La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2007 | FRANCE | N°06-82629

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 mars 2007, 06-82629


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- LA SOCIETE DU CHATEAU DE LA PREUILLE,

- X... Philippe,

- X... Christian,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 23 février 2006, qui, pour infractions à la législation sur les contributions indirectes et à la réglementation sur l'organisation et l'assainissement du marché du vin, les a solidairement condamn

és à des amendes et pénalités fiscales, a ordonné l'arrachage des plantations irrégulières et...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- LA SOCIETE DU CHATEAU DE LA PREUILLE,

- X... Philippe,

- X... Christian,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 23 février 2006, qui, pour infractions à la législation sur les contributions indirectes et à la réglementation sur l'organisation et l'assainissement du marché du vin, les a solidairement condamnés à des amendes et pénalités fiscales, a ordonné l'arrachage des plantations irrégulières et l'affichage de la décision ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 février 2007 où étaient présents : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M Dulin, Mmes Thin, Desgrange, M. Chanut, Mmes Nocquet, Ract-Madoux conseillers de la chambre, MM. Soulard, Lemoine, Mmes Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Boccon-Gibod ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BOCCON-GIBOD ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux demandeurs, le mémoire en défense et les observations produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des procès-verbaux d'infractions, dressés par des agents des douanes les 7 juin et 30 novembre 2001, que la société Château de la Preuille, groupement foncier agricole géré par Philippe et Christian X..., viticulteur dans la zone d'appellation contrôlée Muscadet, a déposé, les 12 avril 1995 et 17 janvier 1996, des fausses déclarations d'arrachage de vignes, sous le couvert d'opérations de remembrement clôturées le 30 novembre 1995, puis souscrit, le 22 juillet 1996, des déclarations de replantation auxquelles elle ne pouvait prétendre ; qu' il a été encore constaté que des parcelles donnant droit à l'appellation étaient plantées en cépages hybrides interdits et que la fraude avait été dissimulée par le dépôt de déclarations de récoltes distinctes au nom de la société, seule identifiée comme exploitant, et de ses gérants ; qu'enfin, des déclarations déposées le 2 juillet 2001 ont attesté faussement l'arrachage de vignes plantées en cépages hybrides sur des parcelles restées en friche ou cultivées en céréales ;

Attendu que, sur la citation délivrée par l'administration des douanes et droits indirects le 5 avril 2004, la société et ses gérants sont poursuivis pour avoir, d'une part, souscrit des fausses déclarations d'arrachage et de plantation de vignes, d'autre part, déposé des déclarations annuelles inexactes au titre des récoltes des années 1999, 2000 et 2001 et des stocks pour les deux premières de ces années, entraînant la perte du droit aux appellations Muscadet et Muscadet sur lie ainsi qu' à la dénomination "gros plant", enfin expédié des vins sous le couvert de titres de mouvement inapplicables ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 94 du code du vin dans sa rédaction issue du décret du 3 février 1941, 111-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, insuffisance et défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action publique soulevée par les consorts X... ;

"aux motifs que la prescription décennale prévue à l'article 94 du code du vin s'applique aux déclarations de plantations mais également au contrôle des arrachages, ce texte instituant à cette fin le contrôle de la comptabilité des entrepreneurs de défonçage ; que, dans ces conditions, aucune des infractions poursuivies n'est prescrite ;

"alors qu'en matière pénale, tout est de droit étroit, ce qui interdit aux juges de procéder par extension, analogie ou induction ; que l'article 94 du code du vin pose un principe de prescription décennale dérogatoire au droit commun relativement aux " infractions commises en matière de plantation de vignes " sans viser en quoi que ce soit les opérations d'arrachage de vignes ;

qu'en décidant que ce texte était applicable aux infractions commises en matière d'arrachages de vignes au seul motif qu'il autorisait " à cette fin " les administrations des contributions indirectes à examiner la comptabilité des " entrepreneurs de défonçage ", la cour d'appel a raisonné par induction en déduisant un fait d'un autre, ce qui l'a conduite à étendre la prescription dérogatoire de l'article 94 du code du vin à des infractions que celui- ci ne vise pas directement, méconnaissant ainsi les textes précités" ;

Attendu que, pour écarter la prescription des infractions résultant des déclarations irrégulières déposées les 12 avril 1995, 17 janvier et 22 juillet 1996, plus de trois ans avant la date du procès-verbal du 7 juin 2001, l'arrêt retient, notamment, que les dispositions de l'article 3 de la loi du 4 juillet 1931, devenues l'article 94 du code du vin, ensuite modifiées par l'article 8 du décret-loi du 29 juillet 1939, selon lesquelles les infractions commises en matière de plantation de vignes peuvent être constatées dans le délai de dix ans, à compter de la date des plantations irrégulières, sont également applicables aux arrachages irréguliers, le texte instituant à cette fin le contrôle de la comptabilité des entrepreneurs de défonçage ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que, d'une part, les infractions commises en matière de plantation de vignes concernent l'ensemble des droits à replantation résultant d'opérations irrégulières d'arrachage, et, d'autre part, le délai de 10 ans n'était pas expiré à la date du procès-verbal du 7 juin 2001, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-2 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 641-17 et R. 641-71 du code rural, 111-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le GFA Château de la Preuille, Philippe X... et Christian X... coupables des infractions de fausses déclarations de récolte au titre des années 1999, 2000 et 2001 et fausses déclarations de stock de vin au titre des années 1999 et 2000 par plantations illicites et présence de cépages hybrides interspécifiques et d'expédition sous couvert de titres de mouvement inapplicables de 4456 hectolitres de vin ;

"aux motifs d'abord que l'exception d'illégalité de l'infraction poursuivie, tirée de ce que les éléments de celle-ci sont définis par un texte réglementaire, doit être rejetée dès lors que l'article 1791 du code général des impôts, qui fixe les sanctions encourues en matière de contributions indirectes, vise expressément toute infraction aux lois régissant les contributions indirectes ainsi que les décrets et arrêtés pris pour leur exécution ;

"alors que l'article R. 641-71 du code rural ne peut être regardé comme pris pour l'exécution de l'article L. 641-17 du même code, selon lequel les vins provenant des hybrides producteurs directs n'ont en aucun cas droit à une appellation d'origine, dès lors qu'il ajoute à ce dernier texte en prévoyant que la perte du droit à l'appellation s'applique à la récolte entière d'une exploitation si celle-ci comporte des cépages hybrides interspécifiques ; que c'est donc à tort que la cour d'appel s'est fondée sur les dispositions de l'article 1791 du code général des impôts pour rejeter l'exception d'illégalité soulevée par les prévenus ;

"aux motifs, ensuite, que la présence de cépages hybrides a été constatée dans l'exploitation, en dépit de l'interdiction, pour une exploitation produisant des vins d'appellation d'origine, d'avoir des cépages hybrides dans son encépagement ; que cette présence a pour conséquence la perte du droit à l'appellation pour la récolte entière de l'exploitation en application des articles L. 641-17 du code rural et 4 et 5 du décret 87- 854 du 22 octobre 1987 repris par l'article R. 641-71 du code rural ;

"alors, d'une part, qu'à supposer que l'article R. 641-71 du code rural doive être regardé comme ayant été pris pour l'exécution de l'article L. 641-17 du même code, ces deux textes doivent nécessairement être combinés, d'où il suit que la présence de cépages hybrides sur une exploitation produisant des vins classés en appellation d'origine contrôlée ne saurait être constitutive d'une infraction que s'il a été constaté que cette production comprenait des vins provenant de ces hybrides ; qu'en considérant que l'article R. 641-71 du code rural prohibait la seule présence de cépages hybrides sur une exploitation, la cour d'appel a violé ce texte ;

"alors, d'autre part, qu'en considérant que l'ensemble de la production des années visées à la prévention devait être privé du droit à l'appellation d'origine contrôlée sans constater, ainsi que le lui imposaient les dispositions combinées des articles L. 641-17 et R. 641-71 du code rural, que cette production aurait comporté des "vins provenant des hybrides producteurs directs" au sens du premier de ces textes, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"alors, en toute hypothèse, qu'à supposer même que l'article R. 641-71 du code rural sanctionne bien la seule présence de cépages hybrides sur une exploitation par la perte du droit à l'appellation de la totalité de la récolte, ce texte contrevient alors au principe de la présomption d'innocence posé par l'article 6-2 de la Convention européenne des droits de l'homme en ce qu'il aboutit à présumer que les vins de l'exploitation proviennent pour une part de cépages hybrides sans qu'il soit possible de détruire cette présomption par la preuve contraire, laquelle était en l'espèce rapportée par les prévenus, qui démontraient que, nonobstant la présence de parcelles plantées de cépages hybrides sur l'exploitation, les vins issus de ces cépages n'étaient pas intégrés au reste de la production déclarée en Appellation d'Origine Contrôlée ; que la cour d'appel a ainsi violé les droits de la défense et les textes précités en ce qu'elle a fait application de l'article R. 641-71 du code rural" ;

Attendu que, pour écarter l'exception d'irrecevabilité de la poursuite, prise, par le prévenu de la violation du principe de légalité des délits, et dire établies les infractions résultant de la présence sur l'exploitation de cépages hybrides interspécifiques, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, et dès lors que, d'une part, les procès-verbaux constatant les infractions à la législation sur les contributions indirectes font foi jusqu'à preuve contraire, non rapportée en l'espèce, d'autre part, les infractions aux règlements communautaires, aux lois et règlements nationaux relatifs à l'organisation et à l'assainissement du marché du vin sont, par application des dispositions de l'article 433 A du code général des impôts, passibles des amendes et pénalités édictées par l'article 1791 de ce code et par les articles 1 et 2 de l'ordonnance du 7 janvier 1959, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le GFA Château de la Preuille, Philippe X... et Christian X... coupables de l'ensemble des infractions objet de la prévention ;

"aux motifs que l'intention frauduleuse des prévenus est parfaitement caractérisée pour l'ensemble des infractions constatées et visées aux citations par la violation réitérée des prescriptions légales et réglementaires régissant leurs activités professionnelles ;

"alors que le caractère intentionnel de l'infraction suppose l'accomplissement volontaire de ce que la loi ou le règlement interdit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs insuffisants en déduisant l'intention frauduleuses des prévenus du seul fait que ces derniers avaient violé de façon réitérée des prescriptions légales et réglementaires sans constater que ceux-ci avaient agi en connaissance de cause" ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables d'infractions à la législation sur les contributions indirectes, l'arrêt, après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que les prévenus s'étaient indûment constitué un portefeuille de droits à replantation et qu'ils avaient sciemment menti lors du dépôt des déclarations, énonce que l'intention frauduleuse est caractérisée, pour l'ensemble des infractions constatées, par la violation réitérée des prescriptions légales et réglementaires régissant leur activité professionnelle ; que les juges ajoutent qu'ils ne peuvent invoquer des tolérances qui ne résultent pas de la loi ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze mars deux mille sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-82629
Date de la décision : 14/03/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Dispositions spécifiques à certaines marchandises ou prestations - Vins - Infractions à la réglementation sur la qualité des vins - Appellation d'origine contrôlée - Interdiction des cépages hybrides - Sanctions - Détermination

Les infractions aux dispositions de l'article R. 641-71, devenu D. 641-71, du code rural sont passibles des amendes et pénalités édictées par l'article 1791 du code général des impôts qui, en application des dispositions de l'article 433 A dudit code, réprime toute infraction aux règlements communautaires et aux lois et règlements nationaux, relatifs à l'organisation et à l'assainissement du marché du vin


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 23 février 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 mar. 2007, pourvoi n°06-82629, Bull. crim. criminel 2007, n° 82, p. 410
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007, n° 82, p. 410

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Boccon-Gibod
Rapporteur ?: M. Rognon
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.82629
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award