Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 3 novembre 2005 et 29 juin 2006), que la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde (CMSA) a pris en charge au titre de la législation professionnelle l'accident survenu à M. X..., salarié de la coopérative agricole forestière Sud Atlantique (la Coopérative), et lui a attribué une rente fondée sur un taux d'incapacité permanente partielle de 15 % ; que l'employeur a contesté l'opposabilité de cette décision au motif que la caisse n'avait pas respecté le principe de la contradiction ; que le premier arrêt a jugé que la coopérative était recevable à contester le taux d'incapacité permanente partielle reconnu à la victime et, avant dire droit sur la fixation dudit taux, a ordonné une expertise sur pièces "sans que puisse être opposé le secret médical ou professionnel" ; que le médecin conseil de la CMSA a cependant invoqué celui-ci pour refuser à l'expert la communication de son rapport médical ; que la CMSA faisant valoir l'irrecevabilité des prétentions initiales de la coopérative et le principe du secret médical, le second arrêt a retenu qu'il avait été statué sur ces demandes et moyens par le précédent arrêt qui avait sur ces points autorité de chose jugée et que, pour le surplus, en l'absence de toute justification qui ait pu être contradictoirement débattue, la décision de la CMSA était inopposable à la coopérative ;
Attendu que la CMSA fait grief aux arrêts d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1°/ que la décision de la caisse de mutualité sociale agricole sur le taux d'incapacité et la rente attribuée au salarié victime d'un accident dont le caractère professionnel n'est pas contesté est opposable à l'employeur qui peut la contester et, avec l'assistance d'un médecin de son choix, faire valoir ses droits devant la juridiction compétente ; que la cour d'appel, qui a jugé inopposable à la coopérative la décision attributive de rente allouée à M. X... a violé l'article 29 du décret n° 73-598 du 29 juin 1973 dans sa rédaction applicable au litige ;
2°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif et ce qui a été décidé relativement à la mission de l'expert ne s'impose pas au juge appelé à trancher le fond de l'affaire ; que la cour d'appel, pour juger inopposable à la coopérative la décision attributive de rente à son salarié, affilié auprès de la MSA, a retenu qu'il avait été statué sur le moyen tiré du secret médical par le précédent arrêt du 3 novembre 2005 qui avait sur ces points autorité de la chose jugée ; qu'en statuant ainsi, bien que cette précédente décision avait seulement dit que la coopérative était recevable dans ses rapports avec la MSA à contester le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) attribué au salarié ensuite de son accident du travail et, avant de statuer sur la fixation de ce taux d'IPP dans les rapports entre la coopérative et la MSA, avait ordonné une expertise sur pièces, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil, 480 et 482 du nouveau code de procédure civile ;
3°/ que l'arrêt du 3 novembre 2005 énonce, dans ses motifs, que "la contestation élevée justifie que, dans les rapports entre la MSA et la coopérative, une expertise judiciaire soit ordonnée afin de respecter le principe du contradictoire édicté par l'article 6 de la CEDH, la procédure légale prévue dans les rapports salarié-MSA ne prévoyant pas la participation de l'employeur, sans que puisse lui être opposé le secret médical ou professionnel" et, dans son dispositif, ordonne une expertise sur pièces, confiée à M. Y..., chargé de se faire remettre l'entier dossier médical du salarié ayant déterminé le taux d'IPP retenu par la MSA ; que ni dans ses motifs ni dans la mission de l'expert, la cour d'appel n'a écarté l'opposabilité du secret médical ni dispensé les parties et l'expert d'en respecter les règles ; que la cour d'appel, pour juger inopposable à la coopérative la décision attributive de rente à son salarié, affilié auprès de la MSA, a retenu qu'il avait été statué sur le moyen tiré du secret médical par le précédent arrêt du 3 novembre 2005 qui avait sur ces points autorité de la chose jugée ; qu'elle a ainsi dénaturé cette décision et violé les articles 1351 du code civil, 480 et 482 du nouveau code de procédure civile ;
4°/ que si le juge civil a le pouvoir d'ordonner à une partie ou un tiers de communiquer à l'expert les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission, il ne peut, en l'absence de disposition législative spécifique, contraindre un établissement de santé à lui transmettre des informations couvertes par le secret sans l'accord de la personne concernée ou de ses ayants droit, le secret médical constituant un empêchement légitime que l'établissement de santé a la faculté d'invoquer ; que la cour d'appel, pour juger inopposable à la coopérative la décision attributive de rente à son salarié, affilié auprès de la MSA, a estimé que le secret médical ne pouvait être opposé dans le cadre de la contestation par un employeur de la décision de l'organisme social attribuant une rente à un salarié victime d'un accident du travail, et s'est fondée sur l'absence de justification qui ait pu être contradictoirement débattue, a violé les articles 226-13 du code pénal, L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique, ensemble l'article 275 du nouveau code de procédure civile ;
5°/ que si le juge civil a le pouvoir d'ordonner à une partie ou un tiers de communiquer à l'expert les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission, il ne peut, en l'absence de disposition législative spécifique, contraindre un établissement de santé à lui transmettre des informations couvertes par le secret sans l'accord de la personne concernée ou de ses ayants droit, le secret médical constituant un empêchement légitime que l'établissement de santé a la faculté d'invoquer ; que la cour d'appel, pour juger inopposable à la coopérative la décision attributive de rente à son salarié, affilé auprès de la MSA, a estimé que le secret médical ne pouvait être opposé dans le cadre de la contestation par un employeur de la décision de l'organisme social attribuant une rente à un salarié victime d'un accident du travail, et s'est fondée sur l'absence de justification qui ait pu être contradictoirement débattue, a violé les articles 226-13 du code pénal, L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique, ensemble l'article 275 du nouveau code procédure civile ;
Mais attendu que si le secret médical, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi et lui fait obligation de protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes qu'il a soignées ou examinées, une expertise médicale qui, en ce qu'elle ressortit à un domaine technique échappant à la connaissance des juges, est susceptible d'influencer leur appréciation des faits, constitue un élément de preuve essentiel qui doit pouvoir être débattu par les parties ; qu'il en résulte que le secret médical ne saurait être opposé à un médecin-expert appelé à éclairer le juge sur les conditions d'attribution d'une prestation sociale, ce praticien, lui-même tenu au respect de cette règle, ne pouvant communiquer les documents médicaux examinés par lui aux parties et ayant pour mission d'établir un rapport ne révélant que les éléments de nature à apporter la réponse aux questions posées et excluant, hors de ces limites, ce qu'il a pu connaître à l'occasion de l'expertise ;
D'où il suit, abstraction faite de tous autres motifs erronés mais surabondants critiqués par le moyen, qu'en décidant qu'en l'absence de toute justification qui ait pu être contradictoirement débattue, la décision de la CMSA était inopposable à la coopérative, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs allégués ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde ; la condamne à payer à la coopérative agricole forestière Sud Atlantique la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille sept.