LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux octobre deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller RADENNE, les observations de la société civile professionnelle VIER, BARTHÉLEMY et MATUCHANSKY, et de la société civile professionnelle PARMENTIER et DIDIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
REJET du pourvoi formé par Y... Edward, contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 1er juin 2006, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de publicité de nature à induire en erreur, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2,3 du code de procédure pénale, L. 641-6 du code rural, L. 115-20, L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du code de la consommation, des Règlements communautaires 1493 / 1999 du 17 mai 1999, 2392 / 89 du 24 juillet 1989, 3201 / 90 du 16 octobre 1990, 753 / 2002 du 1er août 2003, de l'article 13 du décret du 19 août 1921 modifié par le décret du 7 janvier 1993, du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale, de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a reçu l'INAO en sa constitution de partie civile, a déclaré Edward Y... responsable du préjudice subi par l'INAO et l'a condamné à lui payer une indemnité de 1000 euros ;
" aux motifs que le prévenu conteste la recevabilité de la constitution de l'INAO, au motif que la mission de l'INAO, définie par l'article L. 641-6 du code rural, est limitée à la défense des appellations contrôlées alors que la prévention ne porte pas sur les appellations ; mais l'article L. 641-6 du code rural confère à l'INAO la charge de défendre les " appellations d'origine " et lui donne pouvoir d'ester en justice à cette fin ; l'article 13 du décret du 19 août 1921 prohibe, notamment, l'utilisation du mot " domaine ", en ce qui concerne les vins, sauf s'il s'agit de produit bénéficiant de l'appellation d'origine, ce qui est le cas en l'espèce, et provenant d'une exploitation agricole existant réellement, exactement qualifiée, ce qui n'est pas le cas, en raison de la dénomination fictive ; l'appellation d'origine contrôlée repose, en France, sur la notion de territoire ; toute adjonction d'une mention d'un territoire, sous l'expression d'un domaine fictif, porte ainsi atteinte à l'ordonnancement voulu par le législateur et par les professionnels du vin et préjudicie aux intérêts collectifs dont l'INAO a la charge de la défense ; une indemnité de 1 000 euros suffit à la réparation du préjudice collectif ;
" alors, d'une part, que la mission donnée à l'INAO, telle que définie par l'article L. 641-6 du code rural, est limitée à la défense des appellations d'origine ; qu'en l'espèce, Edward Y... était poursuivi pour publicité mensongère concernant l'étiquetage et le nom de domaines ; que, dès lors, en déclarant recevable la constitution de partie civile de l'INAO cependant que les appellations d'origine contrôlée Brouilly, Côte de Brouilly ou Mâcon Villages n'étaient pas en cause et n'avaient pas été méconnues par Edward Y..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, que l'INAO n'est pas chargé de représenter les intérêts d'une profession, mais de défendre les vins ayant bénéficié d'une appellation d'origine ; que le terme " domaine " ne constitue pas une appellation protégée ; qu'en l'espèce, la dénomination " Domaine des terres bleues " et " Domaine des Burdines » utilisée par Edward Y... ne concernait pas une appellation d'origine et n'était donc pas de nature à préjudicier aux intérêts précis dont l'INAO est chargé d'assurer le respect ; qu'en constatant que l'appellation d'origine contrôlée " repose, en France, sur la notion de territoire " et que la référence à un domaine est " une mention d'un territoire " pour en déduire que l'INAO, qui a qualité pour agir contre ceux qui contreviennent à la réglementation des appellations d'origine, pouvait pareillement poursuivre ceux qui méconnaissent les dispositions qui régissent l'usage des noms de domaine, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Edward Y..., gérant de la société de négoce Collin-Bourisset, a mis en vente des bouteilles de vins bénéficiant des appellations d'origine Brouilly, Côte-de-Brouilly et Mâcon-Villages et dont les étiquettes indiquaient que ces vins provenaient de domaines n'ayant pas d'existence réelle ; qu'il a été poursuivi du chef de publicité de nature à induire en erreur et que l'Institut national des appellations d'origine (INAO) s'est constitué partie civile ; que le prévenu a contesté la recevabilité de cette constitution ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant admis l'INAO à intervenir en qualité de partie civile et lui ayant accordé des dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'indication d'un domaine fictif porte atteinte à la notion d'appellation contrôlée, qui repose sur celle de territoire délimité ; que les juges ajoutent que l'article 13 4° du décret du 19 août 1921 sur les vins, vins mousseux et eaux-de-vie réserve l'usage du mot " domaine " aux seuls produits qui, à la fois, bénéficient d'une appellation d'origine et proviennent d'une exploitation agricole existant réellement ; qu'ils en concluent que l'infraction de publicité de nature à induire en erreur imputée au prévenu préjudicie aux intérêts collectifs que l'INAO a la charge de défendre ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme qu'Edward Y..., devra payer à l'INAO au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Radenne conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller, Straehli conseillers de la chambre, Mmes Slove, Guihal, MM. Chaumont, Delbano conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;