N° 2712
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois mai deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BOCCON-GIBOD ;
CASSATION et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par l'association du Lendit, les époux X..., parties civiles, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 15 décembre 2005, qui, dans l'information suivie sur leur plainte, contre personne non dénommée, des chefs de délaissement d'une personne hors d'état de se protéger, mise en danger de la vie d'autrui et blessures involontaires, a déclaré irrecevables la constitution de partie civile de l'association du Lendit ainsi que son appel d'une ordonnance de non-lieu ;
I - Sur le pourvoi des époux X... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II - Sur le pourvoi de l'association du Lendit :
Vu l'article 575, alinéa 2 2° du code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, des principes du contradictoire et du respect des droits de la défense, de l'article préliminaire et des articles 2, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit que l'association du Lendit était irrecevable en sa constitution de partie civile et a déclaré son appel irrecevable ;
"aux motifs qu'il résulte des éléments qui précèdent et des pièces de la procédure que l'association du Lendit n'allègue aucun préjudice personnel qui aurait pu lui être directement causé par les infractions dénoncées ; qu'en l'absence de mise en mouvement préalable de l'action publique par le ministère public ou la partie lésée et sans l'accord de celle-ci ou de son représentant légal, elle ne tenait par ailleurs d'aucun texte de loi la possibilité de se constituer partie civile pour les infractions susvisées ; que, constatant dès lors l'irrecevabilité de sa constitution, la cour la déclarera irrecevable en son appel ce que ne discute pas son avocat dans ses écritures ;
"1°) alors que le droit au procès équitable requiert du juge qu'il fasse observer et observe lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'association du Lendit, à l'encontre des réquisitions du ministère public et sans en aviser au préalable la partie appelante, la chambre de l'instruction a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les principe du contradictoire et du respect des droits de la défense, l'article préliminaire du code de procédure pénale ;
"2°) alors qu'une association peut toujours se constituer partie civile devant les juridictions répressives, en dehors de toute habilitation légale, dans les conditions du droit commun, en justifiant d'un préjudice personnel et direct ; qu'en jugeant que l'association du Lendit était irrecevable dans sa constitution de partie civile des faits notamment de mise en danger de la vie d'autrui et délaissement d'une personne hors d'état de se protéger, motif pris de l'absence de préjudice personnel directement causé par les infractions dénoncées, tandis que cette association est chargée notamment de gérer sous contrôle de l'Etat une maison d'accueil spécialisée pour personnes handicapées et autistes incapables d'assumer la défense de leurs intérêts et de leurs droits, ce dont il résulte qu'en raison de la spécificité du but et de l'objet de sa mission, elle justifiait d'un préjudice lui ouvrant le droit de se constituer partie civile, la chambre de l'instruction a violé le droit à l'accès à un juge, les articles 6 § 1 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 2 du code de procédure pénale" ;
Vu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du code de procédure pénale, ensemble l'article 87 du même code ;
Attendu que, selon ces textes, la chambre de l'instruction saisie de l'appel d'une ordonnance de non-lieu ne peut relever d'office l'irrecevabilité de la constitution de partie civile sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que l'association du Lendit a porté plainte et s'est constituée partie civile contre personne non dénommée pour délaissement d'une personne hors d'état de se protéger, mise en danger de la vie d'autrui et blessures involontaires ; qu'à l'issue de l'information le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu dont la partie civile a relevé appel ;
Attendu que la chambre de l'instruction, statuant sur cet appel a, d'office et sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, déclaré irrecevables la constitution de partie civile de l'association précitée, de même que son appel, au motif qu'elle n'alléguait aucun préjudice personnel qui aurait pu lui être directement causé par les infractions dénoncées ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris en date du 15 décembre 2005, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Le Gall conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Ponroy conseiller rapporteur, MM. Pelletier, Arnould, Mme Koering-Joulin, MM. Corneloup, Pometan conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mmes Caron, Lazerges conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Boccon-Gibod ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;