces primes, s'agissant d'avantages individuels acquis par l'effet de l'article L. 132-8 du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du statut du personnel du 22 juin 1947 ;
2°/ que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; qu'en reprochant aux salariés de n'avoir pas demandé le paiement de primes en application du statut du personnel du 22 juin 1947, quand ceux-ci n'avaient pas intérêt à formuler de telles demandes dès lors que, comme ils l'avaient soutenu dans leurs conclusions d'appel, ils étaient remplis de leurs droits par les versement déjà intervenus, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 31 du code de procédure civile ;
Mais attendu que les salariés ne sont pas fondés à reprocher à la cour d'appel de les avoir condamnés au remboursement des primes perçues en application de l'accord de 1993, dont ils invoquaient la nullité sans revendiquer alors de créance de même nature sur le fondement de l'accord de 1947 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi incident de la société Suez Lyonnaise des Eaux :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à chacun des salariés une somme au titre des congés familiaux, après compensation réciproque entre les créances réciproques des parties, alors, selon le moyen :
1°/ que la prescription quinquennale instituée par l'article L. 143-14 du code du travail s'applique à toute action engagée à raison de sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail ; que tel est le cas d'une demande tendant au versement de sommes justifiées par l'absence de prise de congés ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 143-14 du code du travail ;
2°/ que les sommes allouées au titre de créances de nature salariale doivent être calculées déduction faite des charges sociales salariales ; que pour écarter la prétention de la société qui soutenait dans ses écritures que les indemnités devaient être calculées en fonction du salaire mensuel de référence déduction faite des charges sociales salariales correspondant aux sommes que l'employeur leur aurait versées en application de l'accord de 1947, la cour d'appel a considéré que les sommes allouées au titre de la perte de l'avantage lié aux congés parentaux ont le caractère de dommages-intérêts ; qu'en statuant de la sorte, alors que les sommes versées avaient la nature de salaire, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 140-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'action des salariés tendait à obtenir réparation du préjudice à eux causé par la perte du bénéfice des congés familiaux prévus à l'article 20 de l'accord du 22 juin 1947 dont ils avaient été privés par la faute de l'employeur, la cour d'appel a exactement décidé que cette action de nature indemnitaire se prescrivait par trente ans ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel qui a condamné l'employeur au paiement de dommages-intérêts dont elle a souverainement apprécié le montant, a estimé à bon droit que la créance de chaque salarié n'était pas soumise à cotisations sociales ;
D'ou il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 132-8 du code du travail ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer des sommes à plusieurs salariés au titre des sursalaires et des congés payés afférents, la cour d'appel retient que doivent être pris en considération au titre des avantages individuels acquis, les droits des salariés au titre des sursalaires correspondant à des droits ouverts au jour de la dénonciation de l'accord intervenue le 19 janvier 1993, résultant de la condition d'enfant à charge à cette date, les salariés ayant ainsi antérieurement bénéficié de sursalaires ; que justifie d'un droit ouvert à sursalaire au jour de la dénonciation de l'accord au titre de leurs premiers enfants et peuvent ainsi prétendre au paiement des sursalaires pour les enfants puînés, nés postérieurement à la dénonciation de l'accord, -M. Y... pour son second enfant né le 1er septembre 1994, -M. Z... pour son second enfant né le 6 septembre 1995, -M. A... pour son second enfant né le 8 mai 1995, -Mme B... pour son troisième enfant né le 18 avril 1997, -M. C... pour son second enfant né le 19 novembre 1997 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'à défaut de conclusion d'un nouvel accord, l'accord dénoncé le 19 janvier 1993 ne continuait à produire ses effets que jusqu'à l'expiration du délai prévu à l'article L. 132-8 du code du travail, la cour d'appel qui a constaté que les enfants des salariés demandeurs étaient nés postérieurement au délai précité, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal des salariés ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Suez Lyonnaise des Eaux à payer à MM. Y..., Z..., A..., C... et à Mme B..., des sommes au titre des sursalaires familiaux et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 22 janvier 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille huit.