LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un mai deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;
CASSATION partielle sur le pourvoi formé par X... Julien, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1ère section, en date du 11 janvier 2007, qui, dans l'information suivie contre lui pour infractions à la législation sur les stupéfiants, violences aggravées et refus d'obtempérer, a rejeté sa requête en annulation d'actes de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 4 avril 2007, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 63, alinéa 1er, 63-1, 63-4, 170, 173, 173-1, 174, 175, 570, 591, 592, 593 et 802 du code de procédure pénale, 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler tous les actes de la garde à vue de Rachid Y... qui portaient atteinte aux intérêts de Julien X... ;
"aux motifs qu'il est constant que les dénommés Julien X... et Rachid Y..., après avoir été interpellés par les services de police le 27 janvier 2006 à 23 heures dans le 18e arrondissement de Paris, ont été placés en garde à vue dans les locaux du commissariat central du même arrondissement à compter de 23 heures ce même jour et qu'ils ont reçu notification des droits attachés à cette mesure le 28 janvier 2006 respectivement à 1 heure et 1 heure 10, avec effet à compter de la veille à 23 heures ; que la notification des droits attachés à cette mesure n'a, en l'espèce, revêtu aucun retard injustifié et résulte de circonstances insurmontables ayant empêché qu'elle fût immédiate ; qu'il apparaît en effet, des pièces du dossier, que l'écart respectivement de 2 heures et de 2 heures 10 entre l'interpellation des intéressés, leur placement en garde à vue suivis de la notification des droits y afférents, est consécutif aux circonstances particulièrement difficiles de leur arrestation intervenue à l'issue d'une course-poursuite avec un fourgon de police et des policiers en moto ; que la course poursuite au cours de laquelle Julien X..., au volant de sa voiture de marque Smart et à bord de laquelle se trouvait également Rachid Y..., devait notamment, d'une part, traîner au sol sur plusieurs mètres un des policiers qui était venu les appréhender et lui causant, de ce fait, des blessures corporelles sérieuses et, d'autre part, percuter une moto de la police avec deux policiers à son bord, obligeant ses deux occupants à s'éjecter sur le sol pour ne pas être tué ou sérieusement blessé ;
"et aux motifs que les avis au procureur de la République de Paris des mesures de placement en garde à vue prises à l'encontre de Julien X... et de Rachid Y..., formulés respectivement à 1 heure 10 et à 1 heure 20, après leur interpellation, ne revêtent pas davantage le caractère d'un retard injustifié et résultent des mêmes circonstances insurmontables que celles qui ont empêché que la notification des droits attachés à cette mesure fût immédiate ;
"alors, d'une part, que selon l'article 63-1 du code de procédure pénale, l'officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, l'agent de police judiciaire, a le devoir de notifier immédiatement au gardé à vue, la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, les droits attachés au placement en garde à vue ainsi que les dispositions relatives à la durée de la garde à vue ; que tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par une circonstance insurmontable, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ; qu'en l'espèce, Rachid Y... a été interpellé le 27 janvier 2006 à 23 heures, à la porte de la Chapelle dans le 18e arrondissement et ramené aussitôt sous la contrainte, au commissariat central du même arrondissement où son placement en garde à vue et les droits y afférents ne lui ont été notifiés qu'à 1 heure 10 du matin, sans que ce retard de 2 heures ne soit justifié par des circonstances insurmontables ; que dès lors, la chambre de l'instruction, qui a refusé d'annuler tous les actes de sa garde à vue qui portaient atteinte à Julien X..., a violé les textes et les principes susvisés ;
"alors, d'autre part, que selon l'article 63, alinéa 1er, du code de procédure pénale, le procureur de la République doit être informé dès le début de la garde à vue, par l'officier de police judiciaire, de tout placement en garde à vue ; qu'en l'espèce, l'avis de la mesure de placement en garde à vue prise à l'encontre de Rachid Y..., a été transmis au procureur de la République à 1 heures 20, plus de deux heures après son interpellation, sans que ce retard soit justifié par des circonstances insurmontables ; que dès lors, la chambre de l'instruction, qui a refusé d'annuler tous les actes de la garde à vue qui portaient atteinte à Julien X... a de nouveau violé les textes et les principes susvisés ;
"alors, enfin, que ne caractérise aucune circonstance insurmontable, la chambre de l'instruction qui se borne à faire état des circonstances particulièrement difficiles de l'arrestation intervenue à l'issue d'une course poursuite avec des policiers, dont certains ont été légèrement blessés, circonstances antérieures à l'interpellation et qui n'ont eu aucune influence sur la présentation de l'intéressé à l'officier de police judiciaire de permanence, dès son retour au commissariat, dont il n'est ni constaté ni allégué que l'organisation aurait été, d'une façon quelconque, perturbée" ;
Attendu qu'un demandeur n'est recevable à invoquer l'irrégularité d'un acte concernant une autre personne mise en examen, qui n'a pas requis cette annulation, qu'à la condition de préciser en quoi cette irrégularité a porté atteinte à ses intérêts ; que Julien X... se bornant, en l'espèce, à alléguer l'existence d'un grief qui résulterait pour lui de l'irrégularité de la garde à vue de Rachid Y..., sans en apporter toutefois aucune démonstration, le moyen ne saurait être déclaré recevable ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 63, alinéa 1er, 63-1, 63-4, 170, 173, 173-1, 174, 175, 570, 591 à 593 du code de procédure pénale, 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la mesure de garde à vue de Julien X..., ainsi que tous les actes subséquents dont elle est le support, y compris le réquisitoire introductif et sa mise en examen ;
"aux motifs qu'il est constant que les dénommés Julien X... et Rachid Y..., après avoir été interpellés par les services de police le 27 janvier 2006 à 23 heures dans le 18e arrondissement de Paris, ont été placés en garde à vue dans les locaux du commissariat central du même arrondissement à compter de 23 heures ce même jour et qu'ils ont reçu notification des droits attachés à cette mesure le 28 janvier 2006 respectivement à 1 heure et 1 heure 10, avec effet à compter de la veille à 23 heures ; que la notification des droits attachés à cette mesure n'a, en l'espèce, revêtu aucun retard injustifié et résulte de circonstances insurmontables ayant empêché qu'elle fût immédiate ; qu'il apparaît en effet, des pièces du dossier, que l'écart respectivement de 2 heures et de 2 heures 10 entre l'interpellation des intéressés, leur placement en garde à vue suivis de la notification des droits y afférents, est consécutif aux circonstances particulièrement difficiles de leur arrestation intervenue à l'issue d'une course-poursuite avec un fourgon de police et des policiers en moto ; que la course poursuite au cours de laquelle Julien X..., au volant de sa voiture de marque Smart et à bord de laquelle se trouvait également Rachid Y..., devait notamment, d'une part, traîner au sol sur plusieurs mètres un des policiers qui était venu les appréhender et lui causant, de ce fait, des blessures corporelles sérieuses et, d'autre part, percuter une moto de la police avec deux policiers à son bord, obligeant ses deux occupants à s'éjecter sur le sol pour ne pas être tué ou sérieusement blessé ;
"et aux motifs que les avis au procureur de la République de Paris des mesures de placement en garde à vue prises à l'encontre de Julien X... et de Rachid Y..., formulés respectivement à 1 heure 10 et à 1 heure 20, après leur interpellation, ne revêtent pas davantage le caractère d'un retard injustifié et résultent des mêmes circonstances insurmontables que celles qui ont empêché que la notification des droits attachés à cette mesure fût immédiate ;
"alors, d'une part, que selon l'article 63-1 du code de procédure pénale, l'officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, l'agent de police judiciaire, a le devoir de notifier immédiatement au gardé à vue, la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, les droits attachés au placement en garde à vue ainsi que les dispositions relatives à la durée de la garde à vue ; que tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par une circonstance insurmontable, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ; qu'en l'espèce, Julien X... a été interpellé le 27 janvier 2006 à 23 heures, à la porte de la Chapelle dans le 18e arrondissement et ramené aussitôt sous la contrainte, au commissariat central du même arrondissement où son placement en garde à vue et les droits y afférents ne lui ont été notifiés qu'à 1 heure du matin, sans que ce retard de 2 heures soit justifié par des circonstances insurmontables ; que dès lors, la chambre de l'instruction, qui a refusé d'annuler sa mesure de garde à vue et tous les actes dont elle était le support nécessaire, a violé les textes et les principes susvisés ;
"alors, d'autre part, que selon l'article 63, alinéa 1er, du code de procédure pénale, le procureur de la République doit être informé dès le début de la garde à vue, par l'officier de police judiciaire, de tout placement en garde à vue ; qu'en l'espèce, l'avis de la mesure de placement en garde à vue prise à l'encontre de Julien X..., a été transmis au procureur de la République à 1 heure 10 du matin, plus de 2 heures après son interpellation, sans que ce retard soit justifié par des circonstances insurmontables ; que dès lors, la chambre de l'instruction, qui a refusé d'annuler la mesure de garde à vue ainsi que tous les actes dont elle était le support nécessaire, a de nouveau violé les textes et les principes susvisés ;
"alors, enfin, que ne caractérise aucune circonstance insurmontable, la chambre de l'instruction qui se borne à faire état des circonstances particulièrement difficiles de l'arrestation intervenue à l'issue d'une course poursuite avec des policiers, dont certains ont été légèrement blessés, circonstances antérieures à l'interpellation et qui n'ont eu aucune influence sur la présentation de l'intéressé à l'officier de police judiciaire de permanence, dès son retour au commissariat, dont il n'est ni constaté ni allégué que l'organisation aurait été, d'une façon quelconque, perturbée" ;
Vu les articles 63 et 63-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ces articles, la personne qui, pour les nécessités de l'enquête, est, sous la contrainte, mise à la disposition de l'officier de police judiciaire, doit immédiatement être placée en garde à vue et recevoir notification des droits attachés à cette mesure ; que tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que Julien X... et Rachid Y..., ont été interpellés à 23 heures sur la voie publique par les policiers qui les ont aussitôt conduits, entravés, dans un commissariat proche ; que l'officier de police judiciaire a d'abord procédé aux auditions successives de trois policiers présents sur les lieux de ces interpellations, avant de notifier à Julien X... et Rachid Y..., respectivement à 1 heure et 1 heure 10 du matin, leur placement en garde à vue et les droits qui y sont attachés ;
Attendu que, pour rejeter le moyen d'annulation, proposé par Julien X... et pris de l'irrégularité de son placement en garde à vue, l'arrêt attaqué relève que le retard dans la notification à l'intéressé de ses droits a été justifié par des circonstances insurmontables caractérisées par les conditions de son interpellation ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'aucun élément de la procédure n'établit une circonstance insurmontable justifiant, postérieurement à ces interpellations, un retard de deux heures tant dans l'information du procureur de la République que dans la notification de ses droits à l'intéressé, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe énoncé ci-dessus ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 60, 157, 157-1, 158, 162, 170, 173, 173-1, 174, 175, 570, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler l'examen toxicologique des urines de Julien X..., ainsi que tous les actes dont il est le support nécessaire ;
"aux motifs que l'Hôtel-Dieu étant inscrit, ès qualité de personne morale, sur une des listes prévues à l'article 157 du code de procédure pénale, l'examen toxicologique des urines de Julien X... afin d'y déceler la présence éventuelle de produits stupéfiants pouvait, suite à la réquisition délivrée le 28 janvier 2006 au directeur des urgences médico-judicaires dudit établissement hospitalier par l'officier de police judiciaire en charge de l'enquête, être valablement effectué par Claire Z..., pharmacienne en poste au laboratoire de toxicologie du service de pharmacie de l'établissement hospitalier considéré, sans que l'intéressée, aux fins de régularité dudit examen, ne soit préalablement tenue de prêter le serment visé à l'article 60, alinéa 2, du même code ;
"alors, d'une part, que selon l'article 60, alinéa 2, du code de procédure pénale, sauf si elles sont inscrites sur une des listes prévues à l'article 157, les personnes qualifiées pour procéder à des constatations ou des examens techniques ou scientifiques prêtent, par écrit, serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience ; qu'en l'espèce, dès lors qu'était uniquement inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Paris le service des urgences médico-judiciaires de l'Hôtel-Dieu, dirigé par le Professeur A..., Claire Z..., pharmacienne au laboratoire de toxicologie du service de pharmacie de l'hôtel-Dieu, dont le chef de service est le Dr B..., ne pouvait pas être dispensée de prêter le serment susvisé ;
"alors, d'autre part, que si, lorsque l'expert désigné, personne physique ou morale, n'a pas la compétence technique pour effectuer l'expertise demandée, il peut s'adjoindre des personnes spécialement qualifiées par leur compétence, c'est à la condition que celles-ci prêtent le serment prévu à l'article 60 du code de procédure pénale ; qu'en validant l'examen pratiqué sans serment préalablement prêté par Claire Z..., pharmacienne en poste au laboratoire de toxicologie du service de pharmacie de l'Hotel-Dieu, qui répondait à une demande du service des urgences médico-judiciaires de l'Hôtel-Dieu, la chambre de l'instruction a de nouveau violé les textes susvisés" ;
Vu les articles 60 et 157 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que les personnes qualifiées, auxquelles un officier de police judiciaire a recours pour procéder à des examens techniques ou scientifiques, doivent être inscrites sur l'une des listes d'experts prévues par le second de ces articles, ou, à défaut, doivent prêter, par écrit, serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et leur conscience ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que l'officier de police judiciaire a requis le directeur des urgences médico-judiciaires de l'Hôtel-Dieu (UMJ), service inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Paris, aux fins de procéder à une analyse toxicologique des urines de Julien X... ; que cette réquisition a été exécutée par Claire Z..., pharmacienne du laboratoire de toxicologie du service de pharmacie de cet établissement hospitalier ;
Attendu que, pour écarter le moyen d'annulation, pris de l'irrégularité de cet examen, la chambre de l'instruction prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résulte d'aucune pièce de la procédure que cette pharmacienne, exerçant dans un service distinct des UMJ, figure sur l'une des listes d'experts prévues par l'article 157 du code de procédure pénale ou qu'elle ait prêté, préalablement à ses opérations, le serment prévu par l'article 60 dudit code, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le troisième moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 11 janvier 2007, en ses seules dispositions ayant prononcé sur la demande d'annulation de pièces relatives, d'une part, à la garde à vue de Julien X..., d'autre part, à l'examen toxicologique de ses urines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Caron conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, MM. Corneloup, Pometan conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Lazerges conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Charpenel ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;