LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom,7 mars 2006), que Mme X..., engagée le 28 mai 1990 par les Etablissements Tissot, aux droits desquels vient la société Joubert productions, a été mise à pied les 3 et 9 juin 2004 pour avoir refusé de porter un casque " antibruit ", malgré un avertissement du 27 avril 2004, puis licenciée pour faute grave, le 10 juin 2004 ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1° / qu'en cas de manquement à l'obligation visée à l'article L. 230-3 du code du travail de prendre soin de sa sécurité et de sa santé, ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail, le salarié engage sa responsabilité et une faute disciplinaire peut être retenue contre lui ; qu'ayant constaté que le médecin du travail a estimé que le niveau d'exposition sonore quotidien de la salariée ne rendait pas obligatoire le port d'un casque antibruit et, ainsi, que le refus de celle-ci de porter la protection imposée par l'employeur n'a pas eu pour effet de mettre en danger sa sécurité et sa santé, tout en retenant que la sanction disciplinaire dont l'inexécution a motivé le licenciement de la salariée est justifiée, la cour d'appel a violé l'article susvisé, ensemble l'article L. 122-14-3 du code du travail ;
2° / que l'imprécision des motifs invoqués dans la lettre de licenciement équivaut à une absence de motifs de licenciement ; qu'en retenant que le reproche fait à la salariée dans la lettre de licenciement de " refus de l'autorité dans l'entreprise et défis répétés à l'autorité " semble se rapporter à un comportement général sans référence précise, de sorte que le motif de licenciement n'étant ni circonscrit ni matériellement vérifiable devait s'analyser en une absence de motif, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 122-14-2 et L. 122-14-3 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur, tenu à l'égard de sa salariée d'une obligation de sécurité, lui avait imposé le port d'un casque antibruit, en l'état des informations dont il disposait, à l'époque, sur son état de santé, a pu décider que le refus par Mme X... de se conformer à cette directive, en dépit d'un précédent avertissement, justifiait la sanction prise à son encontre, et que le refus de se soumettre à cette mesure présentait dès lors un caractère fautif ;
D'où il suit que le moyen, qui critique un motif surabondant en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu qu'il n'y a lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société Joubert productions fait grief à l'arrêt d'avoir écarté l'existence d'une faute grave, alors, selon le moyen :
1° / qu'en cas de manquement à l'obligation qui lui est faite de prendre soin de sa sécurité et de sa santé, conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, un salarié engage sa responsabilité ; qu'une faute grave peut dès lors être retenue contre lui ; qu'en constatant le refus réitéré de la salariée de porter un casque antibruit malgré, d'une part, ses problèmes d'audition et sa plainte relative au niveau sonore de son poste de travail et d'autre part, son engagement écrit et les instructions de sa direction, sans pour autant considérer que Mme X... avait commis une faute grave justifiant son licenciement de ce chef, la cour d'appel a violé l'article L. 230-3 du code du travail ;
2° / que le refus de se soumettre à une sanction disciplinaire qui constitue la réitération d'actes d'insubordination peut être constitutif d'une faute grave ; qu'en retenant le caractère répété des refus de Mme X... de porter un casque antibruit qui « se perpétuaient depuis le début avril » et en relevant que l'intéressée avait décidé de ne pas exécuter la sanction de mise à pied disciplinaire « en se rendant sur les lieux du travail et en s'opposant à nouveau à sa hiérarchie, ainsi qu'elle le faisait depuis près de deux mois » sans pour autant juger impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée de son préavis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail ;
3° / que la faute grave est une faute professionnelle ou disciplinaire dont la gravité est telle qu'elle rend impossible le maintien du lien contractuel, même pendant la durée du préavis ; qu'en considérant que l'opposition manifestée pendant plusieurs mois par Mme X... à l'encontre de sa hiérarchie n'empêchait pas son maintien à son poste pendant le préavis « compte tenu des circonstances de la cause et notamment de la position du médecin du travail, même tardive » sans s'expliquer sur lesdites circonstances qui justifieraient l'insubordination réitérée de la salariée et en se bornant à viser « notamment » l'avis du médecin du travail alors même qu'elle avait auparavant énoncé que « le fait que le médecin du travail puisse estimer que le port (du casque antibruit) n'était pas obligatoire ne saurait déroger à l'engagement pris par l'intéressée ni aux directives données par la direction », la cour d'appel a procédé par voie de simple affirmation et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail ;
Mais attendu qu'eu égard à l'ancienneté de la salariée, la cour d'appel a pu décider que son comportement n'était pas de nature à rendre impossible le maintien du contrat de travail et ne constituait donc pas une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille huit.