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12/12/2007 | FRANCE | N°07-80886

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 décembre 2007, 07-80886


-X... Jacqueline, épouse
Y...
,-Y... Florence,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 16 janvier 2007, qui a condamné la première, pour malversations, abus de confiance et complicité de tentative de destruction du bien d'autrui par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes, à cinq ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve,10 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, la seconde, pou

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-X... Jacqueline, épouse
Y...
,-Y... Florence,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 16 janvier 2007, qui a condamné la première, pour malversations, abus de confiance et complicité de tentative de destruction du bien d'autrui par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes, à cinq ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve,10 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, la seconde, pour tentative de destruction, à dix-huit mois d'emprisonnement dont neuf mois avec sursis, cinq ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demanderesses et les mémoires en défense produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Jacqueline Y... et son mari René Y... ont exercé les fonctions de mandataire judiciaire dans les mêmes locaux, employant une comptable unique ; que le 18 avril 1995, l'étude de René Y... a été pourvue d'un administrateur provisoire qui en a laissé la gestion courante à son épouse et à la comptable ; que l'étude de Jacqueline Y... a été placée sous administration provisoire le 10 avril 1997 ; que les administrateurs ont relevé que des fonds provenant des procédures collectives et déposés sur les comptes ouverts à la Caisse des dépôts et consignations avaient été irrégulièrement transférés sur des comptes professionnels et personnels, sous le couvert d'avances sur honoraires non autorisées par les juges commissaires et d'écritures comptables fictives ;
Attendu que, pour dissimuler ces fraudes, Jacqueline Y... a conçu un projet de destruction des biens affectés au fonctionnement des études ; que, le 15 juin 1997, elle a enjoint à sa fille Florence de détruire les locaux le soir même avec l'aide d'un tiers ; qu'ainsi, cette dernière a supprimé les mémoires des outils informatiques, détérioré des dossiers et, pour provoquer une explosion, ouvert les vannes du gaz après avoir confectionné un système de mise à feu qui, en définitive, n'a pas fonctionné ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 322-6 du code pénal,591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Florence Y... coupable de tentative de destruction et l'a condamnée à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement, dont neuf mois avec sursis et à une interdiction des droits civils, civiques et de famille pendant une durée de cinq ans ;
" aux motifs que Florence Y... et Jacqueline Y... sont poursuivies, la première comme auteur principal et la seconde comme complice ; que l'argument selon lequel les poursuites ne peuvent prospérer puisque les biens visés sont la propriété de Jacqueline Y... ne résiste pas à l'examen pour au moins trois raisons :-Florence Y..., auteur principal, en s'attaquant à un bien dont sa mère est propriétaire tente de porter atteinte au bien d'autrui et le fait que le complice soit propriétaire n'a pas valeur d'immunité,-en cas de succès, la destruction n'aurait pas manqué d'affecter des biens indivis (René et Jacqueline Y...) les deux études étant installées dans les mêmes locaux, outre que la destruction d'un bien indivis constitue l'atteinte au bien d'autrui au sens de l'article 322-6 du code pénal,-le mandataire judiciaire n'est pas propriétaire mais seulement dépositaire des dossiers des entreprises sur lesquelles s'exercent ses mandats et les destructions envisagées n'auraient pas manqué d'affecter ces biens ; que la culpabilité de Florence Y... est suffisamment établie par ses aveux, toujours maintenus, y compris devant la cour, et corroborés par les déclarations parallèles et concordantes d'André B... qui a apporté son concours à l'opération en pratiquant des dégradations sur les ouvertures de l'étude afin de faire croire à une intrusion par effraction (arrêt, p. 18) ;
" alors que constitue un délit la destruction, la dégradation d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes ; qu'en se bornant à affirmer, pour déclarer Florence Y... coupable de tentative de destruction de l'étude de Jacqueline Y..., que sa culpabilité était établie par ses aveux constants et par les déclarations d'André
B...
, qui avait apporté son concours à l'opération, sans constater que les faits reprochés à l'intéressée étaient de nature à créer un danger pour les personnes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 322-6,121-6 et 121-7 du code pénal,591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacqueline Y... coupable de complicité de tentative de destruction, l'a condamnée à une peine de cinq ans d'emprisonnement, dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans, et à une amende de 10 000 euros, ainsi qu'à une interdiction des droits civils, civiques et de famille pendant une durée de cinq ans, et s'est prononcé sur les intérêts civils ;
" aux motifs que la culpabilité de Jacqueline Y... résulte des déclarations circonstanciées et répétées d'André
B...
qui explique que c'est elle qui lui a demandé d'accompagner Florence « pour foutre le feu » à l'étude et qui au retour de la première phase de l'opération l'a remercié de sa participation ; que, par ailleurs, seule des deux femmes présentes, Jacqueline Y... avait suffisamment d'ascendant sur André
B...
pour le convaincre de participer à une action dans laquelle il n'avait que des coups à prendre ; qu'en effet, Florence Y... connaissait peu André
B...
qui n'avait aucune raison de lui rendre ce type de service ; qu'enfin, Jacqueline Y... n'ignorait pas la situation délicate de son étude comme elle l'a déclaré devant le juge d'instruction, le 26 juin 1997 (« l'année dernière j'ai effectué des prélèvements tant pour la marche de l'étude que personnellement pour un montant d'environ six millions de francs, sans me préoccuper si Michèle avait présenté les taxes ») ; que lorsque l'on sait que Dominique Y..., averti des difficultés de sa mère, a pu rechercher en son temps un artificier, ce demi aveu constitue le mobile qui a conduit Jacqueline Y..., maintenant pressée par le temps, à élaborer avec Florence une solution de remplacement ; que l'acharnement de Florence Y... sur le disque dur de l'ordinateur de la comptable, l'écrasement des données comptables qui figuraient sur l'ordinateur portable récupéré avant les faits par Jacqueline Y..., l'effacement au moyen d'un aimant des cassettes de comptabilité et le fait que la comptable ait expliqué qu'habituellement elle ne faisait pas de sauvegarde extérieure et qu'elle avait commencé à le faire à la demande de l'administrateur de l'étude en cachette de la famille Y..., sont autant d'éléments qui montrent que la destruction visait en premier la comptabilité dont Jacqueline Y... pouvait redouter l'exploitation (arrêt, p. 18 et 19) ;
" alors qu'est complice d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation ; qu'en se bornant à affirmer, pour déclarer Jacqueline Y... coupable de complicité de tentative de destruction de l'étude lui appartenant, qu'elle avait demandé à André
B...
d'accompagner sa fille, Florence Y..., « pour foutre le feu » à l'étude et qu'elle avait remercié celui-ci de sa participation, au retour de la première phase de l'opération, sans constater que l'intéressée avait apporté aide ou assistance à la commission de l'infraction, pour en faciliter la préparation ou la consommation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer Florence Y... coupable de tentative de destruction du bien d'autrui par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes, et Jacqueline Y... de complicité de ce délit, l'arrêt prononce par les motifs propres et adoptés partiellement repris aux moyens ; que les juges retiennent, notamment, que la tentative de destruction volontaire de l'étude, la veille d'un audit approfondi par le commissaire aux comptes, est l'aboutissement d'une volonté commune et ajoutent que Jacqueline Y... a donné des directives suivies d'effet ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent, d'une part, l'utilisation de substances explosives de nature à créer un danger pour les personnes, d'autre part, des actes de complicité par provocation et fourniture d'instructions, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1,314-2 et 314-3 du code pénal, L. 626-12 du code de commerce,591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacqueline Y... coupable de malversations et l'a condamnée à une peine de cinq ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans, à une amende de 10 000 euros et à une interdiction des droits civils, civiques et de famille pendant une durée de cinq ans, et s'est prononcé sur les intérêts civils ;
" aux motifs qu'hormis les honoraires dûment autorisés par ordonnance du juge commissaire, les sommes inscrites au crédit des comptes gérés par l'étude, dans le cadre des mandats judiciaires qui lui sont confiés, ne peuvent migrer sur des « comptes étude » ou des comptes personnels du mandataire ; qu'au cas d'espèce, l'expert judiciaire a mis en évidence, dès le 26 août 1997, que pour les années 1995 et 1996 les prélèvements cumulés sur les comptes gérés sans autorisation se sont élevés à plus de 11 millions de francs ; que ce chiffre est d'ailleurs confirmé par les propres déclarations de Jacqueline Y... devant le juge d'instruction le 26 juin 1997 ci-dessus rappelées (« l'année dernière j'ai effectué des prélèvements tant pour la marche de l'étude que personnellement pour un montant d'environ six millions de francs, sans me préoccuper si Michèle avait présenté les taxes ») et par les déclarations de la comptable, Michèle C...; que l'élément intentionnel de l'infraction est amplement caractérisé alors que Jacqueline Y... n ‘ ignorait pas qu'elle ne pouvait prélever des sommes sur les comptes gérés pour ses besoins personnels ou ceux de son étude, sans une ordonnance de taxe préalable du juge commissaire et qu'il ressort du rapport d'expertise que ces sorties, que d'aucuns qualifient d'avances, étaient soigneusement dissimulées aux yeux des contrôleurs et notamment du commissaire aux comptes, par des jeux d'écritures fictives ou non dénouées, comme ont pu l'expliquer les comptables de l'étude, et le mettre en évidence l'expert-comptable désigné par le juge d'instruction lorsqu'il a démontré les mécanismes de la fraude (arrêt, p. 19) ;
" alors que constitue le délit de malversation, le fait pour tout administrateur judiciaire de porter volontairement atteinte aux intérêts des créanciers ou du débiteur, soit en utilisant à son profit des sommes perçues dans l'accomplissement de sa mission, soit en se faisant attribuer des avantages qu'il savait n'être pas dus ; que, dans ses écritures d'appel, Jacqueline Y... soutenait que les fonds, dont il lui était reproché la perception, avaient quitté le compte général de charges pour rejoindre le compte de l'étude et avaient été portés sur un compte de charges ; qu'elle en déduisait qu'à aucun moment les fonds litigieux avaient été déposés sur son compte personnel ; qu'en affirmant néanmoins, pour la déclarer coupable de malversations, que Jacqueline Y... aurait prélevé des sommes sur les comptes gérés par l'étude, pour ses besoins personnels ou ceux de son étude, en l'absence d'ordonnance de taxe préalable du juge commissaire et de manière dissimulée, sans répondre à ce chef de conclusions, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 et 314-3 du code pénal,591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacqueline Y... coupable d'abus de confiance, au préjudice de l'étude de René Y..., l'a condamnée à une peine de cinq ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans, à une amende de 10 000 euros et à une interdiction des droits civils, civiques et de famille pendant une durée de cinq ans, et s'est prononcé sur les intérêts civils ;
" aux motifs que les études de René Y... et de Jacqueline Y... occupaient les mêmes locaux et employaient les mêmes personnels, notamment pour la comptabilité ; qu'au moment des faits, c'est Michèle C...qui assure la comptabilité des deux études, sous la houlette de Jacqueline Y... ; que l'étude de René Y... a été placée sous l'administration provisoire d'un administrateur judiciaire, par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Perigueux en date du 18 avril 1995 ; qu'en raison de son éloignement et parce que les contrôles effectués (commissaires aux comptes, Conseil national et administration fiscale) n'ont décelé aucune anomalie, l'administrateur, sauf à se réserver la signature vis-à-vis des banques, à donner à la seule comptable procuration pour les endos et à pratiquer un contrôle a posteriori sur les documents qu'on voulait bien lui remettre, a laissé se pérenniser le mode de gestion trouvé à son arrivée ; que Jacqueline Y..., qui avait la qualité d'administrateur judiciaire pour exercer ses fonctions dans sa propre étude, s'est vue confier de fait par l'administrateur judiciaire la gestion des dossiers de l'étude de René Y... ; qu'elle a profité de cette situation et de son autorité sur le personnel, notamment sur la comptable qui était également celle de son étude, pour ordonner des virements à partir des comptes gérés vers un compte ouvert à la trésorerie générale par René Y..., compte personnel (ou compte de charge de l'étude, il importe peu) ; que le détournement au préjudice de l'étude de René Y... est avéré dès lors que les virements, faute d'ordonnances de taxe, étaient sans cause ; que l'intention coupable résulte suffisamment du fait que les sommes litigieuses étaient virées sur un compte sur lequel Jacqueline Y... avait procuration et que les virements ont été effectués à l'insu de l'administrateur provisoire de l'étude de René Y... ; que le dossier d'instruction a révélé que ce sont 42 virements frauduleux qui ont été effectués à partir du 15 juin 1995, pour un montant total de 650 000 euros (arrêt, p. 19 et 20) ;
" alors que l'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ; que, dans ses conclusions d'appel, Jacqueline Y... soutenait qu'elle ne pouvait être tenue responsable des irrégularités de la comptabilité de l'étude de René Y..., son époux, dont elle n'était pas propriétaire et qui était sous administration judiciaire ; qu'elle ajoutait que seuls deux virements, en date des 20 octobre 1996 et 22 octobre 1996, portaient sa signature et le cachet de sa propre étude et que les autres virements étaient dépourvus de sa signature ; qu'en se bornant à affirmer que Jacqueline Y... avait profité de ce qu'elle s'était vue confier la gestion des dossiers de l'étude de René Y... pour ordonner 42 virements à partir des comptes gérés par l'étude vers un compte personnel ou un « compte étude », à l'insu de l'administrateur provisoire de l'étude de René Y..., sans répondre à ce moyen des conclusions de Jacqueline Y..., la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que Jacqueline Y... est poursuivie pour avoir, d'une part, depuis 1990, en sa qualité de mandataire judiciaire, volontairement porté atteinte à l'intérêt des créanciers ou des débiteurs en utilisant à son profit les sommes perçues dans l'accomplissement de sa mission, d'autre part, entre les 15 juin 1995 et 22 octobre 1996, détourné, au préjudice de l'étude de René Y..., qu'elle gérait pour le compte d'un administrateur provisoire, des fonds qui ne lui avaient été remis qu'à charge d'en faire un usage déterminé ou de les représenter ;
Attendu que, pour la déclarer coupable de malversation et d'abus de confiance, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, qui caractérisent sans insuffisance ni contradiction les éléments tant matériels qu'intentionnel des délits retenus, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux chefs péremptoire des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Mais sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur l'action civile, a condamné Jacqueline Y... à payer au Conseil national des administrateurs judiciaires la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs des premiers juges que le Conseil national des administrateurs judiciaires a qualité à intervenir au regard des dispositions de l'article 54-1 du décret du 27 décembre 1985 lui reconnaissant pour mission la défense des intérêts collectifs de la profession ; que l'ensemble des faits retenus à l'encontre de Jacqueline Y... entache gravement l'image de la corporation et justifie l'attribution, toutes causes d'atteintes confondues, d'une indemnité de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts (jugement, p. 25) ;
" alors que l'action civile en réparation du dommage causé par un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que ne peut qu'être indirect le préjudice résultant de l'atteinte à la réputation de la profession d'administrateur judiciaire causé par les délits de destruction, malversation ou abus de confiance reprochés à l'un de ses membres ; qu'en décidant néanmoins que les faits reprochés à Jacqueline Y... avaient nui gravement à l'image du Conseil National des Administrateurs Judiciaires, pour en déduire que cet ordre professionnel était fondé à demander réparation de son préjudice, bien que le préjudice n'ait présenté qu'un caractère indirect, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu l'article 2 du code de procédure pénale, ensemble l'article L. 814-2 du code de commerce ;
Attendu que, sauf dispositions légales contraires, l'action civile en réparation du préjudice résultant d'une infraction appartient seulement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par cette infraction ;
Attendu que, pour condamner Jacqueline Y..., déclarée coupable de malversation et d'abus de confiance, à payer au Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires la somme de 5 000 euros, en réparation de l'atteinte portée à l'image de ces professions, l'arrêt énonce, par motifs adoptés, que ce conseil a pour mission la défense de leurs intérêts collectifs ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, les infractions imputées à Jacqueline Y... n'ont causé de préjudice direct qu'aux seules personnes pouvant revendiquer les sommes détournées, d'autre part, aucune disposition n'autorise le Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires à se constituer partie civile pour obtenir le remboursement des sommes exposées en exécution de ses obligations légales, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 16 janvier 2007, en ses seules dispositions relatives à la constitution de partie civile du Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
FIXE à 2 500 euros la somme que Jacqueline Y... devra payer, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale, respectivement à la Caisse des dépôts et consignations, au Crédit foncier de France, à Me D..., ès qualités, et à l'UNEDIC-CGEA ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-80886
Date de la décision : 12/12/2007
Sens de l'arrêt : Cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires - Infractions commises par un mandataire judiciaire dans l'exercice de ses fonctions - Sommes exposées en exécution de ses obligations légales (non)

ACTION CIVILE - Recevabilité - Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires - Malversation et abus de confiance commis par un mandataire judiciaire dans l'exercice de ses fonctions (non) ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - Abus de confiance - Personnes pouvant revendiquer les sommes détournées - Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires (non)

Les délits de malversation et d'abus de confiance, commis par un mandataire judiciaire dans et à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, ne causent un préjudice direct qu'aux seules personnes pouvant revendiquer les sommes détournées. Encourt dès lors la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui, pour allouer des dommages-intérêts au Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires, pour l'atteinte portée à l'image des professions, énonce que ce Conseil a pour mission la défense de leurs intérêts collectifs, alors qu'aucune disposition légale ne l'autorise à se constituer partie civile pour obtenir le remboursement des sommes exposées en exécution de ses obligations légales


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 16 janvier 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 déc. 2007, pourvoi n°07-80886, Bull. crim. criminel 2007, N° 307
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007, N° 307

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Boccon-Gibod
Rapporteur ?: M. Rognon
Avocat(s) : Me Odent, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Laugier et Caston, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:07.80886
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