LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize octobre deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIHAL, les observations de la société civile professionnelle GHESTIN, et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
REJET du pourvoi formé par la Fédération Rhône Alpes de protection de la nature (FRAPNA), le Comité d'Izeaux pour la défense de la qualité de la vie, parties civiles, contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 20 décembre 2006, qui, sur renvoi après cassation, les a déboutés de leurs demandes après relaxe de la société Transports Fernand Lely et fils, Lely environnement Evac'Ordures, du chef d'exploitation d'une installation classée sans autorisation ;
Vu les mémoire produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 24 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977, L. 514-9 et L. 514-11 du code de l'environnement et de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
"aux motifs que l'autorisation d'exploiter donnée par l'arrêté du 28 février 1989 a été retirée par arrêté du 22 septembre 1990, lequel a été annulé par un jugement du 15 mai 1994 donnant ainsi son plein effet à l'arrêté du 28 février 1989 ; qu'il ressort d'une lettre du préfet de l'Isère du 8 août 1996 que la mise en oeuvre de l'arrêté d'autorisation en cause a été selon le ministre de l'environnement impossible entre le 13 novembre 1990 et le 24 mai 1994, date de notification du jugement du tribunal administratif de Grenoble ; qu'il en résultait l'inopposabilité à la société Lely pendant cette période du délai de caducité de trois ans prévu à l'article 24 du décret du 21 septembre 1997 ; que la cour partage cette analyse dans la mesure où la société Lely n'a pu jusqu'au 28 février 1989 user de l'autorisation dont elle bénéficiait ; qu'au surplus, cette situation s'analyse en un cas de force majeure au sens de l'article 24 du décret susvisé ; que le fait de l'administration a fait courir un nouveau délai de péremption de trois ans à compter du 25 mai 1994 ; que la société Lely affirme qu'elle a commencé à exploiter la décharge le 6 mai 1997, ce que les parties civiles contestent ; que force est de constater que cette contestation a été soulevée pour la première fois le 10 août 2001 dans le cadre d'une procédure de référé alors que depuis l'été 1997 les parties civiles ont lutté pour obtenir du préfet de l'Isère et du tribunal administratif qu'ils suspendent l'exploitation de la décharge ; que la société Lely produit aux débats la preuve du paiement de la taxe ADEME sur le tonnage réceptionné ; qu'il importe peu que les dépôts aient consisté en l'enfouissement de machefer dès lors que ce produit constitue bien un déchet pour lequel la société Lely a reversé la taxe ; que la date du 6 mai 1997 ressort également d'un courrier du 23 décembre 1997 émanant de la DRIRE qui énonce à l'attention de la société Lely «vous exploitez la décharge depuis le 6 mai 1997» ; que cette date a également été reprise dans le rapport de la mission d'inspection spécialisée effectué par le conseil général des ponts et chaussées déposé le 19 novembre 1997 ; que les parties civiles n'établissent pas que ce début d'exploitation a été entrepris dans des conditions illégales ; que la prévenue soutient qu'elle n'est pas demeurée plus de deux ans consécutifs sans exploiter la décharge mais qu'elle y a été contrainte par le fait de l'administration et des éléments de force majeure ; que l'interruption d'exploitation de deux ans visé à l'article 24 du décret du 21 septembre 1977 est une interruption complète ; que la réalisation de travaux est assimilée à des actes d'exploitation, même si, pendant leur période de réalisation il n'a pas été procédé à des enfouissements à moins que les travaux aient été entrepris dans le seul but d'échapper à la caducité ; que les pièces du dossier établissent qu'après l'enfouissement des déchets les mois de juin et juillet 1997 et mars 1998, la société Lely a fait réaliser des travaux en lien avec l'exploitation jusqu'à la reprise des enfouissements en juillet 2001 ; qu'ainsi, a-t-elle fait établir une étude de mise en conformité à la demande du préfet de l'Isère ; qu'il résulte d'un relevé de la société Lely que les 31 mars 1998 et 24 mars 1998 elle a fait enfouir du mâchefer et des déchets ultimes, ce que les parties civiles ne contestent pas sérieusement ; qu'au cours de l'année 2000, elle a fait construire sur le site quatre piézomètres pour un montant de 21 544,91 euros ; qu'elle assure le pompage, le transport et le traitement des eaux usées du site ; que la DRIRE a considéré que l'exploitation de la décharge n'avait pas été interrompue dans la mesure où elle a sollicité le règlement de la redevance pour cette période ; qu'il s'agit là d'actes d'exploitation qui doivent être analysés à la lumière des circonstances de l'époque caractérisée par une forte opposition, par des troubles répétés à l'ordre public, un souci légitime des pouvoirs publics ont incité les manifestants et la société Lely à la concertation demandant à cette dernière, qui ne souhaitait rien d'autre que de poursuivre son activité, de suspendre les enfouissements ; qu'il en résulte, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la prévenue se trouvait à cette époque face à un cas de force majeure et au fait de l'administration que les arrêtés des 28 février 1989 et 23 mai 1997 n'avaient pas cessé de produire leurs effets à la date du 30 juillet 2001 ;
"1°) alors que l'arrêté d'autorisation d'exploitation d'une installation destinée à l'enfouissement de déchets cesse de produire effet lorsqu'elle n'a pas été mise en service dans le délai de trois ans ou n'a pas été exploitée durant deux années consécutives ; que les parties civiles avaient soutenu que l'enfouissement de mâchefer réalisé par la société Lely en mai 1997 avait pour objet la réalisation d'une couche draînante en fond d'alvéole afin de répondre à l'une des prescription technique relative à l'aménagement du site d'enfouissement et ne pouvait donc pas être assimilé à un acte d'exploitation ; qu'en se bornant à affirmer que le mâchefer constitue un déchet sans réfuter le moyen des conclusions des parties civiles, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
"2°) alors que l'arrêté d'autorisation, qui porte sur une installation destinée à l'enfouissement des déchets, cesse également de produire effet lorsque l'installation classée n'a pas été exploitée durant deux années consécutives ; que le défaut d'exploitation s'entend de l'absence d'utilisation du site à sa destination autorisée par l'arrêté préfectoral qui est l'enfouissement de déchets ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que, même en assimilant le dépôt de mâchefer qui aurait été réalisé en mars 1998 à un acte d'exploitation, la société Lely n'a procédé entre mars 1998 et juillet 2001, soit pendant plus de deux années, à aucun enfouissement de déchets et n'a fait que construire quatre piézomètres et assuré le pompage, le transport et le traitement des eaux usées ; qu'en déduisant de ces travaux que l'installation litigieuse n'avait pas fait l'objet d'une cessation totale d'exploitation, la cour d'appel a violé les articles 24 du décret du 21 septembre 1977, ensemble les articles L. 514-9 et L. 514-11 du code de l'environnement" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Transports Fernand Lely et fils, Lely environnement Évac'ordures (la société Lely) a été autorisée, par arrêté préfectoral du 28 février 1989, à exploiter à Izeaux (Isère) une décharge de déchets industriels, installation classée pour la protection de l'environnement ; que cette autorisation a été retirée par un arrêté du 22 septembre 1990, qui a été annulé par un jugement définitif du tribunal administratif du 15 mai 1994 ; que les recours en annulation introduits par les associations parties civiles, la FRAPNA et le comité d'Izeaux, contre l'autorisation initiale ont été définitivement rejetés à la suite de la décision de non-admission rendue par le Conseil d'Etat le 14 mai 2001 ; que, le 30 juillet 2001, la société Lely a déchargé des déchets sur le site en cause ;
Attendu que cette société a été citée devant le tribunal correctionnel pour avoir, en juillet 2001, exploité sans autorisation une installation classée pour la protection de l'environnement, en violation des articles L. 512-1 et L. 514-9 du code de l'environnement et 24 du décret du 21 septembre 1977, l'autorisation étant caduque dès lors que, d'une part, plus de trois années s'étaient écoulées entre sa délivrance et la mise en service de l'installation et que, d'autre part, l'exploitation, ultérieurement entreprise, avait été interrompue durant deux années consécutives ;
Attendu que le tribunal correctionnel a déclaré la société Lely coupable de ce délit et a prononcé sur les intérêts civils ; que, la cour d'appel de Grenoble a prononcé une relaxe et débouté les associations ; que, sur le pourvoi de ces dernières, cette décision a été cassée en ses seules dispositions civiles par un arrêt du 2 juin 2004 et l'affaire renvoyée devant la cour d'appel de Lyon, dont l'arrêt a été également cassé ; que la cour d'appel de Riom, statuant sur renvoi après cette seconde cassation, a débouté les parties civiles de leurs demandes après avoir jugé que les éléments constitutifs de l'infraction n'étaient pas réunis ;
Attendu que, pour décider que l'autorisation était toujours en vigueur, l'arrêt retient notamment que le préfet a édicté des prescriptions complémentaires par un arrêté du 30 décembre 2002 ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, il n'appartient au juge pénal, saisi de poursuites du chef d'exploitation d'une installation classée sans autorisation, de rechercher lui-même s'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 24 du décret du 21 septembre 1977 qu'en l'absence de décision administrative se prononçant sur la caducité ou la péremption de l'autorisation invoquée par l'exploitant ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, le préfet, qui a édicté des prescriptions complémentaires par un arrêté du 30 décembre 2002, ayant constaté, implicitement mais nécessairement, que l'arrêté d'autorisation du 28 février 1989 n'avait pas cessé de produire effet ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Guihal conseiller rapporteur, MM. Blondet, Palisse, Le Corroller, Mme Radenne, M. Straelhi conseillers de la chambre, Mme Slove, MM. Chaumont, Delbano conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;