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06/03/2007 | FRANCE | N°06-84105

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 mars 2007, 06-84105


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mars deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
REJET du pourvoi formé par X... Jean-Claude, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 26 avril 2006, qu

i l'a débouté de ses demandes après relaxe de Jean-Claude Y..., du...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mars deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
REJET du pourvoi formé par X... Jean-Claude, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 26 avril 2006, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de Jean-Claude Y..., du chef de complicité de diffamation publique envers un particulier ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 29,23,32,42,43,35,35 bis,55 de la loi du 29 juillet 1881,121-6 et 121-7 du code pénal,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir dit que les propos de Jean-Claude Y... rapportés et publiés dans « Le Courrier de Mantes », édition du 9 juin 2004, sous le titre « Avec 200 caravanes sur un terrain privé – Manu le Gitan et les gens du voyage s'installeront-ils à Gambais ? » sont diffamatoires envers Jean-Claude X... en tant que personne particulière, a admis Jean-Claude Y... au bénéfice de la bonne foi et l'a relaxé des fins de la poursuite et, sur l'action civile, a débouté Jean-Claude X... de sa constitution et de l'ensemble de ses demandes ;
" aux motifs que Jean-Claude Y... ne conteste pas être l'auteur des propos rapportés dans l'article « Le Courrier de Mantes » dans son édition du 9 juin 2004 sous le titre « Avec 200 caravanes sur un terrain privé – Manu le Gitan et les gens du voyage s'installeront-ils à Gambais ? » ; qu'aux termes de l'article 42 de la loi du 28 juillet 1881, l'auteur de propos estimés diffamatoires ne peut être poursuivi qu'en qualité de complice du délit de diffamation publique ; qu'à la lecture de l'article incriminé, Jean-Claude X... ne pouvait que s'identifier comme étant la personne concernée puisqu'il est propriétaire dudit terrain situé au hameau Saint-Côme pour en avoir fait l'acquisition avec sa compagne, Ingrid Z..., en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, et qu'une demande de permis de construire avait été effectivement déposée en vue de l'installation d'élevage de chevaux ; que cette identification était d'autant plus facile dans un village rural de petite taille ; que les propos relevés dans l'article « Chantage » : « ce sont des menaces et du chantage ; ce monsieur veut faire venir ces gens pour exercer des pressions parce qu'il n'a pas obtenu son permis de construire » affirme le maire Jean-Claude Y... » avec renvoi à l'encadré : « la mairie et le propriétaire en bisbille » laissent clairement entendre que la personne identifiable comme étant Jean-Claude X... se livre à des manoeuvres communément et moralement réprouvées pour obtenir son permis de construire, portent atteinte à son honneur et à sa considération et sont bien diffamatoires ; que, toutefois, le prévenu n'est pas l'auteur de l'article rédigé par la journaliste Francine A..., qui a eu un entretien avec Jean-Claude Y..., lequel ne savait pas alors qu'elle était journaliste ; que Jean-Claude Y..., dans ces conditions, et sans être tenu aux mêmes critères exigés par la jurisprudence des professionnels de l'information, a pu, de bonne foi, exprimer l'opinion qui était la sienne à la suite des échanges qu'il avait eus avec Jean-Claude X... qui lui avait notamment écrit dans son courrier du 28 mai 2004 en sa qualité de maire : « Les gens du voyage ont la ferme intention de s'installer sur mon terrain... Il vous reste le choix de prendre sous responsabilité le gardiennage du terrain pour éviter vols, dégradations, et installations sauvages ou de respecter les textes du POS et nous permettre de construire notre principale habitation » ; que, compte tenu de ce qui précède, Jean-Claude Y... sera admis au bénéfice de la bonne foi et relaxé des fins de la poursuite ; qu'en conséquence, Jean-Claude X... sera débouté de sa constitution de partie civile et de l'ensemble de ses demandes ;
" alors que les imputations diffamatoires impliquent l'intention coupable de leur auteur ; que si le prévenu peut démontrer sa bonne foi par l'existence de circonstances particulières, c'est à lui seul qu'incombe cette preuve ; qu'à défaut pour le prévenu d'avoir excipé de sa bonne foi, subsidiairement à l'exception de vérité des faits diffamatoires, les juges du fond ne peuvent prononcer d'office sur la bonne foi ; qu'en l'état des énonciations de l'arrêt attaqué et des conclusions du prévenu d'où il ne ressortait absolument pas que ce dernier ait, d'une quelconque manière, subsidiairement à l'exception de la vérité des faits diffamatoires, invoqué l'exception de bonne foi, la chambre des appels correctionnels ne pouvait, sans méconnaître le principe ci-dessus rappelé et les textes ci-dessus visés, après avoir retenu que les propos du prévenu étaient effectivement diffamatoires envers la partie civile en tant que personne particulière, relaxer néanmoins ce dernier des fins de la poursuite et débouter la partie civile de ses demandes en retenant d'office que le prévenu devait être admis au bénéfice de la bonne foi ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 29,23,32,42,43,35,55 de la loi du 29 juillet 1881,121-6 et 121-7 du code pénal,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir dit que les propos de Jean-Claude Y... rapportés et publiés dans « Le Courrier de Mantes », édition du 9 juin 2004, sous le titre « Avec 200 caravanes sur un terrain privé – Manu le Gitan et les gens du voyage s'installeront-ils à Gambais ? » sont diffamatoires envers Jean-Claude X... en tant que personne particulière, a admis Jean-Claude Y... au bénéfice de la bonne foi et l'a relaxé des fins de la poursuite et, sur l'action civile, a débouté Jean-Claude X... de sa constitution et de l'ensemble de ses demandes ;
" aux motifs que Jean-Claude Y... ne conteste pas être l'auteur des propos rapportés dans l'article « Le Courrier de Mantes » dans son édition du 9 juin 2004 sous le titre « Avec 200 caravanes sur un terrain privé – Manu le Gitan et les gens du voyage s'installeront-ils à Gambais ? » ; qu'aux termes de l'article 42 de la loi du 28 juillet 1881, l'auteur de propos estimés diffamatoires ne peut être poursuivi qu'en qualité de complice du délit de diffamation publique ; qu'à la lecture de l'article incriminé, Jean-Claude X... ne pouvait que s'identifier comme étant la personne concernée puisqu'il est propriétaire dudit terrain situé au hameau Saint-Côme pour en avoir fait l'acquisition avec sa compagne, Ingrid Z..., en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, et qu'une demande de permis de construire avait été effectivement déposée en vue de l'installation d'élevage de chevaux ; que cette identification était d'autant plus facile dans un village rural de petite taille ; que les propos relevés dans l'article « Chantage » : « ce sont des menaces et du chantage ; ce monsieur veut faire venir ces gens pour exercer des pressions parce qu'il n'a pas obtenu son permis de construire » affirme le maire Jean-Claude Y... » avec renvoi à l'encadré : « la mairie et le propriétaire en bisbille » laissent clairement entendre que la personne identifiable comme étant Jean-Claude X... se livre à des manoeuvres communément et moralement réprouvées pour obtenir son permis de construire, portent atteinte à son honneur et à sa considération et sont bien diffamatoires ; que, toutefois, le prévenu n'est pas l'auteur de l'article rédigé par la journaliste Francine A..., qui a eu un entretien avec Jean-Claude Y..., lequel ne savait pas alors qu'elle était journaliste ; que Jean-Claude Y..., dans ces conditions, et sans être tenu aux mêmes critères exigés par la jurisprudence des professionnels de l'information, a pu, de bonne foi, exprimer l'opinion qui était la sienne à la suite des échanges qu'il avait eus avec Jean-Claude X... qui lui avait notamment écrit dans son courrier du 28 mai 2004 en sa qualité de maire : « Les gens du voyage ont la ferme intention de s'installer sur mon terrain... Il vous reste le choix de prendre sous responsabilité le gardiennage du terrain pour éviter vols, dégradations, et installations sauvages ou de respecter les textes du POS et nous permettre de construire notre principale habitation » ; que, compte tenu de ce qui précède, Jean-Claude Y... sera admis au bénéfice de la bonne foi et relaxé des fins de la poursuite ; qu'en conséquence, Jean-Claude X... sera débouté de sa constitution de partie civile et de l'ensemble de ses demandes ;
" alors, d'une part, que lorsque l'exception de vérité des faits diffamatoires est exclue, ne peuvent être retenus au titre de la bonne foi du prévenu des éléments de preuve qui avaient été exclusivement invoqués par le prévenu pour tenter de démontrer que les propos litigieux n'étaient pas mensongers ; qu'après avoir expressément constaté que les propos litigieux dont le prévenu ne contestait pas être l'auteur " laissent clairement entendre que la personne identifiable comme étant la partie civile se livre à des manoeuvres communément et moralement réprouvées pour obtenir son permis de construire, portent atteinte à son honneur et à sa considération et sont bien diffamatoires ", la chambre des appels correctionnels ne pouvait, sans violer les textes ci-dessus visés, pour admettre le prévenu au bénéfice de la bonne foi, relever l'existence et les termes d'un écrit adressé par la partie civile au prévenu et qui n'avait été invoqué par ce dernier qu'aux fins de tenter de démontrer qu'il n'avait pas menti et que les propos litigieux n'étaient pas mensongers ;
" alors, d'autre part, que le seul fait d'exprimer une opinion, quelle que soit la croyance en l'exactitude des faits rapportés ou la sincérité de sa conviction, ne peut justifier, au titre de la bonne foi, l'allégation ou l'imputation d'un fait portant atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne ; qu'en se bornant à retenir que le prévenu, maire de la commune de Gambais, n'avait fait qu'exprimer l'opinion qui était la sienne, pour en déduire qu'il devait être admis au bénéfice de la bonne foi, la chambre des appels correctionnels n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, de troisième part, que la charge de la preuve de la bonne foi du prévenu en matière de diffamation incombe à ce dernier ; qu'en se bornant à retenir que le prévenu « soutenait qu'il ne savait pas » que la personne à laquelle il tenait les propos diffamatoires était journaliste, sans nullement préciser d'où il ressortait que le prévenu rapportait la preuve de cette simple allégation, la chambre des appels correctionnels n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, de quatrième part, que la seule ignorance de la qualité de la personne à laquelle sont tenus des propos de nature diffamatoire ne peut nullement caractériser la bonne foi de leur auteur ; qu'en se fondant sur le fait que le prévenu, maire de la Commune de Gambais et auteur de propos diffamatoires à l'égard de la partie civile, avait soutenu qu'il ne savait pas que son interlocuteur était journaliste, pour en déduire que l'auteur de ces propos n'avait fait qu'exprimer l'opinion qui était la sienne et devait être admis au bénéfice de la bonne foi, la chambre des appels correctionnels n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, de cinquième part, qu'en retenant pour admettre le prévenu au bénéfice de la bonne foi qu'il n'était « pas tenu aux mêmes critères exigés par la jurisprudence des professionnels de l'information », sans rechercher ni apprécier, ainsi que cela ressortait du jugement entrepris si, en sa qualité de maire d'une commune et d'autorité administrative en charge de la délivrance du permis de construire dans le cadre des lois qui le réglementent, le prévenu n'était pas astreint à une obligation particulière de prudence et de modération excluant toute considération de pure polémique dans l'expression de son opinion, et nécessaire à l'admission de la bonne foi, la chambre des appels correctionnels n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Jean-Claude X... a fait citer directement devant le tribunal correctionnel, du chef de complicité de diffamation publique envers un particulier, Jean-Claude Y..., maire de Gambais, à la suite de la publication, par le journal " Le courrier de Mantes ", d'un article intitulé " Avec 200 caravanes sur un terrain privé-Manu le gitan et les gens du voyage s'installeront-ils à Gambais ? ", faisant état des déclarations du maire de ladite commune qui lui imputait de faire venir " ces gens du voyage pour exercer des pressions contre le maire qui refusait de lui délivrer un permis de construire " ; que le tribunal correctionnel a estimé l'infraction constituée ;
Attendu que, pour infirmer cette décision et relaxer le prévenu, l'arrêt énonce que celui-ci n'est pas l'auteur de l'article rédigé par Francine A... dont il ignorait la qualité de journaliste lors de l'entretien au cours duquel il avait fait cette déclaration ;
Attendu qu'en l'état de tels motifs dont il résulte que la partie poursuivante n'établit pas que l'auteur des propos savait qu'ils étaient destinés à être rendus publics, les griefs allégués ne sont pas encourus ;
Qu'en effet, si l'auteur d'un propos repris par un journaliste peut en répondre en qualité de complice dans les termes du droit commun, c'est à la condition que soient relevés contre la personne poursuivie sous cette qualification, des faits personnels, positifs et conscients de complicité ;
Que tel n'étant pas le cas en l'espèce, les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Jean-Claude X..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen, faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Ménotti conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-84105
Date de la décision : 06/03/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Responsabilité pénale - Complicité - Aide et assistance - Exclusion - Cas

COMPLICITE - Eléments constitutifs - Aide ou assistance - Définition - Presse - Exclusion - Cas PRESSE - Diffamation - Intention coupable - Preuve contraire - Bonne foi - Eléments insuffisants

La présomption de responsabilité résultant de l'article 42 de la loi du 29 juillet 1881 ne s'applique pas à l'auteur d'un propos repris par un journaliste. La personne qui s'estime diffamée par ces propos doit établir, dans les termes de la complicité de droit commun, que leur auteur a su qu'ils étaient destinés à être publiés ; tel n'est pas le cas lorsque les juges constatent que le prévenu ignorait qu'il s'adressait à un journaliste


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 26 avril 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 mar. 2007, pourvoi n°06-84105, Bull. crim. criminel 2007, n° 72, p. 370
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007, n° 72, p. 370

Composition du Tribunal
Président : M. Joly (conseiller doyen, faisant fonction de président)
Avocat général : M. Finielz
Rapporteur ?: Mme Ménotti
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.84105
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