AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que sur requête conjointe en divorce présentée par les époux X.../Y..., Mme Goujon, juge aux affaires familiales a, par ordonnance du 11 juin 1996, homologué la convention temporaire et fait des observations sur le projet de convention définitive, invitant notamment les parties à préciser si la prestation compensatoire sous forme de rente mensuelle resterait ou non due après les 65 ans de l'épouse ; que le divorce a été prononcé le 10 décembre 1996 par un autre juge aux affaires familiales et qu'il a été mentionné dans la convention définitive homologuée qu'aucune prestation ne serait due lorsque Mme Y... aurait atteint l'âge de 65 ans ; que la convention prévoyait en outre que M. X... verserait à Mme Y... une pension alimentaire mensuelle de 5 000 francs pour contribuer à l'éducation et à l'entretien des deux enfants communs nés en 1983 et 1984 ; que le 23 avril 2001, M. X... a sollicité la suppression de la prestation compensatoire mise à sa charge et la suspension de sa contribution à l'éducation et à l'entretien des enfants avec effet à compter de l'assignation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à la cour d'appel, comprenant dans sa composition, Mme Goujon, conseiller, d'avoir rejeté ses demandes alors, selon le moyen, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial et que l'exigence d'impartialité doit s'apprécier objectivement ; que la cour d'appel, qui a rejeté la demande d'un ex-époux tendant à la suppression de la prestation compensatoire en se déterminant dans une composition où siégeait Mme Françoise Goujon, qui avait tenu l'audience initiale de la procédure de divorce par consentement mutuel des époux et qui, à cette occasion, avait porté une appréciation et formulé des observations sur le projet de convention définitive prévoyant la prestation litigieuse, a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que les débats ayant eu lieu devant une formation collégiale dont la composition pouvait être connue de M. X... représenté par son avoué, celui-ci n'est pas recevable à invoquer devant la Cour de cassation la violation de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il n'a pas fait usage de la possibilité d'en obtenir le respect en récusant Mme Goujon par application de l'article 341-5 du nouveau code de procédure civile et qu'en s'abstenant de le faire avant la clôture des débats, il a ainsi renoncé sans équivoque à s'en prévaloir ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande tendant à la suspension de la pension alimentaire pour ses deux enfants majeurs alors selon le moyen, que celui qui réclame des aliments doit prouver qu'il est dans le besoin ; qu'en considérant qu'il pouvait être présumé que la fille majeure de M. X... était à la charge de sa mère, tout en relevant qu'aucune pièce n'était produite, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu qu'il appartient à celui qui demande la suppression d'une contribution à l'entretien d'un enfant de rapporter la preuve des circonstances permettant de l'en décharger ; qu'après avoir ordonné une mesure d'instruction aux fins notamment d'effectuer le récapitulatif des ressources et des charges des parents et de fournir tous renseignements utiles pour apprécier les besoins des enfants, et avoir relevé que M. X... ne justifiait pas être dans l'incapacité financière de poursuivre le paiement de la pension, les juges du fond ont souverainement estimé, sans inverser la charge de la preuve, qu'il y avait lieu de maintenir la contribution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 276-4, alinéa 3, du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 ;
Attendu que, selon ce texte, le créancier de la prestation compensatoire peut saisir le juge aux fins de statuer sur la substitution à la rente d'un capital déterminé selon les modalités prévues aux articles 275 et 275-1 du même code, s'il établit qu'une modification de la situation du débiteur le permet ;
Attendu que pour substituer à la rente initialement prévue un capital de 100 000 euros, l'arrêt énonce, par motifs propres, que le patrimoine de M. X... autorisait un tel versement et, par motifs adoptés que Mme Y... démontrait les nombreuses difficultés qu'elle rencontrait pour obtenir le paiement de la rente alors que les revenus de M. X... restaient confortables et que des organismes de crédit avaient accepté de lui prêter des sommes importantes ;
Qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que la modification de la situation du débiteur permettait la substitution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a substitué à la rente telle que fixée par la convention définitive annexée au jugement de divorce en date du 10 décembre 1996 un capital de 100 000 euros, l'arrêt rendu le 28 septembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille six.