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06/02/2007 | FRANCE | N°04-13108;04-16889

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 février 2007, 04-13108 et suivant


Joint les pourvois n° 04-13.108 et 04-16.889 qui sont connexes ;
Attendu que, sur le fondement d'un jugement de la High Court of Justice de Londres, revêtu de l'exequatur, portant condamnation à paiement de la République du Congo, la société Connecticut bank of commerce (ci-après Connecticut), aux droits de laquelle se trouve la société AF-CAP Inc, a fait pratiquer en France, le 24 octobre 2001, des saisies-attributions au préjudice de la Société nationale des pétroles du Congo (ci-après SNPC) entre les mains de la BNP Paribas et de la Société générale ;
Sur le second

moyen du pourvoi n° 04-13.108 en ses deux premières branches et sur la...

Joint les pourvois n° 04-13.108 et 04-16.889 qui sont connexes ;
Attendu que, sur le fondement d'un jugement de la High Court of Justice de Londres, revêtu de l'exequatur, portant condamnation à paiement de la République du Congo, la société Connecticut bank of commerce (ci-après Connecticut), aux droits de laquelle se trouve la société AF-CAP Inc, a fait pratiquer en France, le 24 octobre 2001, des saisies-attributions au préjudice de la Société nationale des pétroles du Congo (ci-après SNPC) entre les mains de la BNP Paribas et de la Société générale ;
Sur le second moyen du pourvoi n° 04-13.108 en ses deux premières branches et sur la troisième branche du moyen unique du pourvoi n° 04-16.889, qui sont comparables et préalables :
Attendu que la SNPC et la République du Congo font grief à l'arrêt confirmatif attaqué du 3 juillet 2003 d'avoir déclaré la SNPC émanation de la République du Congo, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en écartant la personnalité morale et l'autonomie patrimoniale de la SNPC et en permettant aux créanciers de l'Etat congolais de saisir ses avoirs sans faire application de la loi congolaise sous l'empire de laquelle la société s'était constituée et avait acquis la personnalité morale, la cour d'appel a violé l'article 1837 du code civil ;
2°/ qu'en statuant par des motifs n'expliquant pas en quoi la SNPC ne disposait pas d'un patrimoine distinct de celui de l'Etat congolais, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 2092 du code civil ; Mais attendu que, faisant expressément référence à la loi congolaise du 23 avril 1998 portant création de la SNPC, l'arrêt relève, par motifs propres, d'abord que cette société est un établissement public à caractère industriel et commercial prenant la forme d'une société dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière, dont le capital est entièrement détenu par l'Etat, et qu'elle a pour objet d'intervenir pour le compte de l'Etat, directement, dans toute opération relative à la production, au traitement, à la transformation, à la mise en valeur et au transport des hydrocarbures liquides ou gazeux, de commercialiser les produits, détenir et gérer pour le compte de l'Etat les actifs et droits lui appartenant et d'une manière générale d'assurer la mission de service public de valorisation, d'exploitation et de commercialisation des hydrocarbures congolais ; puis que, financée en grande partie par des subventions de l'Etat, la société est placée sous la tutelle du ministère chargé des hydrocarbures, qui assure un pouvoir permanent d'orientation et de contrôle sur l'entreprise ; ensuite, par motifs propres et adoptés, de première part, qu'il ne résulte pas clairement de la comptabilité de la société l'existence et l'importance d'une activité commerciale propre distincte de sa mission de service public et, de deuxième part, que, si la société dégage un résultat comptable net théorique, celui-ci est entièrement absorbé par la prise en charge de remboursements d'engagements de l'Etat auprès de certains opérateurs ; encore, par motifs adoptés, que la SNPC est un important bailleur de fonds de l'Etat, souvent à fonds perdus, et que, par cette flexibilité de trésorerie, la SNPC a permis à l'Etat congolais d'avoir des relations avec les banques internationales et de payer régulièrement les salaires des fonctionnaires ; enfin, par motifs adoptés, que l'argent encaissé par la SNPC est reversé dans les huit jours à l'Etat sur un compte du Trésor public désigné par l'Etat congolais à la société, la privant ainsi de toute autonomie réelle et du pouvoir de mener une politique de développement fondée sur son autofinancement ; que de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a pu déduire, sans encourir les griefs des moyens, que, dès lors que la société SNCP n'était pas statutairement dans une indépendance fonctionnelle suffisante pour bénéficier d'une autonomie de droit et de fait à l'égard de l'Etat et que son patrimoine se confondait avec celui de l'Etat, elle devait être considérée comme une émanation de la République du Congo ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 04-13.108, pris en ses deux branches, et sur le moyen unique du pourvoi n° 04-16.889, pris en ses deux premières branches, qui sont comparables :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt du 3 juillet 2003 d'avoir dit régulière la signification du titre exécutoire du 16 octobre 2001, alors, selon le moyen :
1°/ que toute exécution forcée implique que le créancier soit muni d'un titre exécutoire à l'égard de la personne même qui doit exécuter et que, dès lors, en déclarant valables les saisies pratiquées au préjudice de la société SNPC sur le fondement d'un titre exécutoire délivré contre l'Etat congolais, par le motif inopérant que la SNPC était une société fictive et une émanation de l'Etat congolais, la cour d'appel a violé les articles 2 et 42 de la loi du 9 juillet 1991, et 55 du décret du 31 juillet 1992 ;
2°/ qu'en déboutant la société SNPC de ses demandes en nullité et caducité des saisies, par le motif inopérant qu'il s'agissait d'une société fictive et d'une émanation de l'Etat congolais et qu'ainsi le créancier n'était tenu ni de lui signifier le titre exécutoire ni de lui dénoncer les saisies, la cour d'appel a violé les articles 503 du nouveau code de procédure civile et 55 et 58 du décret du 31 juillet 1992 ;
Mais attendu qu'ayant décidé que la SNPC était une émanation de la République du Congo, sans patrimoine propre, distinct de celui de l'Etat, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que la société Connecticut, dont l'Etat congolais était débiteur, était sa créancière et que le titre exécutoire, régulièrement signifié à l'Etat, lui était opposable sans nouvelle signification ; que le moyen doit être rejeté ;
Sur la troisième branche du second moyen du pourvoi n° 04-13.108 et sur la quatrième branche du moyen unique du pourvoi n° 04-16.889, qui sont comparables :
Attendu que la SNPC et la République du Congo font grief à l'arrêt du 3 juillet 2003 d'avoir déclaré la SNPC émanation de la République du Congo, alors, selon le moyen, qu'en déclarant valables les saisies pratiquées par un créancier de l'Etat congolais dont la créance ne se rattachait pas à l'activité de la société SNPC, la cour d'appel a violé l'article 2092 du code civil et privé sa décision de base légale au regard des principes de droit international régissant l'immunité d'exécution des Etats ;
Mais attendu que les saisies pratiquées par la société Connecticut ont été déclarées caduques par l'arrêt attaqué ; que le moyen manque en fait ;
Sur la quatrième branche du second moyen du pourvoi n° 04-13.108 :
Attendu que la SNPC fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée émanation de la République du Congo, alors, selon le moyen, qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations, selon lesquelles il n'était pas établi que la société SNPC avait une activité commerciale propre distincte de sa mission de service public, qui impliquaient l'insaisissabilité des biens affectés à une mission de service public exercée pour le compte de l'Etat étranger, la cour d'appel a violé les principes du droit international privé régissant les immunités des Etats et organismes publics étrangers ;
Mais attendu que, dans ses conclusions d'appel, la SNPC avait seulement, dans l'hypothèse où elle serait déclarée émanation de la République du Congo, invoqué la nullité de la signification de la sentence arbitrale à l'Etat congolais, les dispositions de l'article 688 du nouveau code de procédure civile n'ayant pas été, selon elle, respectées ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait, est irrecevable ;
Mais sur le moyen unique des pourvois incidents, pris en leurs deux branches, qui sont identiques :
Vu les principes régissant les immunités de juridiction et d'exécution, ensemble l'article 688 du nouveau code de procédure civile ; Attendu qu'un Etat peut renoncer au bénéfice des immunités de juridiction et d'exécution de même qu'aux dispositions protectrices résultant de ce dernier texte ;
Attendu que, pour dire irrégulière la dénonciation des saisies en date du 26 octobre 2001 et caduques les mesures prises par la société Connecticut, l'arrêt retient d'abord que les dispositions de l'article 688 susvisé sont d'ordre public, puis que ses prescriptions répondent au code de courtoisie présidant aux rapports diplomatiques et ne concernent pas le pouvoir de juger des juridictions, ensuite qu'il ne saurait être tiré des stipulations contractuelles une dérogation à ce texte et enfin que la notion d'immunité de notification est dépourvue de sens juridique ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la République du Congo avait, contractuellement et sans ambiguïté, levé toute immunité de notification, de juridiction et d'exécution dans le cas d'une saisie en exécution d'un jugement, la cour d'appel a violé les principes et le texte susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit irrégulière la dénonciation des saisies en date du 26 octobre 2001, dit les mesures pratiquées le 24 octobre 2001 par la société Connecticut bank of commerce, entre les mains de la BNP Paribas et de la Société générale, caduques et en a donné mainlevée, l'arrêt rendu le 3 juillet 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette toutes les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 04-13108;04-16889
Date de la décision : 06/02/2007
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETAT - Etat étranger - Immunité d'exécution - Bénéfice - Renonciation - Possibilité (non)

ETAT - Etat étranger - Immunité de juridiction - Bénéfice - Renonciation - Possibilité PROCEDURE CIVILE - Notification - Signification - Parquet - Etat étranger - Modalités - Dispositions réglementaires protectrices - Renonciation - Possibilité

Un Etat peut renoncer au bénéfice des immunités de juridiction et d'exécution de même qu'aux dispositions protectrices résultant de l'article 688 du nouveau code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 juillet 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 fév. 2007, pourvoi n°04-13108;04-16889, Bull. civ. 2007 I N° 52 p. 46
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2007 I N° 52 p. 46

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel
Avocat général : M. Cavarroc
Rapporteur ?: Mme Pascal
Avocat(s) : SCP Bachellier et Potier de La Varde, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Monod et Colin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:04.13108
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