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13/12/2006 | FRANCE | N°05-44580

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 décembre 2006, 05-44580


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... a travaillé pour la société Valentin traiteur dans le cadre de différents contrats de mission conclus avec la société Vedior Bis ; qu'il a été engagé par la société Valentin traiteur le 30 mai 2001 par contrat de travail à durée indéterminée avec effet au 5 juin 2001, en qualité de manutentionnaire ; qu'il a été victime le 2 mars 2002, d'un accident du travail ; qu'il a repris son travail le 3 avril 2002 sans passer de visite médicale de reprise avant

de donner sa démission par lettre non datée ; qu'il a saisi la juridiction pru...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... a travaillé pour la société Valentin traiteur dans le cadre de différents contrats de mission conclus avec la société Vedior Bis ; qu'il a été engagé par la société Valentin traiteur le 30 mai 2001 par contrat de travail à durée indéterminée avec effet au 5 juin 2001, en qualité de manutentionnaire ; qu'il a été victime le 2 mars 2002, d'un accident du travail ; qu'il a repris son travail le 3 avril 2002 sans passer de visite médicale de reprise avant de donner sa démission par lettre non datée ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 1er juillet 2005) d'avoir requalifié les contrats de mission temporaire de M. X... en contrat à durée indéterminée depuis le 14 décembre 2000, alors, selon le moyen :

1 / que la succession de contrats de travail intérimaire n'a pas pour effet de pourvoir durablement un emploi lorsque le salarié intérimaire se voit alternativement confier des missions différentes pour pourvoir des postes distincts en raison de motifs différents ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X... avait été embauché par vingt-sept contrats de mission successifs pour des motifs de remplacement ou d'accroissement de travail et pour effectuer alternativement le nettoyage des chariots rolls et ustensiles et le remplissage des fiches qualités (travail manuel) ; qu'en considérant que ces contrats, pourtant conclus alternativement pour effectuer des missions différentes et pour des motifs distincts, avaient pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 124-2 et L. 124-7 du code du travail ;

2 / que les jugements doivent être motivés, la contradiction de motifs équivalent à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, pour faire droit à la demande de requalification des contrats de travail temporaire de M. X..., la cour d'appel a énoncé qu'il avait été embauché et maintenu pendant plus de six mois dans " les mêmes tâches " au sein de l'entreprise utilisatrice ; qu'en se déterminant ainsi, tout en constatant auparavant qu'aux termes de ses contrats de mission, il avait été engagé alternativement pour effectuer le nettoyage des chariots rolls et ustensiles et pour remplir des fiches qualité, ce qui constituait des tâches distinctes, la cour d'appel, qui a statué par des motifs contraires, a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

3 / qu'un salarié peut être engagé par contrats de travail temporaire successifs pour effectuer des tâches liées à l'activité normale et permanente de l'entreprise dès lors que l'employeur justifie que ces tâches ne sont pas exercées durablement mais seulement pour faire face à un accroissement temporaire de son activité habituelle ou pour remplacer un salarié absent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déduit de ce que M. X... avait exécuté pendant plus de six mois des tâches liées à l'activité de manutention normale et permanente de l'entreprise la conclusion que ses vingt-sept contrats de travail temporaire successifs devaient être requalifiés ; qu'en se déterminant par un tel motif inopérant, sans rechercher si l'accroissement temporaire d'activité et le remplacement de salarié absent invoqués par l'employeur lors de la conclusion de chacun de ces contrats de travail temporaire étaient ou non justifiés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 124-2 et L. 124-7 du code du travail ;

Mais attendu qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 124-2 du code du travail, le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; que selon le second alinéa de ce texte, un utilisateur ne peut faire appel à des salariés intérimaires que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "mission", et seulement dans les cas énumérés à l'article L. 124-2-1, et notamment en cas d'accroissement temporaire d'activité ; qu'il en résulte que, dans ce dernier cas, le recours à des salariés intérimaires ne peut être autorisé que pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire ni que cet accroissement présente un caractère exceptionnel, ni que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces tâches ;

Et attendu que la cour d'appel, a constaté que le salarié, engagé par l'entreprise utilisatrice sans discontinuer, par vingt-sept contrats de mission temporaire, du 14 décembre 2000 au 8 juin 2001, pour des durées et des périodes de renouvellement identiques, alternativement pour effectuer le nettoyage de matériel, et pour remplir des fiches qualité, ce même travail de manutentionnaire s'effectuant toujours de nuit, de sorte qu'il avait accompli dans le cadre des ces missions, les mêmes tâches, liées à une activité de manutention normale et permanente de cette entreprise ; que c'est dès lors à bon droit qu'elle a requalifié les contrats de travail temporaire en contrat à durée indéterminée ;

D'où il suit que le moyen, qui n'est fondé en aucune de ses branches, ne peut être accueilli ;

Et sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à verser au salarié des dommages-intérêts pour non-respect de l'article R. 241-51 du code du travail, alors, selon le moyen :

1 / que le manquement de l'employeur à son obligation de faire passer une visite de reprise ne cause au salarié un préjudice indemnisable que s'il est constaté que cette carence l'a empêché de reprendre son travail antérieur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X... avait été victime d'un accident du travail le 2 mars 2002, que " le 3 avril 2002, le médecin du travail l'a déclaré consolidé sans séquelles indemnisables et le même jour, M. X... a repris son travail sans passer de visite de reprise " ; qu'en affirmant néanmoins que le manquement de l'employeur à son obligation de faire passer une visite de reprise avait " nécessairement " causé au salarié un préjudice indemnisable, la cour d'appel a violé l'article R. 241-51 du code du travail et l'article 1147 du code civil ;

2 / que la visite de reprise, dont l'initiative appartient normalement à l'employeur, peut aussi être sollicitée par le salarié, soit auprès de son employeur, soit auprès du médecin du travail en avertissant l'employeur de cette demande ; que le salarié, qui ne sollicite pas la visite de reprise, ne peut prétendre avoir subi un préjudice du seul fait de l'absence de cette visite ; qu'en affirmant en l'espèce que le manquement de l'employeur à faire procéder à la visite de reprise avait nécessairement causé un préjudice au salarié sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur l'absence d'initiative du salarié à provoquer cette visite de reprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 241-51 du code du travail ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 230-2 du code du travail, interprété à la lumière de la directive CEE n° 89/391 du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ainsi que de l'article R. 241-51 du code du travail, que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; qu'il ne peut dès lors laisser un salarié reprendre son travail après une période d'absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d'un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures ; que le non-respect par l'employeur de ses obligations relatives à la visite médicale de reprise cause nécessairement au salarié un préjudice ;

Et attendu que la cour d appel, qui a fait ressortir que le salarié avait repris son travail et continué à travailler au-delà des huit jours de la reprise sans passer la visite médicale prévue par les alinéas 1 à 3 de l'article R. 241-51 du code du travail, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Valentin traiteur aux dépens ;

Vu les articles 700 du nouveau code de procédure civile, 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Valentin traiteur à payer à la SCP Laugier et Caston la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 05-44580
Date de la décision : 13/12/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Accident du travail ou maladie professionnelle - Suspension du contrat - Terme - Visite de reprise - Portée.

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de résultat - Manquement - Préjudice - Indemnisation - Condition

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de résultat - Manquement - Caractérisation - Cas

TRAVAIL REGLEMENTATION - Services de santé au travail - Examens médicaux - Visite de reprise - Effets - Terme de la suspension du contrat de travail

Il résulte de l'article L. 230-2 du code du travail, interprété à la lumière de la Directive CEE no 89/391 du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ainsi que de l'article R. 241-51 du code du travail, que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; qu'il ne peut dès lors laisser un salarié reprendre son travail après une période d'absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d'un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation ou éventuellement de l'une ou de l'autre de ces mesures et que le non-respect par l'employeur de ses obligations relatives à la visite médicale de reprise cause nécessairement au salarié un préjudice. C'est à bon droit qu'une cour d'appel, qui a fait ressortir que le salarié avait repris son travail et continué à travailler au-delà des huit jours de la reprise sans passer la visite médicale prévue par les alinéas 1 à 3 de l'article R. 241-51 du code du travail, a condamné l'employeur à verser au salarié des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi de ce fait.


Références :

Code civil 1147
Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989
Code du travail L230-2, R241-51

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 01 juillet 2005

Sur la portée de la visite de reprise sur la période de suspension, dans le même sens que : Chambre sociale, 2006-02-28, Bulletin 2006, V, n° 87, p. 78 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 déc. 2006, pourvoi n°05-44580, Bull. civ. 2006 V N° 373 p. 359
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 V N° 373 p. 359

Composition du Tribunal
Président : M. Sargos.
Avocat général : M. Mathon.
Rapporteur ?: Mme Bouvier.
Avocat(s) : SCP Gatineau, SCP Laugier et Caston.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.44580
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