AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 3 mai 2005), que Mme de X..., aux droits de laquelle se trouvent M. de X..., Mme Y... et Mme Z... (les consorts de X...), a consenti à Mme A... et Mme B..., qui s'obligeaient solidairement à son égard, deux baux ruraux ; que les copreneuses ont avisé les bailleurs de la mise à disposition de la société civile d'exploitation agricole Lauconnois (la SCEA), dont elles étaient coassociées et cogérantes, des parcelles prises à bail ; que le 30 juin 1999, Mme B... a cédé la nue-propriété de toutes ses parts dans la SCEA à M. A..., son neveu, et à l'épouse de celui-ci (les époux A...) ; que les deux preneuses ont demandé en justice l'autorisation pour Mme A... de céder ses droits à son fils ; que les consorts de X... ont reconventionnellement sollicité le prononcé de la résiliation judiciaire des deux baux pour cession prohibée ;
Attendu que Mmes A... et B... font grief à l'arrêt de prononcer la résiliation des baux, alors, selon le moyen :
1 / que si le preneur qui entend mettre les biens dont il est locataire à la disposition d'une société d'exploitation, doit avoir la qualité d'associé dans cette société et continuer à se consacrer à l'exploitation des biens loués mis à sa disposition, toutefois en cas de copreneurs, en raison de la solidarité existant entre eux, la circonstance que l'un d'entre eux ait perdu la qualité d'associé de cette société est sans incidence sur la régularité de l'opération dès lors que la qualité d'associé de ladite société est nécessairement satisfaite par l'autre copreneur ; que dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation de l'article L. 411-37 du code rural ;
2 / qu'en toute hypothèse, dès lors que le bailleur a été régulièrement avisé par les copreneurs de la constitution de la société et de l'opération de mise à disposition des biens loués au profit de cette société, la circonstance que l'un d'entre eux, bien que titulaire du bail ait perdu en cours de bail, la qualité d'associé de la société, ne peut causer aucun préjudice au bailleur puisque chacun des copreneurs reste tenu à son égard des obligations nées du bail, peu important la création de la société, de sorte que l'irrégularité alléguée ne saurait être de nature à induire le bailleur en erreur ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de ce même texte (article L. 411-37 du code rural ) ;
3 / qu'en toute hypothèse, l'usufruitier peut exercer certaines prérogatives attachées à la qualité des associés sans pour autant avoir cette qualité ; qu'en l'espèce, Mme B... avait fait valoir -ce que les premiers juges avaient retenu- qu'à la suite de la cession de la nue-propriété de ses parts sociales, elle avait conservé la gérance de la société et avait pris l'engagement, notifié aux bailleurs, de continuer à se consacrer à la mise en valeur des biens loués ; que dès lors, en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que les bailleurs avaient été induits en erreur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 411-37 du code rural ;
Mais attendu qu'ayant constaté que Mme B... avait procédé le 30 juin 1999 à la cession au profit des époux A... de la nue-propriété de la totalité de ses parts sociales de la SCEA et énoncé, à bon droit, que le caractère solidaire des engagements des preneuses stipulé dans les baux litigieux ne permettait pas d'étendre l'effet de la solidarité aux obligations leur incombant à titre personnel, la cour d'appel, qui en a exactement déduit qu'il importait peu que Mme A... ait conservé la qualité d'associée de la SCEA et relevé que Mme B... avait perdu la sienne, quelle que soit l'étendue du droit de vote accordé à l'usufruitier par les statuts, a souverainement retenu que l'information délivrée le 20 août 1999, qui faisait figurer Mme B... au nombre des associés, était de nature à induire en erreur les consorts de X... et à justifier la résiliation des baux ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes A... et B..., ensemble, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne Mmes A... et B..., ensemble, à payer aux consorts de X... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille six.