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20/12/2006 | FRANCE | N°05-87639

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 décembre 2006, 05-87639


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt décembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Guy,

- LA SOCIETE X... LAITERIE DU PONT,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 14 novembre 2005...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt décembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Guy,

- LA SOCIETE X... LAITERIE DU PONT,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 14 novembre 2005, qui, pour acte frauduleux ayant pour but ou pour effet d'obtenir un avantage quelconque alloué par le FEOGA, les a condamnés solidairement à une amende douanière de 20 000 euros ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que la société X..., dirigée par Guy X..., a reçu des aides communautaires prévues par le règlement 429/90/CE de la Commission, du 20 février 1990, relatif à l'octroi par adjudication d'une aide au beurre concentré destiné à la consommation directe dans la Communauté et versées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) ; que, lors d'un contrôle effectué au sein de la société, l'administration des douanes a constaté que le beurre concentré pour lequel ces aides avaient été versées avait été obtenu à partir de produits achetés à la société Fayrefield Food ; qu'une enquête effectuée par les autorités britanniques, à la demande des autorités françaises, a révélé que lesdits produits avaient une teneur moyenne en eau de 17,2% ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de la convention pour l'assistance mutuelle entre les administrations douanières respectives du 7 septembre 1967, du règlement CE n° 515/97 du Conseil du 13 mars 1997 relatif à l'assistance mutuelle entre les autorités administratives des Etats membres et à la collaboration entre celles-ci et la commission en vue d'assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole, des articles 65 A, 65 A bis, 342, 343, 414 du code des douanes, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Guy X... coupable en qualité de président-directeur général de la SA X... d'avoir bénéficié indûment d'une aide allouée par le FEOGA pour des produits mis en oeuvre le 1er septembre 1997, et l'a condamné solidairement avec la société SA X... au paiement d'une amende douanière de 20 000 euros ;

"aux motifs que, s'agissant de la base légale pour laquelle l'administration nationale a obtenu le concours des autorités britanniques, il convient de rappeler que l'infraction reprochée à Guy X..., représentant légal de la SA X..., est un délit douanier ; que le règlement invoqué par le prévenu n'a eu ni pour objet ni pour effet d'abroger la Convention internationale de Naples, mais d'améliorer la coopération entre Etats membres, par des dispositions intégrées à l'ordonnancement juridique communautaire ; qu'en conséquence, le visa de la Convention de Naples de 1967, qui a notamment trait à la recherche et à la répression des infractions aux lois douanières, au lieu de la réglementation européenne plus récente de 1997 relative à l'assistance mutuelle des autorités administratives des Etats membres en vue d'assurer la bonne application de la réglementation douanière et agricole, est sans incidence sur la recevabilité des preuves devant la juridiction pénale française ; que, par ailleurs, il n'existe aucune contestation sur la pertinence et la fiabilité des informations transmises par les autorités britanniques ;

"alors que la Convention, passée à Naples le 7 septembre 1967, a pour objet d'organiser entre les administrations douanières de ces différents Etats une assistance mutuelle en vue de garantir l'application uniforme des régimes tarifaires prévus par les Traités instituant les Communautés européennes, d'assurer l'exacte perception des droits de douanes, de prévenir, rechercher et réprimer les infractions aux lois douanières ; que, selon l'article 2 de cette Convention, on entend par lois douanières les dispositions légales et réglementaires relatives à l'importation, l'exportation et au transit ; qu'elles concernent soit les droits de douane ou toutes autres taxes, soit les mesures de prohibition, de restriction ou de contrôle ; que cette convention ne vise donc pas la réglementation agricole et plus particulièrement les avantages alloués en régime intérieur par le Fonds européen et d'orientation et de garantie agricole, section garantie ; qu'il est constant que, dans le cadre de son contrôle de l'aide au beurre concentré destiné à la consommation directe, règlement CEE n° 429/90 du 20 février 1990, l'administration des douanes a sollicité l'aide des autorités douanières britanniques pour obtenir la composition du lot contrôlé dans l'usine de la société X..., dans le cadre de la Convention d'assistance mutuelle administrative du 7 septembre 1967, inapplicable en l'espèce ; qu'en déclarant néanmoins les analyses ainsi obtenues recevables la cour d'appel a violé ladite convention, ainsi que l'ensemble des textes susvisés" ;

Attendu que les demandeurs, qui ne contestent pas que la demande d'assistance administrative adressée aux autorités britanniques entrait dans les prévisions du règlement 515/97/CE du Conseil, du 13 mars 1997, relatif à l'assistance mutuelle entre les autorités administratives des Etats membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d'assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole, ne démontrent ni même n'invoquent aucun grief résultant du fait que cette demande visait seulement la Convention d'assistance administrative mutuelle, du 7 septembre 1967 ;

Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation du règlement CEE n° 429/90 de la commission du 20 février 1990 relatif à l'octroi par adjudication d'une aide au beurre concentré destiné à la consommation directe dans la communauté, des articles 65 A, 65 A bis, 342, 343, 414 du code des douanes, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Guy X... coupable en qualité de président-directeur général de la SA X... d'avoir bénéficié indûment d'une aide allouée par le FEOGA pour des produits mis en oeuvre le 1er septembre 1997, et l'a condamné solidairement avec la société SA X... au paiement d'une amende douanière de 20.000 euros ;

"aux motifs que, s'il est constant que la matière première utilisée a acquis les caractéristiques du beurre pendant le processus de fabrication, l'octroi de l'aide est conditionné par les caractéristiques de la matière première prise en charge par l'opérateur économique et l'objectif du process industriel n'est pas la fabrication du beurre mais celle de beurre concentré ; qu'en sa qualité de professionnel averti, Guy X..., président-directeur général de la SA X..., ne peut prétendre ignorer les conditions d'octroi de l'aide qu'il sollicite, l'objectif de la réglementation communautaire étant d'accroître les possibilités d'écoulement d'un beurre répondant aux normes édictées, et de crème, produits au sein des Etats membres européens, et ce notamment par la consommation intracommunautaire de beurre concentré à partir des produits précités du lait de vache ; que l'aide du FEOGA n'étant pas due à hauteur d'une somme établie de 36 076 euros l'irrégularité (relative à la teneur initiale en eau du produit ayant permis son octroi) porte nécessairement préjudice au budget communautaire, la SA X... restituerait-elle les sommes indûment versées par l'Onilait ; qu'à titre subsidiaire, Guy X... soutient qu'il n'avait aucune intention frauduleuse, le prévenu rappelant, sans être contesté sur ce point, que, dans sa lettre du 8 avril 2003, l'administration des douanes avait fait une proposition transactionnelle à la société X... (à hauteur de 1 800 euros) au motif que "l'infraction semble plus relever d'un manque de rigueur que d'une véritable intention de fraude" ; que, toutefois, Guy X... avait reconnu, lors de son audition du 4 octobre 2001, l'inefficacité du contrôle interne pratiqué par sa société, dans la mesure où un seul échantillon était prélevé par camion provenant d'un même fournisseur, alors même que les échantillons analysés par le laboratoire britannique témoignait de l'extrême variabilité du taux d'humidité, selon les lots du même fournisseur ; qu'autrement dit, pour soutenir sa bonne foi et son absence d'intention de fraude, Guy X... ne peut se prévaloir de la déficience manifeste du " contrôle qualité " initial qu'il incombe à la société qu'il anime de réaliser efficacement, société particulièrement qualifiée sur le plan industriel, mais aussi juridique dans sa recherche de l'octroi des aides communautaires ; que la déclaration de culpabilité prononcée par le tribunal d'Argentan sera confirmée ; que tout au plus peut-on retenir, par la motivation transactionnelle exprimée par les services fiscaux compétents, l'existence de circonstances atténuantes justifiant le prononcé d'une amende réduite au maximum légal, c'est-à-dire au tiers de la valeur de l'objet de fraude, soit, en l'espèce, une somme de 20 000 euros ;

"1 ) alors que l'article 1er du règlement CEE 429/90 du 20 février 1990 prévoit qu'une aide est accordée au beurre concentré produit dans un établissement agréé conformément à l'article 9, à partir soit de crème soit de beurre fabriqué dans la communauté et répondant aux spécifications de l'annexe, à condition, en ce qui concerne le beurre, qu'il n'ait pas fait l'objet d'achats par les organismes d'intervention ; que les spécifications de l'annexe sont afférentes au produit final obtenu : le beurre concentré et non au produit initial ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la matière première utilisée par la société X... a acquis au cours du processus de fabrication les caractéristiques du beurre, notamment en ce qui concerne son taux d'humidité ; qu'il en ressort nécessairement que la société X... a, conformément au règlement communautaire fabriqué du beurre concentré à partir du beurre ; que toutes les autres conditions étant au demeurant remplies, la cour d'appel qui a néanmoins jugé que la société avait indûment bénéficié de l'aide communautaire au beurre concentré, a violé le règlement 129/90 du 20 février 1990 en ajoutant une condition qu'il ne prévoyait pas ;

"2 ) alors que l'article 65 A bis réprime pénalement les actes frauduleux ayant pour but ou pour effet d'obtenir en tout ou partie un avantage quelconque alloué par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section garantie, lorsqu'il s'agit de marchandises faisant l'objet d'opérations à l'intérieur du territoire douanier de la Communauté européenne ; qu'en déclarant Guy X... coupable de ce délit aux seuls motifs qu'il n'avait pas assuré un contrôle efficace des lots qui lui étaient livrés dans leur teneur en eau, ce qui ne pouvait constituer qu'une simple négligence, la cour d'appel n'a pas caractérisé un acte frauduleux imputable à Guy X... et privé sa décision de base légale" ;

Attendu que, pour déclarer Guy X... coupable d'acte frauduleux ayant pour but ou pour effet d'obtenir un avantage quelconque alloué par le FEOGA et le condamner à l'amende prévue par l'article 414 du code des douanes, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que le beurre concentré, pour lequel la société qu'il dirigeait a reçu des aides communautaires, a été obtenu à partir de produits livrés par une autre société et qui ne pouvaient pas être qualifiés de beurre, au sens du règlement 429/90/CE, en raison de leur teneur en eau excessive ;

Que les juges ajoutent que Guy X..., qui, en sa qualité de professionnel averti, ne peut prétendre ignorer les conditions d'octroi de l'aide qu'il sollicite, a reconnu, lors de son audition du 4 octobre 2001, l'inefficacité du contrôle interne pratiqué par sa société sur les produits qui lui étaient livrés, alors qu'il incombait à cette dernière, particulièrement qualifiée sur les plans industriel mais aussi juridique dans sa recherche de l'octroi des aides communautaires, de procéder à un tel contrôle ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut, Mmes Nocquet, Ract-Madoux conseillers de la chambre, M. Lemoine, Mmes Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Finielz ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-87639
Date de la décision : 20/12/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Douanes - Avantages alloués en régime intérieur par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole - Fraude en matière de subventions du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole - Infraction - Recherche - Demande d'assistance administrative - Demande visant une Convention inapplicable - Nullité - Conditions - Détermination.

1° DOUANES - Infraction douanière - Fraude en matière de subventions du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole - Infraction - Recherche - Demande d'assistance administrative - Demande visant une Convention inapplicable - Nullité - Conditions - Détermination 1° DOUANES - Infraction douanière - Fraude en matière de subventions du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole - Acte frauduleux - Notion.

1° Aucune nullité ne saurait résulter de ce qu'une demande d'assistance administrative adressée par l'administration des douanes aux autorités britanniques dans le cadre d'une enquête portant sur l'obtention frauduleuse de subventions allouées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole vise seulement la Convention d'assistance administrative mutuelle, du 7 septembre 1967, inapplicable en l'espèce, dès lors que le prévenu ne démontre pas que la référence à cette Convention lui ait causé un grief, la mesure d'assistance entrant, en tout état de cause, dans les prévisions du Règlement 515/97/CE du Conseil, du 13 mars 1997.

2° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Douanes - Avantages alloués en régime intérieur par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole - Fraude en matière de subventions du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole - Acte frauduleux - Notion.

2° Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour déclarer un prévenu coupable de l'infraction prévue à l'article 65 A bis, paragraphe 7, du code des douanes, relève que le beurre concentré pour lequel la société qu'il dirigeait a reçu des aides communautaires a été obtenu à partir de produits livrés par une autre société et qui ne pouvaient pas être qualifiés de beurre, au sens de la réglementation communautaire et que le prévenu, qui, en sa qualité de professionnel averti, n'ignorait pas les conditions d'octroi de l'aide sollicitée par lui, a reconnu l'inefficacité du contrôle interne pratiqué par sa société sur les produits qui lui étaient livrés, alors qu'il incombait à cette dernière, particulièrement qualifiée sur les plans industriel mais aussi juridique dans sa recherche de l'octroi des aides communautaires, de procéder à un tel contrôle.


Références :

Code des douanes 65 A, 65 A bis
Règlement (CE) 515/97 Conseil du 13 mars 1997
Règlement (CEE) 429/90 Commission du 20 février 1990

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 14 novembre 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 déc. 2006, pourvoi n°05-87639, Bull. crim. criminel 2006 N° 325 p. 1200
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 325 p. 1200

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Finielz.
Rapporteur ?: M. Soulard.
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Boré et Salve de Bruneton.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.87639
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