LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize juin deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CORNELOUP, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
CASSATION et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par X... Mickaël, contre l'arrêt de la cour d'assises du Tarn, en date du 16 novembre 2006, qui, pour viols aggravés, l'a condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 348,350,352,591 à 593 du code de procédure pénale,1 et 6 § 3 a et b de la Convention européenne des droits de l'homme, violation des droits de la défense et du principe du contradictoire :
" en ce que la feuille de questions comporte une question spéciale (n° 4) relative à la circonstance aggravante d'usage ou menace d'une arme, à laquelle il a été répondu affirmativement, et qui seule peut justifier la peine prononcée de dix-huit ans de réclusion criminelle ;
" alors, d'une part, que lorsqu'il entend poser une question spéciale, le président a l'obligation de la lire ; que la circonstance aggravante d'usage ou menace d'une arme ne résultait ni de l'ordonnance de mise en accusation ni des questions posées à la cour d'assises de première instance ; qu'il ne résulte pas du procès-verbal des débats que cette question spéciale ait été lue par le président, la seule mention du procès-verbal des débats selon laquelle le président a donné lecture des questions auxquelles la cour et le jury auront à répondre, telle que résultant des débats ne faisant pas la preuve de cette lecture ; que l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 348 et 350 du code de procédure pénale ;
" alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, cette mention insuffisante et imprécise ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur le point de savoir si cette question a été lue, et si les droits de la défense ont été respectés ;
" alors que, en toute hypothèse, à supposer que la question ait été lue, tout accusé a le droit d'être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui mais aussi de disposer du temps et des facilités nécessaires pour préparer sa défense ; que le président, qui a décidé de poser une question relative à la circonstance aggravante d'usage ou menace d'une arme ne résultant pas de l'ordonnance de mise en accusation ni des questions posées à la cour d'assises de première instance, devait en avertir l'accusé et son avocat au plus tard avant le réquisitoire et les plaidoiries ; qu'en ne portant pas à la connaissance des parties, avant les plaidoiries, qu'il envisageait de poser cette question spéciale et en se bornant à l'indiquer après avoir annoncé la clôture des débats et au moment d'entrer en délibéré, le président a violé l'article 6 § 3 a et b de la Convention européenne des droits de l'homme, les droits de la défense et le principe du contradictoire " ;
Attendu que, renvoyé devant la cour d'assises sous l'accusation de viols, Mickaël
X...
a été déclaré coupable de viols aggravés et condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle, la cour et le jury ayant répondu affirmativement aux questions principales ainsi qu'à une question spéciale qui leur était posée comme résultant des débats sur la circonstance aggravante d'usage ou de menace d'une arme ;
Attendu que le procès-verbal des débats relate qu'après réquisitoire et plaidoiries, les débats ayant été déclarés terminés, le président a donné lecture des questions auxquelles la cour et le jury auront à répondre, telles que résultant des débats ; que les parties n'ont formulé aucune observation ;
Attendu qu'il résulte de la feuille de questions, qu'après avoir été interrogés et avoir répondu affirmativement sur les questions principales relatives aux viols visés par l'ordonnance de mise en accusation, la cour et le jury ont répondu affirmativement à la question spéciale n° 4 ainsi libellée : " les viols commis spécifiés à la question n° 3 ont-ils été commis avec usage ou menace d'une arme ? " ;
En cet état,
Vu l'article 6 § 3 a et b de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu que, selon ce texte, tout accusé a droit notamment à être informé dans le plus court délai de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui et doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
Attendu que le procès-verbal énonce qu'après clôture des débats le président a donné lecture des questions auxquelles la cour et le jury auraient à répondre, telles que résultant des débats ; qu'aucune observation n'ayant été formulée par les parties, la cour et le jury se sont retirés pour délibérer ;
Mais, attendu qu'en procédant ainsi et en posant une question spéciale d'usage ou menace d'une arme, circonstance aggravante non mentionnée dans la décision de renvoi, qui a permis de porter la condamnation du demandeur à dix-huit ans de réclusion criminelle pour viols aggravés, et sans qu'il résulte des énonciations du procès-verbal que, pour permettre à l'accusé ou à son conseil de faire valoir toutes observations utiles à la défense, le président ait prévenu les parties, avant les plaidoiries et réquisitions, qu'il envisageait de poser, comme résultant des débats, ladite question spéciale, le président a méconnu le texte et le principe susénoncés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'assises du Tarn, en date du 16 novembre 2006 ;
CASSE et ANNULE, par voie de conséquence l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêt civils ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de la Gironde à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt sur les registres du greffe de la cour d'assises du Tarn et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Corneloup conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Pometan conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;