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16/01/2008 | FRANCE | N°07-10597

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 janvier 2008, 07-10597


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Paris, 21 novembre 2006), qu'un comité d'entreprise européen a été institué dans le groupe Gaz de France par accord du 14 novembre 2001 ; qu'à la suite de l'annonce d'un projet de fusion entre la société Gaz de France et la société Suez, le comité d'entreprise européen a été consulté sur le principe de la fusion les 23 mars et 31 mai 2006 ; que la réunion du conseil d'administration de la société devant arrêter le projet de fusion était fixée l

e 22 novembre 2006 ; que lors de la réunion du 15 novembre le comité d'entrepris...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Paris, 21 novembre 2006), qu'un comité d'entreprise européen a été institué dans le groupe Gaz de France par accord du 14 novembre 2001 ; qu'à la suite de l'annonce d'un projet de fusion entre la société Gaz de France et la société Suez, le comité d'entreprise européen a été consulté sur le principe de la fusion les 23 mars et 31 mai 2006 ; que la réunion du conseil d'administration de la société devant arrêter le projet de fusion était fixée le 22 novembre 2006 ; que lors de la réunion du 15 novembre le comité d'entreprise européen a refusé d'émettre un avis et adopté une résolution aux termes de laquelle, constatant l'insuffisance flagrante d'informations sur les conséquences sur l'emploi de ce projet de fusion, il a décidé de recourir à une expertise portant notamment sur le recouvrement des activités de service de certaines filiales européennes des deux groupes et leurs conséquences sur l'emploi, le rapport devant être déposé dans les 10 jours à compter de la remise par GDF des documents nécessaires ; que le même jour, le comité d'entreprise européen a saisi le tribunal de grande instance en référé pour qu'il soit ordonné au président de ce comité de convoquer une réunion extraordinaire du CEE sous un délai de 10 jours à compter du dépôt du rapport d'expertise, la remise de certaines informations et de réponses écrites aux questions posées par le Comité d'entreprise européen lors de la réunion du 15 novembre, ainsi que le report du Conseil d'administration de Gaz de France du 22 novembre 2006 ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli ces demandes, alors, selon le moyen :

1/ que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise européen conserve son effet utile et peut se poursuivre tant que la décision n'est pas irréversible et donc, en cas de fusion, jusqu'à la date à laquelle l'assemblée générale des actionnaires doit se prononcer ; qu'en affirmant que la consultation du comité d'entreprise européen devait être achevée avant la tenue du conseil d'administration de Gaz de France, et en ordonnant le report de ce conseil d'administration fixé au 22 novembre 2006 tout en interdisant à Gaz de France de prendre toute décision relative au projet de fusion tant que le comité d'entreprise européen n'aurait pas donné son avis, la cour d'appel a violé l'article L. 236-4 du code de commerce, la directive 94/45/CE du 22 septembre 1994, les articles L. 439-6 et L. 439-15 du code du travail, et l'accord relatif au comité d'entreprise européen de Gaz de France du 14 novembre 2001 ;

2/ que dans leurs conclusions d'appel (cf. p.17) les exposants faisaient valoir que la consultation du comité d'entreprise européen pouvait se poursuivre au-delà de la réunion du conseil d'administration de Gaz de France et conserver son effet utile jusqu'à la tenue des assemblées générales ; qu'en statuant comme elle l'a fait, et en affirmant que l'instance européenne devait avoir donné son avis sur le projet de fusion avant la tenue du conseil d'administration de Gaz de France, sans répondre et sans réfuter par le moindre motif le moyen selon lequel la consultation pouvait se poursuivre jusqu'aux assemblées générales, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a fait une exacte application des dispositions combinées de la directive 94/45 du 22 septembre 1994, de l'article L. 439-6 du code du travail et de l'accord du 14 novembre 2001 instituant le comité d'entreprise européen de la société Gaz de France ;

Qu'elle a exactement déduit des dispositions de l'article 4-3 de l'accord instituant le comité d'entreprise européen du groupe Gaz de France selon lequel "en cas d'événements exceptionnels susceptibles d'affecter gravement l'intérêt des salariés du groupe (fusion) "le comité est réuni et qu'il est alors consulté dans un délai suffisant pour que les éléments du débat ou l'avis puissent être intégré au processus de décision", que ce délai devait permettre aux intéressés de donner un avis au cours du processus devant aboutir à la décision, avant la tenue du conseil d'administration devant arrêter le projet de fusion qui est irréversible selon les dispositions combinées des articles L. 236-6 du code de commerce et 254 modifié du décret du 23 mars 1967 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen :

1°/ qu'aucune norme juridique communautaire ou interne n'exige que l'information remise au comité d'entreprise européen en cas de projet de fusion soit plus complète que celle remise au comité central d'entreprise ; qu'en l'espèce, par une ordonnance rendue le 7 novembre 2006, devenue définitive, le président du tribunal de grande instance de Paris avait jugé que l'information remise au Comité supérieur consultatif des comités mixtes à la production de Gaz de France, qui fait office de comité central d'entreprise, était suffisante et avait fixé au 21 novembre 2006 la dernière réunion d'information et de consultation de cette instance de représentation des salariés afin de recueillir son avis sur le projet de fusion Gaz de France -Suez, de sorte qu'en écartant l'abus dans l'exercice par le comité d'entreprise européen de son pouvoir de faire procéder à une expertise, motifs pris du caractère incomplet de l'information délivrée par Gaz de France au comité d'entreprise européen comme ne prenant pas suffisamment en compte la dimension européenne du projet, de ce que l'information du comité d'entreprise européen ne saurait être complètement identique à celle remise au comité supérieur consultatif des comités mixtes à la production, et de ce que pour pouvoir émettre valablement un avis sur le projet, il était nécessaire que le comité d'entreprise européen dispose du rapport devant être établi par les cabinets Syndex et Ideforce, la cour d'appel a donné au comité d'entreprise européen un rôle de comité central d'entreprise de dimension supranationale, et a violé la directive 94/45/CE du 22 septembre 1994, la directive 2002/14/CE du Parlement européen du 11 mars 2002, et l'accord d'entreprise du 14 novembre 2001 ;

2/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir, d'une part, que concernant l'expertise sollicitée par le comité d'entreprise européen sur les conséquences sociales du projet de fusion notamment en raison des recoupements de périmètres entre les deux entreprises, le comité avait disposé d'informations complètes sur les conséquences sociales du projet de fusion, notamment sur l'emploi et les effectifs, dès la remise du rapport Secafi du 31 octobre 2006 et, d'autre part, que sur les thèmes « services » et « impact » sur les filiales, il avait été répondu à toutes les questions du comité d'entreprise européen à l'occasion de la séance du 15 novembre 2006, que les comptes consolidés de groupe n'existaient pas et que les bilans consolidés d'ouverture ne pourraient être établis qu'une fois la parité définie après la tenue du conseil d'administration ; qu'au soutien de leurs prétentions, ils versaient au débat, d'une part, le rapport de Secafi du 31 octobre 2006 traitant déjà des conséquences de la fusion sur les services et les filiales et, d'autre part, la sténographie du compte-rendu de la séance du comité d'entreprise européen du 15 novembre 2006 démontrant qu'il avait été répondu lors de cette séance à l'intégralité des questions posées par les membres du comité ; qu'en écartant l'abus de droit du comité d'entreprise européen et en affirmant que l'expertise sollicitée par ce comité le 15 novembre 2006 concernant les conséquences éventuelles des recoupements de périmètres d'activités entre les deux entreprises était justifiée, et qu' « une information spécifique ayant trait à l'impact social du projet de fusion considéré avait été annoncée dans ledit projet sans qu'il soit donné suite au complément promis », sans avoir examiné les éléments de preuve proposés par les exposants de nature à démontrer le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

3/ que la directive européenne 94/45/CE prévoit que lorsque des circonstances exceptionnelles interviennent qui affectent considérablement les intérêts des salariés, notamment en cas de délocalisation, de fermeture d'entreprises ou d'établissements ou de licenciements collectifs, le comité restreint ou, si celui-ci n'existe pas, le comité d'entreprise européen a le droit d'en être informé ; qu'en affirmant que seule l'information communiquée à l'ensemble des membres du CEE pouvait fonder la décision de la cour et qu'il était donc indifférent que certains de ses membres aient été associés au processus d'accompagnement mis en place pour le comité supérieur consultatif des comités mixtes à la production et que les informations aient été communiquées à d'autres organes représentatifs, la cour d'appel a violé la directive 94/45/CE du 22 septembre 2004 et l'article L. 439-15 du code du travail ;

4/ que si le président du tribunal peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, il doit fixer un terme certain à la mesure ordonnée ; qu'en l'espèce, en enjoignant au président du comité d'entreprise européen de Gaz de France de convoquer une réunion extraordinaire du comité d'entreprise européen de Gaz de France sous un délai de dix jours à compter du « dépôt du rapport d'expertise des cabinets Syndex et Ideforce », au cours de laquelle serait recueilli l'avis du comité sur le projet de fusion Gaz de France -Suez, en ordonnant le report du conseil d'administration de Gaz de France fixé le 22 novembre 2006 ayant pour ordre du jour « projet de fusion Gaz de France y compris ses conséquences sur l'emploi », tant que le comité d'entreprise européen n'aurait pas donné son avis sur ledit projet, la cour d'appel, qui n'a fixé aucun terme certain aux mesures qu'elle ordonnait, a excédé ses pouvoirs et violé l'article 809 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu d'abord que les procédures de consultation du comité d'entreprise et du comité européen d'entreprise n'ayant pas le même objet, ni le même champ d'application, les renseignements fournis lors de la réunion du comité d'entreprise n'assurent pas nécessairement une complète information du comité d'entreprise européen ; que la cour d'appel qui a constaté dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que l'information donnée au comité d'entreprise européen sur le projet de fusion était incomplète a pu ordonner les mesures nécessaires à cette information, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article 809 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu ensuite qu'en précisant que la nouvelle réunion du comité d'entreprise européen devrait se tenir dans les dix jours suivant la remise du rapport de l'expert, dont le comité avait fixé le délai de dépôt, la cour d'appel a assigné un terme aux mesures qu'elle ordonnait ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Gaz de France aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Gaz de France à payer au comité d'entreprise européen de Gaz de France la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-10597
Date de la décision : 16/01/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Cadre de la représentation - Entreprise ou groupe d'entreprises de dimension communautaire - Comité d'entreprise - Comité d'entreprise européen - Consultation - Information - Etendue - Identité avec l'information donnée au comité d'entreprise national (non)

REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Applications diverses - Comité d'entreprise - Comité d'entreprise européen - Consultation - Information - Information incomplète

Les procédures de consultation du comité d'entreprise national et du comité européen d'entreprise n'ayant pas le même objet, ni le même champ d'application, les renseignements fournis lors de la réunion du comité d'entreprise n'assurent pas nécessairement une complète information du comité d'entreprise européen ; constitue un trouble manifestement illicite le fait pour un employeur de donner à un comité d'entreprise européen une information incomplète sur un projet de fusion


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 novembre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 jan. 2008, pourvoi n°07-10597, Bull. civ. 2008, V, N° 6
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2008, V, N° 6

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Allix
Rapporteur ?: Mme Morin
Avocat(s) : SCP Defrenois et Levis, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.10597
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