LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 juin 2006), que M. X... a été engagé par la société Selnor le 28 août 1995 comme directeur des ressources humaines, statut cadre, en application de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie qui était applicable ; qu'il a été élu aux élections prud'homales en décembre 1997 et en décembre 2002 ; qu'en février 2001, à l'occasion d'une restructuration de l'entreprise, un avenant au contrat de travail a prévu l'attribution au salarié d'une indemnité contractuelle de licenciement s'ajoutant à l'indemnité conventionnelle ; que le contrat de travail a été repris par la société Brandt industrie en application d'un plan de cession arrêté en janvier 2002, des avenants au contrat de travail conclus les 24 février 2002 et 22 juillet 2002 précisant les modalités du transfert du contrat de travail ; que M. X... a été convoqué à un entretien préalable au licenciement qui s'est tenu le 19 décembre 2003 ; que le 27 mars 2003 lui a été remis outre son bulletin de salaire, le solde de tout compte et le certificat de travail, une attestation ASSEDIC mentionnant comme cause du licenciement "licenciement individuel" ; qu'il a saisi le conseil des prud'hommes de diverses demandes ;
Sur le premier et le troisième moyens réunis :
Attendu que la société Brandt industrie fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... des sommes à titre d'indemnité de préavis, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité pour violation du statut, alors, selon le moyen :
1°/ que la fraude corrompt tout ; que le salarié qui a participé à l'organisation d'un simulacre de procédure de licenciement incluant notamment l'envoi d'une lettre recommandée vide afin de dater le licenciement dans l'optique de la conclusion d'une transaction, ne peut ensuite se prévaloir de l'absence de notification effective de la lettre de licenciement à la date du recommandé pour faire reporter la date de rupture du contrat de travail et obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en fixant la date de rupture du contrat de travail de M. X... au 31 mars 2003 pour lui accorder une indemnité de préavis, et en lui allouant en outre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse faute de lettre de licenciement, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si ce dernier n'avait pas participé à l'organisation d'un simulacre de procédure de licenciement et s'il ne tentait donc pas de se prévaloir d'une fraude dont il était l'un des auteurs pour obtenir des indemnités de rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 120-4, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-14-3 du code du travail, ensemble le principe susvisé ;
2°/ que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; que le salarié qui a participé à l'organisation d'un simulacre de procédure de licenciement incluant notamment l'envoi d'une lettre recommandée vide afin de dater le licenciement dans l'optique de la conclusion d'une transaction, ne peut ensuite se prévaloir de l'absence de notification effective de la lettre de licenciement à la date du recommandé pour obtenir une indemnité de préavis et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en fixant la date de rupture du contrat de travail de M. X... au 31 mars 2003 pour lui accorder une indemnité de préavis, et en lui allouant en outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse faute de lettre de licenciement, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si ce dernier n'avait pas participé à l'organisation d'un simulacre de procédure de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 120-4, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-14-3 du code du travail, ensemble le principe susvisé ;
3°/ que les manoeuvres d'un salarié protégé afin d'amener son employeur, dont le représentant ignorait son statut, à rompre son contrat de travail sans demander l'autorisation de l'inspecteur du travail constituent une fraude le privant de l'indemnité pour violation du statut protecteur ou à tout le moins exonérant partiellement l'employeur de l'obligation de payer cette indemnité ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait que M. X... avait élaboré en complète concertation avec M. Dominique Y... le calendrier et les modalités de son départ, sans jamais faire état de sa qualité de conseiller prud'hommes auprès de son interlocuteur qui l'ignorait, attendant pour s'en prévaloir, d'une part d'avoir trouvé un autre emploi grâce aux moyens mis à sa disposition par l'employeur, et d'autre part, que la rupture du contrat de travail soit consommée ; qu'en affirmant par motifs propres qu'aucune fraude n'était démontrée, dès lors que Christian X... s'était présenté aux élections prud'homales avec l'accord de son employeur tant en 1997 qu'en 2002, et par motifs adoptés que l'employeur était également responsable en raison de sa légèreté et de sa méconnaissance du droit du travail, sans rechercher si le salarié n'avait pas, en toute connaissance de cause, participé à l'organisation d'un simulacre de procédure de licenciement en vue de la conclusion d'une transaction, sans à aucun moment attirer l'attention sur sa qualité de salarié protégé, que son interlocuteur ignorait manifestement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 514-2 du code du travail, ensemble le principe fraus omnia corrumpit ;
4°/ que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; que le salarié est tenu d'exécuter loyalement le contrat de travail ; qu'il en résulte que lorsque ce dernier a, en toute connaissance de cause, participé à l'organisation d'un simulacre de procédure de licenciement en vue de la conclusion d'une transaction, sans à aucun moment faire état de sa qualité de salarié protégé auprès de son interlocuteur qui l'ignorait, l'employeur est exonéré, à tout le moins partiellement, de l'obligation de payer de l'indemnité pour violation du statut protecteur ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait que M. X... avait élaboré en complète concertation avec M. Y... le calendrier et les modalités de son départ, sans jamais faire état de sa qualité de conseiller prud'hommes auprès de son interlocuteur dont il était manifeste qu'il l'ignorait, attendant pour s'en prévaloir, d'une part d'avoir trouvé un autre emploi grâce aux moyens mis à sa disposition par l'employeur, et d'autre part, que la rupture du contrat de travail soit consommée ; qu'en affirmant par motifs propres qu'aucune fraude n'était démontrée, dès lors que Christian X... s'était présenté aux élections prud'homales avec l'accord de son employeur tant en 1997 qu'en 2002, et par motifs adoptés que l'employeur était également responsable en raison de sa légèreté et de sa méconnaissance du droit du travail, sans rechercher si le salarié n'avait pas, en toute connaissance de cause, participé à l'organisation d'un simulacre de procédure de licenciement en vue de la conclusion d'une transaction, sans à aucun moment attirer l'attention sur sa qualité de salarié protégé, que son interlocuteur ignorait manifestement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 120-4 et L. 514-2 du code du travail, ensemble le principe susvisé ;
Mais attendu d'abord que la cour d'appel a constaté que si des pourparlers de transaction avaient eu lieu entre les parties, ils n'avaient pas abouti et qu'aucune lettre de licenciement n' avait été adressée au salarié avant la remise de l'attestation ASSEDIC, la lettre recommandée postée le 17 décembre, ne contenant pas une lettre de licenciement mais une carte de voeux ; que répondant aux conclusions de la société en les écartant, elle a pu en déduire que la notification du licenciement avait été faite le 27 mars 2003 et qu'en l'absence de lettre énonçant les motifs de la rupture du contrat de travail, celle-ci était sans cause réelle et sérieuse ;
Et attendu ensuite que la cour d'appel a constaté que le salarié s'était présenté aux élections prud'homales de décembre 2002 avec l'accord de son employeur et retenu qu'aucune fraude n'était démontrée ;
Que le moyen qui manque en fait dans sa troisième branche n'est pas fondé sur le surplus ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir alloué à M. X... une somme au titre du 13e mois en complément de l'indemnité de préavis, alors, selon le moyen, que le droit au paiement prorata temporis du 13e mois pour un salarié ayant quitté l'entreprise avant la date de son versement ne peut résulter que d'une convention ou d'un usage dont il appartient au salarié de rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait l'absence de convention ou d'usage prévoyant un paiement au prorata temporis du treizième mois, lequel était versé en décembre de chaque année ; qu'en allouant au salarié un rappel de treizième mois afférent au préavis de trois mois expirant le 1er juillet 2003, sans constater que le salarié avait rapporté la preuve de l'existence d'un usage ou d'une convention prévoyant un paiement au prorata temporis de ce treizième mois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1315 du code civil ;
Mais attendu que n'étant pas contesté que le contrat de travail prévoyait une rémunération annuelle fixée à treize fois le salaire mensuel, la cour d'appel n'avait pas à répondre à un moyen qui était inopérant ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les quatrième et cinquième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le sixième moyen :
Attendu que la société fait enfin grief à l'arrêt d'avoir renvoyé les parties à faire leur compte sur le rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement sur la base d'une rémunération mensuelle de 6 535,19 euros qui tient compte du bonus 2002, et qu'il lui en sera référé sur simple requête, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a constaté que la demande au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement avait pour fondement la prise en compte dans l'assiette des salaires du bonus 2003 ; qu'en renvoyant les parties à faire leurs comptes de ce chef, quand elle avait débouté le salarié de sa demande au titre du bonus 2003, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ;
2°/ qu'en tout état de cause, lorsqu'une partie invoque l'application d'une convention collective, il incombe au juge de se la procurer par tous moyens, au besoin en invitant les parties à lui en fournir un exemplaire ; qu'en l'espèce, le salarié invoquait la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ; qu'en renvoyant les parties à faire leurs comptes du chef de d'indemnité conventionnelle de licenciement au prétexte qu'elle n'était pas produite au dossier, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble les articles 4 du code civil et L. 132-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel n'ayant pas inclus le bonus de l'année 2003 dans l'assiette de calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement, le moyen est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Brandt aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille huit.