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16/01/2007 | FRANCE | N°06/02605

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre civile 2, 16 janvier 2007, 06/02605


ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le : 16 Janvier 2007

DEUXIÈME CHAMBRE

No de rôle : 06/02605

S.A.R.L. BACKLINE FRANCE

c/

Monsieur Dominique X...

Monsieur Bernard Y...

S.A.R.L. OTREMENT

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procéd

ure civile.

Le 16 Janvier 2007

Par Monsieur Serge SAINT-ARROMAN, Président,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, DEUXIÈME CHAMBRE, a, dans l'affaire ...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

Le : 16 Janvier 2007

DEUXIÈME CHAMBRE

No de rôle : 06/02605

S.A.R.L. BACKLINE FRANCE

c/

Monsieur Dominique X...

Monsieur Bernard Y...

S.A.R.L. OTREMENT

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Le 16 Janvier 2007

Par Monsieur Serge SAINT-ARROMAN, Président,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, DEUXIÈME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :

S.A.R.L. BACKLINE FRANCE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 2844 avenue de Bordeaux - 33127 SAINT-JEAN D'ILLAC

représentée par la S.C.P. ARSÈNE-HENRY et LANÇON, avoués à la Cour, et assistée de Maître Bernard CONDAT, avocat au barreau de Bordeaux,

appelante d'un jugement (R.G. 2005F395) rendu le 27 mai 2005 par le Tribunal de Commerce de Bordeaux suivant déclaration d'appel en date du 17 juin 2005,

à :

Monsieur Dominique X..., né le 24 novembre 1970 à Verdun (55), de nationalité française, demeurant ...

Monsieur Bernard Y..., né le 1er mars 1955 à Bordeaux (33), de nationalité française, demeurant ...

S.A.R.L. OTREMENT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, 1 rue du Golf - 33700 MERIGNAC

représentés par la S.C.P. TOUTON-PINEAU et FIGEROU, avoués à la Cour, et assistés de Maître Benoît DARRIGADE, avocat au barreau de Bordeaux,

intimés,

rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue le 21 novembre 2006 devant :

Monsieur Serge SAINT-ARROMAN, Président,

Monsieur Bernard ORS, Conseiller,

Monsieur Philippe LEGRAS, Conseiller,

Madame Véronique SAIGE, Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.

***

La société Backline France, dont l'activité, depuis sa création en 1999, consistait à apporter son concours à l'occasion de spectacles ou d'événements, et qui voulu, à partir de 2004, développer une activité d'entrepreneur de spectacles, engagea, par contrat du 3 novembre 2003, Monsieur Dominique X... en qualité d'agent technico-commercial.

Elle le licencia le 9 août 2004 pour motif économique, avec dispense d'effectuer son préavis rémunéré d'une durée de trois mois.

Ayant appris que, pendant ce préavis, Monsieur Dominique X... avait démarché ses clients au profit d'une société concurrente "Otrement", elle le licencia le 4 novembre 2004 pour faute grave.

D'autre part, le 24 décembre 2003, société Backline France engagea Monsieur Bernard Y....

Celui-ci démissionna le 13 octobre 2004, en conservant l'obligation d'effectuer son préavis de trois mois.

Enfin, Monsieur Dominique X... et Monsieur Bernard Y... créèrent courant octobre 2004 une société dénommée Otrement ayant le même objet que la société Backline France.

Se fondant sur le fait qu'elle avait appris que pendant leurs périodes de préavis, Monsieur Dominique X... et Monsieur Bernard Y... avaient continué à démarcher ses clients pour le compte de la société Otrement, alors que leurs contrats de travail mettaient à leur charge une obligation de fidélité et de non concurrence, elle les a assignés, ainsi que la société Otrement, devant le tribunal de commerce de Bordeaux à l'effet d'obtenir leur condamnation à lui verser une somme de 400.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation par Messieurs X... et Y... de leurs obligations contractuelles, subsidiairement, à l'effet d'obtenir qu'il soit jugé qu'ils avaient commis des actes de concurrence déloyale conjointement avec la société Otrement, que la société Otrement s'était livrée à des concurrences déloyales, et qu'ils soient condamnés in solidum à réparer son préjudice, à ce que soit ordonnée une expertise à l'effet de déterminer le montant de son préjudice, enfin à ce que soit ordonnée la publication du jugement.

Par le jugement entrepris, le tribunal l'a déboutée de toutes ses demandes.

Elle a régulièrement interjeté appel et déposé ses dernières conclusions le 7 avril 2006.

La société Otrement et Messieurs X... et Y... ont déposé des conclusions communes le 24 avril 2006.

MOTIFS

Sur les demandes à l'égard de Messieurs X... et Y... pour violation de la clause de fidélité

Attendu que l'article 13 du contrat prévoit que le salarié est tenu pendant le contrat à une obligation de fidélité et de non concurrence qui lui interdit de s'intéresser directement ou indirectement à une entreprise concurrente ou de collaborer sous quelle que forme que se soit avec une telle entreprise.

Attendu que la société Backline France soutient que Messieurs X... et Y... ont démarché ses clients pendant la durée de leurs préavis en faveur de la société Otrement.

Attendu que les intimés répliquent que cette demande est irrecevable devant le tribunal de commerce car relevant exclusivement du conseil des prud'hommes.

Attendu qu'ils font valoir subsidiairement qu'il n'est pas illicite pour un salarié, pendant son préavis, de préparer une future activité concurrente de celle de son employeur s'il le fait avec discrétion.

Attendu que Monsieur Bernard Y... rappelle que, pendant son préavis, il a continué à travailler pour la société Backline France, ce qui lui a valu des félicitations de la part de la société Total.

Attendu que Messieurs X... et Y... rappellent aussi qu'il leur est loisible en l'absence de clause de non concurrence, à l'issue du contrat, de démarcher par la suite la clientèle de leur ancien employeur, clientèle qui est libre de son choix, à la condition qu'il ne soit pas fait usage de procédés déloyaux, tels que le fait d'emporter le fichier de son ancien employeur ou le fait de tenter de créer une confusion entre les deux sociétés.

Attendu qu'ils ajoutent que le salarié, sauf clause contraire du contrat de travail, peut se faire engager par un autre pendant le préavis s'il est dispensé de l'exécuter, et qu'il peut travailler à la constitution d'une entreprise personnelle pendant le préavis pourvu que cette entreprise n'entre en activité que postérieurement.

Attendu qu'ils font observer que les personnes, que la société Backline France leur reproche d'avoir appelées pendant leurs préavis au moyen du téléphone portable de la société Backline France, sont des fournisseurs et non des clients.

Attendu que Messieurs X... et Y... et la société Otrement contestent le reproche de parasitisme fondé sur la reprise par eux du nom de "Otrement" conçu par une entreprise dénommée "Consulting" à la demande de la société Backline France et non utilisé pour la société Backline France, de sorte qu'il n'a pu en résulter aucune confusion.

Attendu qu'ils font valoir enfin que le chiffre d'affaires de la société Backline France est passé de 432.055 € pour l'exercice arrêté au 31 août 2004, à 469.263 € pour l'exercice suivant, ce qui démontrerait que la société Otrement n'a pas ralenti l'activité de la société Backline France.

Attendu que l'examen du grief fait par la société Backline France de violation de l'obligation de fidélité pendant le préavis se rattachant à l'exécution du contrat de travail, le tribunal de commerce était incompétent pour y procéder en vertu de l'article 511-1 du code du travail.

Attendu cependant que la Cour de céans doit évoquer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice dès lors que ce grief est étroitement lié aux reproches qui leur sont faits en raison de la concurrence déloyale qu'ils auraient exercée postérieurement sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Attendu que le texte du contrat relatif à l'obligation de fidélité est particulièrement clair en ce qu'il interdit au salarié de s'intéresser à une entreprise concurrente.

Attendu qu'il ne peut qu'être constaté que Messieurs X... et Y... ont manqué à cette obligation non seulement en créant la société Otrement, ce qui peut être considéré comme ayant été un acte licite de préparation de leur reclassement, mais également en cherchant à établir pendant leur préavis et au moyen du téléphone portable de la société Backline France des relations d'affaires destinées à être apportées à la société Otrement ;

qu'il importe peu qu'il se soit agi de fournisseurs ou de clients.

Attendu que la société Backline France établit que la société Otrement a réalisé des prestations, notamment une prestation au Château de Buissière en juin 2005, dont la préparation par Monsieur Bernard Y... avait été nécessairement réalisée pendant son préavis.

Attendu que Monsieur Dominique X... n'a pas contesté devant le conseil des prud'hommes la motivation de son licenciement pour faute grave fondé sur ces agissements.

Attendu que sa lettre de protestation du 10 novembre 2004 à la société Backline France contient au demeurant de sa part l'affirmation erronée selon laquelle il avait retrouvé, pendant son préavis, la liberté non seulement de créer une société concurrente, ce qui était licite, mais de contacter d'éventuels prospects "pour travailler ultérieurement avec eux" ce qui a constitué un manquement à l'obligation de fidélité.

Attendu que l'appropriation par Messieurs X... et Y... du nom "Otrement" et du logo créé à la demande de la société Backline France afin d'en faire profiter la société créée par eux a également constitué une violation de l'obligation de fidélité.

Sur les demandes à l'égard de la société Otrement du chef de concurrence déloyale

Attendu que cette société était libre de démarcher la clientèle de la société Backline France, de sorte qu'il ne peut lui être demandé de réparer le préjudice qui a pu être entraîné par cette concurrence.

Attendu qu'il n'est pas établi qu'elle ait utilisé des procédés déloyaux pour découvrir et démarcher des clients de la société Backline France, qui étaient au demeurant en petit nombre et connus de ses fondateurs.

Attendu en revanche qu'il peut lui être reproché une concurrence déloyale par parasitisme par utilisation du nom "otrement" qui était le résultat d'une initiative et d'efforts de la société Backline France.

Attendu que, par cette utilisation, elle a fait l'économie de frais de recherches, ce dont il est indirectement résulté pour elle qu'elle a pu à moindres frais concurrencer la société Backline France.

Attendu de même qu'elle a agi en parasite en profitant du travail d'autrui en réalisant une plaquette comportant en miniature des photos de réalisations de spectacles par la société Backline France.

Attendu que, par cette utilisation, elle a également pu créer une confusion entre les deux sociétés.

Attendu qu'il convient donc de considérer que la société Otrement s'est livrée à une concurrence déloyale à l'égard de la société Backline France.

Attendu que la demande la société Backline France tendant à ce qu'il soit fait injonction à la société Otrement de ne plus utiliser ce nom ne parait pas pouvoir être accueillie dès lors que la société Backline France ne l'a jamais utilisé elle-même et qu'il ne fait l'objet d'aucune protection à l'initiative de celle-ci.

Attendu, sur le préjudice financier, qu'il y a lieu d'admettre que les agissements de Messieurs X... et Y... et de la société Otrement ont pu freiner le développement de la société Backline France, notamment en ce qu'ils ont détourné des relations contractuelles de la société Backline France vers la société Otrement pendant le préavis.

Attendu que la société Backline France, affirmant qu'elle a perdu un chiffre d'affaires de 1.351.153 € qui aurait généré une perte d'exploitation de 405.345,90 €, demande la condamnation des intimés à lui verser 400.000 €.

Attendu cependant qu'il est établi comme vu ci-avant que son chiffre d'affaires n'a pas diminué mais a légèrement augmenté en 1995.

Attendu qu'il n'apparaît pas qu'une mesure d'expertise soit de nature à permettre de déterminer le moindre accroissement de ce chiffre d'affaires dû aux actes de concurrence déloyale, que cette demande doit être rejetée.

Attendu qu'il y a lieu d'évaluer le préjudice de la société Backline France à la somme de 15.000 €, et de mettre sa réparation, in solidum, à la charge de Messieurs X... et Y... et de la société Otrement.

Attendu qu'il n'y a pas lieu à mesure de publicité en l'absence d'un texte spécial l'autorisant en cette matière.

Attendu que l'équité justifie l'allocation à la société Backline France d'une indemnité de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS,

la Cour,

réforme le jugement.

Dit que le tribunal de commerce était incompétent pour connaître de la demande fondée sur la violation du contrat de travail.

Évoquant, dit que Messieurs X... et Y... ont violé l'obligation de fidélité figurant dans leurs contrats de travail.

Dit que la société Otrement s'est livrée à une concurrence déloyale à l'égard de la société Backline France par parasitisme et par création d'une confusion.

Condamne in solidum Messieurs X... et Y... et la société Otrement à verser 15.000 € à la société Backline France en réparation de son préjudice.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne Messieurs X... et Y... et la société Otrement, in solidum, à verser à la société Backline France la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Les condamne aux dépens dont distraction au profit de la S.C.P. Arsène-Henry et Lançon.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Serge SAINT-ARROMAN, Président, et par Madame Véronique SAIGE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 06/02605
Date de la décision : 16/01/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Bordeaux, 27 mai 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2007-01-16;06.02605 ?
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