LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze septembre deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CORNELOUP, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
IRRECEVABILITE, cassation et désignation de juridiction sur les pourvois formés par X... Jacques, le procureur de la république près le tribunal de grande instance d'Epinal, contre l'arrêt de la cour d'assises des Vosges, en date du 26 octobre 2006, qui, pour meurtre, enlèvement et séquestration, l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle ainsi que contre l'arrêt du 5 février 2007 par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I-Sur le pourvoi formé par le procureur de la République :
Attendu qu'en application de l'article 596 du code de procédure pénale, le ministère public n'est recevable à se pourvoir contre un arrêt de cour d'assises qu'au cas où la peine prononcée est autre que celle appliquée par la loi à la nature du crime ; que tel n'étant pas le cas en l'espèce, le pourvoi n'est pas recevable ;
II-Sur le pourvoi formé par Jacques
X...
:
Vu le mémoire produit ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 378 du code de procédure pénale,593 du même code, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que le procès-verbal des débats mentionne qu'il a été signé par le seul président de la cour d'assises des Vosges, " suite au congé-maladie du greffier de la cour d'assises et à son état invalidant ne permettant pas sa signature ", et ce, depuis la page 8 du procès-verbal qui en comporte 43 ;
" 1 / alors que, sauf en cas de force majeure dont il doit être justifié et qui ne peut résulter que d'un événement tout à fait extraordinaire, le greffier doit authentifier par sa signature le procès-verbal des débats auxquels il a assisté ; que le congé-maladie du greffier d'assises, événement qui n'a, en soi, rien d'extraordinaire, ne saurait à lui seul constituer, en l'absence de toutes précisions de date et de durée dudit congé, de la gravité de l'état du greffier et de son caractère durablement invalidant, un empêchement légitimant le défaut de signature du procès-verbal par le greffier qui l'a dressé et a normalement assisté à l'intégralité des débats ; que la nullité de la procédure et de l'arrêt de condamnation est par conséquent encourue ; qu'en toute hypothèse, la Cour de cassation n'est pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité de la procédure ;
" 2 / alors que, le président de la cour d'assises ne pouvait sans contradiction avec la mention selon laquelle il avait signé seul le procès-verbal des débats et sans inexactitude viciant radicalement le procès-verbal, attester, à compter de la page 8 dudit procès-verbal, à plusieurs reprises, que " Mme le président a signé ainsi que le greffier ", lors même que le greffier n'a pas signé cette partie du procès-verbal, ce qui doit entraîner la nullité dudit procès-verbal en son entier ;
" 3 / alors, qu'on ignore d'ailleurs, à défaut de toute précision sur ce point, quand a commencé l'empêchement du greffier et s'il a pu assister à l'intégralité des débats devant la cour d'assises et rédiger lui-même le procèsverbal, dans la mesure où, précisément, ledit procès-verbal des débats n'est plus paraphé par lui depuis l'audience du 17 octobre 2006 (P.V. p. 8) et où rien n'indique à quelle date il s'est trouvé empêché et placé en congé-maladie ; qu'en cet état, le procès-verbal des débats ne peut faire foi des indications qu'il contient ; qu'en toute hypothèse, la Cour de cassation n'est pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité de la procédure " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 316,376,377 et 378 du code de procédure pénale,593 du même code, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que ni les arrêts rendus sur incidents contentieux les 18 octobre 2006 (P.V. p. 13 et 14),23 octobre 2006 (P.V. p. 28),24 octobre 2006 (P.V., p. 32 et 33, puis P.V. p. 35, P.V. p. 37 et 38), qui avaient été dressés sur le champ, ni l'arrêt statuant sur la culpabilité, le 26 octobre 2006, n'ont été signés par le greffier ;
" alors qu'à défaut de signature par le greffier desdits arrêts, contrairement à ce qui est mentionné dans les arrêts incidents, et, spécialement, d'authentification par le greffier de l'arrêt de condamnation qui doit être signé par le greffier sans délai pour ce faire, la nullité de ces arrêts et par suite de la déclaration de culpabilité de la cour et du jury, est encourue " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 376,377 et 378 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ces textes, un greffier doit signer avec le président la minute des arrêts rendus par la cour d'assises ainsi que le procès-verbal des débats ;
Attendu qu'il résulte de l'examen des pièces de procédure qu'aucun des arrêts rendus par la cour d'assises n'a été signé par Mme Wald, greffier ; que, M. Cuna, greffier, a signé l'arrêt fixant le nombre de jurés supplémentaires ainsi que la partie du procès-verbal relative aux débats auxquels il a assisté ;
Attendu que, pour justifier les absences de signatures de Mme Wald, le président mentionne que le procès-verbal des débats, l'arrêt pénal et les autres arrêts incidents sont signés par " le seul président de la cour d'assises des Vosges suite au congé-maladie du greffier et à son état invalidant ne permettant pas sa signature " ;
Mais attendu qu'en l'état de cette seule mention, insuffisante en l'absence de toute précision notamment sur la date à laquelle Mme Wald est devenue indisponible, la Cour de cassation n'est pas en mesure de s'assurer de l'existence d'un événement de force majeure, seul susceptible de conférer, faute de signature du greffier, authenticité aux actes susvisés ;
Par ces motifs et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de cassation proposés ;
I-Sur le pourvoi formé par le procureur de la République :
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
II-Sur le pourvoi formé par Jacques
X...
:
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'assises des Vosges, en date du 26 octobre 2006, ensemble la déclaration de la cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ;
CASSE et ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt du 5 février 2007 par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de la Moselle, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises des Vosges et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Corneloup conseiller rapporteur, M. Le Gall, Mme Chanet, M. Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Pometan conseillers de la chambre, Mmes Caron, Slove conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;