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20/12/2006 | FRANCE | N°05-45365

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 décembre 2006, 05-45365


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... a été engagé par la société Sodexho en qualité de responsable de restauration par contrat de travail du 22 août 1999 contenant une "clause de concurrence" stipulant : "vous vous engagez expressément à ne pas entreprendre une action visant à se substituer directement ou indirectement à Sodexho dans l'une quelconque des exploitations où vous avez été employé ainsi que dans l'une des exploitations gérées par le groupe à la date de votre départ de la soci

été. Cette interdiction est limitée à deux années à dater de votre départ de la...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... a été engagé par la société Sodexho en qualité de responsable de restauration par contrat de travail du 22 août 1999 contenant une "clause de concurrence" stipulant : "vous vous engagez expressément à ne pas entreprendre une action visant à se substituer directement ou indirectement à Sodexho dans l'une quelconque des exploitations où vous avez été employé ainsi que dans l'une des exploitations gérées par le groupe à la date de votre départ de la société. Cette interdiction est limitée à deux années à dater de votre départ de la société, et concernera les exploitations de la zone géographique ainsi définie à partir du dernier lieu de travail une zone de 130 kilomètres autour de votre dernier lieu d'affectation. Toute infraction à cette clause vous exposerait au paiement d'une indemnité journalière de 300 francs après mise en demeure" ; que le salarié a été licencié le 12 août 2002 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Chambéry, 27 septembre 2005) de l'avoir condamné à payer au salarié une somme à titre de "contrepartie pécuniaire de la clause de concurrence", alors, selon le moyen :

1 ) que la clause "de concurrence" par laquelle il est interdit à un salarié, après la rupture de son contrat de travail, de se substituer à son employeur dans les marchés qu'il a eu à traiter en son nom, ainsi que dans les marchés exploités par l'employeur au moment de la rupture du contrat de travail, n'est qu'un prolongement de l'obligation pesant sur le salarié de ne pas faire venir à lui la clientèle de son ancien employeur en usant de manoeuvres déloyales, sans en revanche lui interdire de travailler dans un domaine d'activité déterminé ; qu'une telle clause n'est donc pas constitutive d'une atteinte telle à la liberté du travail qu'elle justifie le versement d'une contrepartie financière ; qu'en l'espèce, le contrat de travail de M. X... contenait en son article VIII une "clause de concurrence" par laquelle le salarié s'engageait "expressément à ne pas entreprendre une action visant à se substituer directement ou indirectement à Sodexho dans l'une quelconque des exploitations où vous avez été employé ainsi que dans l'une quelconque des exploitations gérées par le groupe à la date de votre départ de la société. Cette interdiction est limitée à deux années à dater du jour de votre départ de la société et concernera les exploitations de la zone géographique ainsi définie à partir de votre dernier lieu de travail une zone de 130 kilomètres autour de votre dernier lieu d'affectation. Toute infraction à cette clause vous exposerait au paiement d'une indemnité journalière de 300 francs après mise en demeure" ; qu'en décidant qu'une telle clause -qui laissait pourtant au salarié toute liberté de rentrer au service d'une entreprise concurrente ou de lui-même en créer une, en lui interdisant seulement de se substituer à la société Sodexho dans les marchés de restauration collective qu'elle détenait- devait être assortie d'une contrepartie pécuniaire, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L. 120-2 du code du travail et le principe de la liberté du travail par fausse application ;

2 ) qu'un salarié ne subit aucun préjudice du seul fait de l'existence dans son contrat de travail d'une clause dite "de concurrence" jugée illicite ; qu'en condamnant en l'espèce l'employeur à payer au salarié 30 000 euros de dommages-intérêts du fait de l'existence dans son contrat de travail d'une clause de concurrence" qu'elle jugeait nulle, sans constater que le salarié avait respecté cette clause ni caractériser l'existence d'un quelconque préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que la clause litigieuse, qui constituait une atteinte certaine et importante à la liberté de travail du salarié, avait limité ses possibilités de retrouver un emploi "sur place" ; qu'elle a souverainement fixé le montant de l'indemnisation qu'elle a alloué au salarié de ce chef ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement d'une somme au titre de la prime d'objectif 2001-2002, alors, selon le moyen, que les parties au contrat de travail sont libres de définir les conditions d'octroi d'une prime d'objectifs et notamment de prévoir que son versement sera laissé à l'appréciation de l'employeur en cas de licenciement pour motif réel et sérieux au sens de la législation du travail ; qu'en décidant le contraire, pour condamner la société Sodexho à verser à M. X... la somme de 3 017 euros à titre de prime d'objectifs pour l'exercice 2001-2002, lorsque ce dernier s'était vu notifier, au cours de cet exercice, son licenciement, dont l'arrêt attaqué a constaté le caractère réel et sérieux, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la suppression d'une prime en raison du licenciement constitue une sanction pécuniaire illicite ;

Et attendu que la cour d'appel a exactement décidé que la stipulation du document intitulé "politique d'attribution des primes d'objectifs" selon laquelle, en cas de départ en cours d'année, "la prime n'était pas due en cas de faute grave ou lourde et laissée à l'appréciation de la hiérarchie en cas de licenciement pour motif réel et sérieux", s'analysait en une sanction pécuniaire prohibée et a justement alloué au salarié licencié le 12 août 2002, la prime d'objectifs qui lui était due en exécution du contrat de travail et qui était relative à l'exercice allant du 1er septembre 2001 au 31 août 2002 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société française de service (Sodexho) aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 05-45365
Date de la décision : 20/12/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir disciplinaire - Sanction - Sanction pécuniaire - Définition.

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir disciplinaire - Sanction - Sanction prohibée - Applications diverses

Constitue une sanction pécuniaire illicite, la suppression d'une prime en raison du licenciement. N'est pas dès lors fondé le moyen qui fait grief à la cour d'appel d'avoir décidé que la stipulation d'un document intitulé " politique d'attribution des primes d'objectifs " selon laquelle, en cas de départ en cours d'année, " la prime n'était pas due en cas de faute grave ou lourde et laissée à l'appréciation de la hiérarchie en cas de licenciement pour motif réel et sérieux ", s'analysait en une sanction pécuniaire prohibée et d'avoir en conséquence alloué au salarié licencié le 12 août 2002, la prime d'objectifs qui lui était due en exécution du contrat de travail et qui était relative à l'exercice allant du 1er septembre 2001 au 31 août 2002.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 27 septembre 2005

Sur la définition d'une sanction pécuniaire illicite, dans le même sens que : Chambre sociale, 1997-04-02, Bulletin 1997, V, n° 136 (3), p. 99 (rejet) ; Chambre sociale, 1998-06-04, Bulletin 1998, V, n° 296, p. 223 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 déc. 2006, pourvoi n°05-45365, Bull. civ. 2006 V N° 392 p. 378
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 V N° 392 p. 378

Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : M. Foerst.
Rapporteur ?: M. Barthélemy.
Avocat(s) : SCP Gatineau, Me Blondel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.45365
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