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27/11/2007 | FRANCE | N°06-41091

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 novembre 2007, 06-41091


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été employé à partir du mois de juin 1998 par la société de production audiovisuelle TDF vidéo service Europe (Télé Europe), en qualité de chef monteur "truquiste", pour la réalisation d'une émission dénommée "zapping zone" et diffusée par la chaîne Disney Channel ; qu'il est passé en août 1999 au service de la société France 102 studio, assurant la production de cette émission, réalisée à Paris puis à partir de février 2002 dans les locaux de la

société Eurodisney à Marne-la-Vallée ; que le 13 juin 2002, M. X... a pris acte de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été employé à partir du mois de juin 1998 par la société de production audiovisuelle TDF vidéo service Europe (Télé Europe), en qualité de chef monteur "truquiste", pour la réalisation d'une émission dénommée "zapping zone" et diffusée par la chaîne Disney Channel ; qu'il est passé en août 1999 au service de la société France 102 studio, assurant la production de cette émission, réalisée à Paris puis à partir de février 2002 dans les locaux de la société Eurodisney à Marne-la-Vallée ; que le 13 juin 2002, M. X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison du refus de son employeur de lui fournir du travail, depuis le 8 avril précédent, et de lui régler un salaire correspondant à un emploi à plein temps ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de demandes en paiement d'un complément de salaires et de dommages-intérêts liés à une qualification d'artiste-interprète, alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel, qui n'a pas recherché comme elle y était invitée si, en sa qualité de truquiste chargé d'intervenir dans le temps de la diffusion au public de l'émission "zapping zone", n'exécutait pas une oeuvre artistique dès lors qu'il réalisait en direct des effets spéciaux et l'habillage d'images nécessaires à l'existence de cette oeuvre, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 212-1 et L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que le juge est tenu de répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'arrêt a omis de répondre à ses conclusions soutenant qu'en sa qualité de producteur, la société France 102 studio, qui prend l'initiative de l'oeuvre audiovisuelle, a la charge des artistes et de leur rémunération à l'exclusion du diffuseur qui n'a aucun ligne juridique avec l'artiste ; que ce faisant, l'arrêt attaqué, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

3°/ que la cour d'appel, qui n'a pas recherché comme elle y était invitée, si M. X... ne pouvait se prévaloir de la qualité d'artiste interprète pour exécuter une oeuvre audiovisuelle en qualité de comédien, maquillé et costumé, pour intervenir à la fois à l'antenne et dans le spectacle présenté au public et sur les écrans du parc Disneyland et que dans ce cadre, il avait participé à un minimum de 320 émissions pour lesquelles il n'avait reçu aucune rémunération, a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu, par une décision motivée, que dans l'exercice de ses fonctions techniques de "truquiste", M. X... ne participait pas à l'interprétation d'une oeuvre de l'esprit ; qu'elle en a exactement déduit qu'il ne pouvait revendiquer la qualité d'artiste-interprète ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa première branche :

Attendu que la société France 102 studio fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement de diverses sommes, à titre d'indemnités ou de rappels de salaires, alors, selon la première branche du moyen, que l'article L. 122-12 du code du travail n'est pas applicable dans l'hypothèse d'un simple changement de prestataire qui ne s'accompagne pas du transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ; qu'en faisant en l'espèce application de ce texte, au prétexte de l'émission zapping zone diffusée par Disney channel a conservé son identité, sa mise en oeuvre nécessitait la réunion d'un ensemble organisé de matériels techniques et de personnels ayant la formation requise et s'est poursuivie notamment dans les locaux de la Maison de la radio puis dans ceux d'Eurodisney, sans dire en quoi une telle entité économique avait pu être transférée de la société Télé Europe à la société France 102 studio, qui étaient de simples prestataires de services pour la mise en place de l'émission zapping zone, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a fait ressortir que l'ensemble des moyens en matériel de production et en personnel que la société Télé Europe affectait spécialement à la réalisation de l'émission zapping zone avaient été repris en 1999 par la société France 102 studio, en vue de la poursuite de la même activité de production télévisuelle, dans les mêmes locaux ; qu'elle a pu en déduire le transfert d'une entité économique autonome dont relevait le salarié ;

Que le moyen n'est pas fondé en sa première branche ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi de l'employeur :

Attendu que la société France 102 studio fait grief à l'arrêt d'avoir requalifié le contrat de travail en contrat à durée indéterminée et de l'avoir condamnée au paiement d'une indemnité de requalification, de rappels de salaires et de congés payés, d'indemnités de préavis et de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une participation aux résultats et d'une indemnité pour frais de procédure alors, selon le moyen :

1°/ que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ; que, dès lors, le salarié qui refuse de signer le contrat de travail à durée déterminé que lui remet son employeur et qui pourtant exécute la prestation de travail convenue et reçoit sa rémunération, ne peut pas se prévaloir de l'absence d'écrit pour obtenir la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée ; qu'en affirmant en l'espèce qu'était inopérante l'argumentation selon laquelle le refus du salarié de signer son contrat de travail ne lui interdisait pas d'en revendiquer la requalification, la cour d'appel a violé le principe susvisé ensemble les articles L. 120-4 et L. 122-3-1 du code du travail ;

2°/ que l'article 1.30 de l'accord interbranche du 12 octobre 1998 se contente d'indiquer que selon le "cadre jurisprudentiel" de l'époque, "le CDD d'usage, comme tout autre contrat à durée déterminée doit être écrit ; il doit en outre comporter la définition précise de son motif ; la succession de CDD d'usage d'un salarié avec le même employeur sur plusieurs années ou plusieurs saisons peut constituer un indice du caractère indéterminé de la durée de l'emploi" ; qu'ainsi, l'accord interbranche ne reprend pas ces règles à son compte, qui n'ont plus vocation à s'appliquer dès lors que la jurisprudence a changé depuis une décision du 26 novembre 2003 selon laquelle l'office du juge saisi d'une demande de requalification d'un contrat à durée déterminée conclu par application de l'article L. 122-1-1, 3° du code du travail, en contrat à durée indéterminée, est seulement tenu de rechercher si, pour l'emploi concerné, il est effectivement d'usage constant de ne pas recourir à un tel contrat ; qu'en affirmant cependant que l'accord interbranche du 12 octobre 1998 relatif au recours au contrat à durée déterminée d'usage dans le spectacle impose une définition précise de ce motif et dispose que la succession de contrats à durée déterminée d'usage peut constituer un indice du caractère indéterminé de la durée de l'emploi, la cour d'appel a violé le texte précité, ensemble l'article L. 122-3-1 du code du travail ;

3°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer, fût-ce par omission, les écrits soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, les contrats de travail portaient mention de l'article D. 121-2 du code du travail, ce qui constituait la définition suffisante d'un motif précis de recours au sens de l'article L. 122-3-1 du code du travail et de l'accord interbranche du 12 octobre 1998 ; qu'en faisant abstraction de cette mention et en se contentant d'affirmer que la mention de la fonction du salarié, en l'espèce l'engagement en qualité de chef monteur pour une durée probable d'un ou deux jours, le contrat étant renouvelé "en fonction des besoins de production" ne constituait pas un motif précis de recours à un contrat à durée déterminée, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'en vertu des articles L. 121-1-1, 3° et L. 122-3-1 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée conclu dans l'un des secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu où il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif ; qu'à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée ;

Et attendu que la cour d'appel qui, d'une part, a constaté que les contrats de travail à durée déterminée produits ne comportaient pas la signature du salarié, à partir du mois d'octobre 1998, d'autre part, a retenu sans dénaturation qu'ils ne précisaient pas le motif de recours à cette catégorie de contrat, en a déduit à bon droit que M. X... avait été employé pour une durée indéterminée ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à eux seuls, à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi de l'employeur, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 122-12-1 du code du travail ;

Attendu qu'en vertu de ce texte, lorsqu'un changement d'employeur relevant de l'article L. 122-12 du code du travail se réalise dans le cadre d'une substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait de convention entre eux, le nouvel employeur n'est pas tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, des obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date du transfert ;

Attendu que, pour condamner la société France 102 studio au paiement de rappels de salaires dus à compter du mois de juin 1998, la cour d'appel a retenu que le salarié avait droit à une rémunération correspondant, depuis l'origine, à un emploi à plein temps ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans qu'il résulte de ses constatations que la substitution d'employeurs avait donné lieu à la conclusion d'une convention entre les employeurs successifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société France 102 Studio au paiement d'un rappel de salaires, pour la période antérieure au changement d'employeur, l'arrêt rendu le 26 janvier 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société TDF Vidéo Service France 102 Studio à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06-41091
Date de la décision : 27/11/2007
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 janvier 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 nov. 2007, pourvoi n°06-41091


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, SCP Vuitton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.41091
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