LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 23 juin 2006), que le contrat de travail de M. X..., engagé en septembre 1991 par la société Fichorga Normandie, et occupant en dernier lieu les fonctions de responsable des ventes du secteur collectivités locales, notaires et pharmacies, a été, en application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail, transféré à la société Pharmagest Interactive à la suite de la reprise par cette dernière, le 1er août 2001, de la branche pharmacie de l'activité de la société Fichorga Normandie ; qu'après refus d'une modification de son contrat de travail proposée selon la procédure prévue à l'article L. 321-1-2 du code du travail, M. X... a été licencié pour motif économique par lettre du 21 juin 2001 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Pharmagest Interactive fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que le licenciement de M. X... était sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une mesure de réorganisation visant à la sauvegarde de la compétitivité d'une entreprise peut ne concerner qu'un seul poste de travail ; qu'en retenant au contraire que «la suppression d'un poste envisagé individuellement au motif qu'il ne correspond pas à l'organisation de l'entreprise ne caractérise pas une réorganisation», la cour d'appel a violé les articles L. 321-1, L. 321-1-2 et L. 122-14-4 du code du travail ;
2°/ qu'est suffisamment motivée la lettre de licenciement pour motif économique qui fait état du refus par le salarié de la modification de son contrat de travail liée à une mesure de réorganisation ; que la société Pharmagest a fait valoir dans la lettre de licenciement que n'ayant repris que l'activité «pharmacie» de la société Fichorga et exploitant exclusivement cette activité, l'ancien poste de M. X... de responsable des ventes pour les collectivités locales et de commercial pour le secteur «notaire» n'avait pas d'objet dans l'entreprise, de sorte qu'elle avait été contrainte de se réorganiser en lui proposant le poste de délégué commercial pour le secteur pharmacie ; qu'en retenant que le licenciement était injustifié sans rechercher si cette réorganisation n'était pas nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-1, L. 321-1-2, L.122-14-4 et L.122-14-3 du code du travail ;
3°/ qu'aux termes du contrat de travail du 2 août 1997, M. X... exerçait les fonctions de responsable commercial des secteur «notaires» et «pharmacie» et de responsable des ventes du secteur «collectivités locales» ; qu'en reprochant à la société Pharmagest de ne pas avoir tenté de maintenir le salarié «dans son ancien poste (c'est-à-dire au moins une fonction de responsable de ventes, même sans les secteurs de prospection notaires et collectivités territoriales)», quand ce dernier n'avait jamais eu le poste de responsable des ventes du secteur pharmacie, la cour d'appel a dénaturé le contrat de travail du 2 août 1997 en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ qu'il n'appartient pas au juge de contrôler le choix effectué par l'employeur entre les différentes solutions possibles pour assurer la sauvegarde de sa compétitivité ; qu'en retenant que la société Pharmagest devait «aménager ponctuellement son organisation pour maintenir Vittorio X... dans son ancien poste», la cour d'appel s'est immiscée dans les choix de gestion de la société Pharmagest en violation de l'article L. 321-1 du code du travail ;
5°/ qu'en l'absence d'emploi de même catégorie, l'employeur peut proposer au salarié les emplois disponibles de catégorie inférieure afin de le reclasser ; qu'en retenant que la société Pharmagest ne pouvait reclasser M. X... dans le poste de délégué commercial «en raison du niveau de responsabilité moins élevé de ce poste», la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du code du travail ;
6°/ qu'en cas de licenciement pour motif économique, le groupe au sein duquel les possibilités de reclassement doivent être recherchées s'entend de l'ensemble formé par les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en retenant que la société Pharmagest devait tenter de reclasser M. X... dans le réseau de CERP, sans rechercher si ses activités, son organisation ou son lieu d'exploitation permettaient la permutation de tout ou partie de son personnel dans les succursales de ce réseau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté, d'une part, que l'employeur avait procédé à la suppression du poste de responsable des ventes pour le secteur collectivités locales et de responsable commercial pour le secteur notaire sans que soit caractérisée une réorganisation de l'entreprise et, d'autre part, qu'il n'avait pas examiné toutes les possibilités de reclassement du salarié dans l'entreprise et ne les avaient pas recherchées dans le groupe auquel elle appartenait, a, par ces seuls motifs, pu décider que le licenciement de M. X... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Pharmagest Interactive fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à M. X... une somme à titre de dommages et intérêts pour clause de non-concurrence illicite, alors, selon le moyen, que le licenciement du salarié ayant été prononcé le 21 juin 2002, avant les arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 10 juillet 2002 imposant le versement d'une indemnité financière en contrepartie de la clause de non-concurrence, il ne pouvait être reproché à la société Pharmagest de ne pas avoir versé à M. X... d'indemnité financière en contrepartie de son interdiction de concurrence ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 121.1 du code du travail et 1134 du code civil ;
Mais attendu que l'exigence d'une contrepartie financière à la clause de non-concurrence répondant à l'impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité de la liberté fondamentale d'exercer une activité professionnelle, la cour d'appel, après avoir constaté le respect par le salarié de cette clause illicite, ce qui lui avait nécessairement causé un préjudice, en a, à bon droit, ordonné la réparation ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pharmagest Interactive aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille huit.