Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 janvier 2006), que M. X... a été mis à la disposition de la société Fonderies et ateliers du Bélier par la société de travail temporaire Manpower pour effectuer différentes missions d'intérim sur une période du 15 mars 1999 au 4 mars 2001 ; qu'au cours de sa dernière mission, il a été victime le 19 décembre 2000 d'un accident du travail, à la suite duquel la société Manpower a mis fin de manière anticipée à son contrat de travail le 15 février 2001 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir, d'une part, à l'encontre de la société Manpower, la condamnation de celle-ci au paiement de divers rappels de salaire, de dommages-intérêts pour rupture anticipée du dernier contrat de mission, de dommages-intérêts ainsi qu'à la remise de bulletins de salaires rectificatifs et d'une attestation ASSEDIC, d'autre part, à l'encontre de la société utilisatrice, la requalification des contrats de travail temporaire en un contrat de travail à durée indéterminée, ainsi que la condamnation de celle-ci au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis avec congés payés afférents et de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'entreprise utilisatrice fait grief à l'arrêt d'avoir requalifié les contrats de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée, d'avoir dit que la rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que diverses sommes à l'union locale des syndicats CGT du Libournais à titre de dommages-intérêts et de frais irrépétibles, alors, selon le moyen :
1°/ que le remplacement d'un salarié absent constitue un cas autonome de recours au contrat de travail temporaire, qui n'est pas subordonné à l'existence d'un surcroît de travail dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, en lui reprochant de n'avoir pas justifié d'un surcroît de travail lié à des commandes exceptionnelles ou cyclique pour toute la durée d'emploi de M. X..., alors que la moitié des missions accomplies par lui (trois sur six) l'avaient été dans le cadre de remplacement de salariés absents, la cour d'appel a violé les articles L. 124-2 et L. 124-2-1 du code du travail ;
2°/ que le recours au travail temporaire est autorisé pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire d'activité de l'entreprise, notamment en cas de variation cyclique de la production ou des pics d'activité ; qu'en l'espèce, pour justifier d'une telle variation, elle avait versé aux débats et analysé dans ses conclusions ses carnets de commande pour les périodes correspondant aux contrats de M. X... conclus pour accroissement temporaire d'activité ; qu'en refusant d'apprécier concrètement l'existence d'un surcroît d'activité, au regard de ces carnets de commandes régulièrement produits aux débats qui étaient de nature à établir l'existence de pics d'activité par rapport à la période normale, la cour d'appel a violé les articles L. 122-1, L. 122-1-1, L. 124-2 et L. 124-2-1 du code du travail ;
3°/ qu'en se déterminant, pour caractériser la permanence de l'occupation de M. X..., par la considération selon laquelle les postes occupés par l'intéressé auraient été interchangeables, sans nullement caractériser l'identité des fonctions réellement occupées par le salarié et sans non plus tenir compte, comme elle y était invitée, de la nature différente des travaux qu'impliquaient ces différents postes, la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer de manière abstraite et péremptoire que les postes de poteyeur, coquilleur, noyauteur sont parfaitement interchangeables, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 124-2 et L. 124-2-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que les remplacements de salariés absents étaient d'une durée très minime, que les postes occupés étaient interchangeables et que le salarié avait travaillé sans discontinuité, exception faite des périodes de fermeture de l'entreprise, pendant près de deux ans, a exactement décidé que ces contrats de travail temporaire, qui avaient pour effet de pourvoir durablement des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise, devaient être requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'entreprise utilisatrice fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que la cour d'appel a constaté que par un précédent jugement définitif du 27 avril 2004, le conseil de prud'hommes de Libourne avait déjà alloué à M. X... des indemnités pour rupture anticipée de son dernier contrat de travail ; que, dès lors, en lui allouant à nouveau des indemnités de même nature pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de la requalification de l'ensemble de ses contrats de mission sans distinction, la cour d'appel a réalisé un cumul d'indemnisation en violation des articles L. 122-14-4 et L. 124-7-1 du code du travail ;
Mais attendu que les deux actions exercées, l'une contre l'entreprise de travail temporaire sur le fondement de l'article L. 124-5 du code de travail, l'autre contre l'entreprise utilisatrice sur le fondement de l'article L. 124-7 du même code, ayant des fondements différents, et rien n'interdisant qu'elles puissent être exercées concurremment, le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Fonderies et ateliers du Bélier aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept~juin~deux mille sept.