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26/09/2007 | FRANCE | N°06-13827

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 septembre 2007, 06-13827


Attendu que M. X..., époux commun en biens de Mme Y..., ayant été victime d'un accident de la circulation le 3 août 1984, un jugement du 14 novembre 1984 a ordonné une expertise médicale et lui alloué une provision ; que le divorce des époux ayant été prononcé le 30 janvier 1991 sur une assignation du 21 octobre 1986, des difficultés sont apparues lors de la liquidation et du partage de leur communauté ; que, notamment, Mme Y... a soutenu qu'une rente et des indemnités versées à M. X... après la dissolution de la communauté constituaient des acquêts ;

Sur les quatre

moyens du pourvoi principal, pris en leurs diverses branches, et les deu...

Attendu que M. X..., époux commun en biens de Mme Y..., ayant été victime d'un accident de la circulation le 3 août 1984, un jugement du 14 novembre 1984 a ordonné une expertise médicale et lui alloué une provision ; que le divorce des époux ayant été prononcé le 30 janvier 1991 sur une assignation du 21 octobre 1986, des difficultés sont apparues lors de la liquidation et du partage de leur communauté ; que, notamment, Mme Y... a soutenu qu'une rente et des indemnités versées à M. X... après la dissolution de la communauté constituaient des acquêts ;

Sur les quatre moyens du pourvoi principal, pris en leurs diverses branches, et les deux dernières branches du moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que les griefs de ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses quatre premières branches :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 septembre 2005) d'avoir dit que seule l'indemnisation au titre de l'incapacité temporaire totale et de l'incapacité temporaire partielle de travail subie par M. X... à l'issue de l'accident survenu le 3 août 1984 et ayant vocation à compenser la perte de revenus de celui-ci doivent tomber en communauté mais ce, seulement jusqu'au 21 octobre 1986, date de l'assignation en divorce, alors, selon le moyen :

1°/ que seules les sommes destinées à réparer le préjudice moral ou corporel revêtent la qualification de propres ; qu'en revanche les sommes allouées en réparation du préjudice professionnel entrent dans la communauté dès lors qu'elles sont destinées à compenser une perte de revenus ; qu'en l'espèce, Mme Y... soutenait que la somme de 1 139 985 euros allouée par la cour d'appel au titre de l'indemnisation du préjudice économique subi par M. X... du fait de son accident, était de nature exclusivement patrimoniale et entrait dans la communauté ; qu'en affirmant péremptoirement que ces sommes formaient des propres par nature dès lors qu'il ne s'agissait pas de sommes versées au titre de l'incapacité temporaire de travail, la cour d'appel a violé l'article 1404 du code civil ;

2°/ que les estimations des biens de la communauté doivent être effectuées au jour le plus proche du partage ; que lorsque le préjudice professionnel est survenu avant la dissolution de la communauté, les sommes allouées en réparation de ce préjudice tombent dans la communauté, même si leur montant est évalué postérieurement à la dissolution, au jour du partage ; qu'en l'espèce, il est constant que par suite de l'accident survenu le 3 août 1984, une action en justice a été diligentée contre le responsable de l'accident lequel a été condamné à verser à la victime une indemnité provisionnelle de 350 000 francs par jugement du 14 novembre 1984, et que le préjudice professionnel a été définitivement évalué à la somme de 1 139 985 euros par arrêt en date du 28 novembre 2003 ; que, pour écarter de la communauté les sommes allouées en réparation du préjudice professionnel subi entre le 3 août 1984, date de l'accident, et le 21 octobre 1986, date de l'assignation en divorce, la cour d'appel a affirmé que ce préjudice avait été évalué postérieurement à la date de la dissolution de la communauté ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 262-1 et 1404 du code civil ;

3°/ que les indemnités versées dans le cadre d'un contrat d'assurance "perte de profession" et d'un contrat d'assurance invalidité ont pour cause, non pas la réparation d'un dommage corporel, mais la perte de revenus consécutive à l'invalidité du souscripteur ; qu'en l'espèce, Mme Y... soutenait que les primes des assurances perte de profession et d'invalidité souscrites auprès de l'AGMF par son mari avaient été réglées avec les deniers de la communauté et n'avaient nullement pour fonction de réparer un dommage corporel mais bien la perte de revenus ; qu'en affirmant que lesdites sommes constituaient des assurances contre les conséquences d'une invalidité et devaient être considérées comme propres en regard de leur lien étroit avec le dommage corporel, quand, ayant pour cause la perte de revenus consécutive à la perte d'une profession et à l'invalidité du souscripteur, les indemnités étaient tombées en communauté, la cour d'appel a violé l'article 1404 du code civil ;

4°/ que dès lors que la créance d'indemnisation est née avant la date de la dissolution de la communauté et vient réparer la perte de revenus subie entre la date de l'accident et celle de la dissolution, elle tombe dans la communauté, peu important la date à laquelle elle a été effectivement perçue ; qu'en affirmant que toutes les sommes perçues postérieurement à la date de la dissolution de la communauté ne pouvaient faire l'objet d'aucune réclamation de la part de Mme Y..., la cour d'appel a violé l'article 1404 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que les indemnités réparant un dommage corporel ou moral constituent des biens propres par nature et que les indemnités destinées à compenser des pertes de revenus n'entrent en communauté que si elles constituent le substitut de ceux qui auraient dû être perçus pendant la durée du régime ; qu'ayant constaté que la communauté avait été dissoute le 21 octobre 1986 et retenu que l'indemnité allouée à M. X... en réparation de son préjudice économique tendait à compenser des pertes de revenus subies après le 5 avril 1989, date de consolidation de son état de santé, les juges du fond ont fait ressortir que la somme versée au titre du contrat d'assurance "perte de profession" avait pour objet de réparer une perte de revenus pour une période postérieure à la dissolution de la communauté, de sorte qu'elle devait être considérée comme personnelle à M. X... ; que par ces seuls motifs, la décision déférée est légalement justifiée ;

Attendu, ensuite, qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que l'indemnité versée au titre du contrat d'assurance-invalidité avait pour objet de réparer un dommage corporel, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle constituait un bien propre par nature de M. X... ;

Attendu, enfin, que le jugement ayant retenu que la rente servie par la CARMF réparait un dommage corporel et que seules les indemnités versées au titre de l'incapacité temporaire totale, puis de l'incapacité temporaire partielle de travail, avaient vocation à compenser des pertes de revenus subies avant la dissolution de la communauté, il ne résulte pas de ses conclusions que Mme Y... ait soutenu, devant les juges d'appel, que cette rente avait été servie avant la dissolution de la communauté et qu'elle avait pour objet de réparer une perte de revenus pour une période antérieure à la dissolution du régime ; qu'en ce qu'elle concerne la rente servie par la CARMF, la quatrième branche du moyen est nouvelle et mélangée de fait ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 06-13827
Date de la décision : 26/09/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

COMMUNAUTE ENTRE EPOUX - Propres - Propres par nature - Action en réparation d'un dommage corporel ou moral - Réparation d'un dommage corporel - Définition - Indemnité versée au titre d'un contrat d'assurance-invalidité

COMMUNAUTE ENTRE EPOUX - Actif - Composition - Biens acquis au jour du mariage - Biens provenant de l'industrie personnelle des époux - Substitut de salaire - Définition - Indemnité allouée en réparation d'un préjudice économique - Condition COMMUNAUTE ENTRE EPOUX - Actif - Composition - Biens acquis au jour du mariage - Biens provenant de l'industrie personnelle des époux - Substitut de salaire - Définition - Indemnité allouée en réparation d'un préjudice économique - Portée

Les indemnités réparant un dommage corporel ou moral constituent des biens propres par nature et les indemnités destinées à compenser des pertes de revenus n'entrent en communauté que si elles constituent le substitut de ceux qui auraient dû être perçus pendant la durée du régime. Par suite, les indemnités allouées à un époux en réparation de son préjudice économique et au titre d'un contrat d'assurance "perte de profession", en raison d'un accident survenu au cours du mariage, doivent être considérées comme personnelles à cet époux dès lors qu'elles tendent à compenser des pertes de revenus pour une période postérieure à la dissolution de la communauté


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 13 septembre 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 sep. 2007, pourvoi n°06-13827, Bull. civ. 2007, I, N° 302
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2007, I, N° 302

Composition du Tribunal
Président : M. Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Pagès
Rapporteur ?: Mme Bignon
Avocat(s) : SCP Gatineau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.13827
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