AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... ont saisi le juge de l'exécution de contestations portant sur la régularité de plusieurs avis à tiers détenteur, d'un commandement de payer et d'un procès-verbal de saisie-vente, tous actes émanant de la trésorerie de Vitrolles et tendant au recouvrement d'une somme estimée due au titre de l'impôt sur le revenu pour l'année 1990 ; que le juge de l'exécution a prononcé l'annulation de ces actes ; que, saisie par le trésorier principal de Vitrolles, la cour d'appel a infirmé les jugements attaqués et dit que les avis à tiers détenteur, le commandement de payer et le procès-verbal de saisie-vente étaient réguliers ;
Sur le premier moyen, en ce qu'il est relatif aux avis à tiers détenteur, après avertissement délivré aux parties :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir dit que les avis à tiers détenteur des 21 et 25 janvier 1999 et du 2 avril 1999 devaient emporter leur plein et entier effet, alors, selon le moyen, que la lettre de rappel adressée au contribuable en application de l'article L. 255 du livre des procédures fiscales a pour objet de lui réclamer les impositions exigibles dont il est redevable et ce, préalablement à l'engagement de poursuites à son encontre et constitue une étape obligée de la procédure de poursuites à l'encontre du contribuable ; que par l'effet du sursis de paiement demandé par le contribuable, une telle lettre de rappel devient sans objet puisque les impositions contestées cessent alors d'être exigibles et qu'aucun acte de poursuite ne peut dès lors être émis, les actes de poursuites antérieurs devenant eux-mêmes caducs ; que le comptable du Trésor ne peut donc à nouveau engager des poursuites à l'encontre dudit contribuable qu'une fois les impositions en cause redevenues exigibles, c'est-à-dire lorsque le sursis de paiement a cessé de produire effet, et après l'envoi d'une lettre de rappel relevant que les impositions sont de nouveau exigibles et qu'à défaut de paiement, des poursuites seront engagées ; que, dans ces conditions, même si les impositions litigieuses sont redevenues exigibles à compter de la notification du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 28 juillet 1998, le comptable du Trésor était tenu, pour en obtenir le recouvrement forcé, d'engager une nouvelle procédure de poursuites débutant par l'envoi d'une lettre de rappel, et ce, avant d'adresser les avis à tiers détenteur des 21 et 25 janvier 1999, du 2 avril 1999, le commandement de payer du 21 janvier 1999 et de faire établir le procès-verbal de saisie-vente du 10 février suivant, de sorte qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges d'appel ont violé purement et simplement les dispositions des articles L. 255, L. 258 et L. 277 du livre des procédures fiscales ;
Mais attendu que l'avis à tiers détenteur n'étant pas au nombre des actes de poursuites devant donner lieu à des frais, le comptable du Trésor chargé du recouvrement n'était pas tenu d'envoyer une lettre de rappel au contribuable avant la notification des avis litigieux ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, après avis de la deuxième chambre civile sur la quatrième branche, devenue, ci-dessous la troisième branche :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir dit que les avis à tiers détenteur des 21 et 25 janvier 1999 et du 2 avril 1999, le commandement de payer du 21 janvier 1999 et le procès-verbal de saisie-vente du 10 février 1999 devaient emporter leur plein et entier effet, alors, selon le moyen :
1 / que la notification d'un avis à tiers détenteur doit être signée par un comptable du Trésor territorialement compétent et mentionner son nom, le non-respect de cette formalité substantielle étant sanctionné par la nullité de la notification d'avis à tiers détenteur en cause ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que les notifications des avis à tiers détenteur des 21 janvier et 2 avril étaient signées mais ne comportaient pas le nom du signataire ; que, dans ces conditions, le contribuable n'étant pas en mesure de s'assurer que les actes de poursuite litigieux avaient effectivement été signés par le comptable du Trésor, ces actes étaient irréguliers et qu'en décidant le contraire, les juges d'appel ont violé les dispositions des articles L. 262 et L. 263 du livre des procédures fiscales et des articles 56 et 58 du décret du 31 juillet 1992 ;
2 / que l'avis à tiers détenteur est assimilé à la saisie-attribution et que la notification de cet avis doit donc contenir l'avis à tiers détenteur qui a été délivré sur lequel doit figurer à peine de nullité, la mention du titre exécutoire en vertu duquel il est délivré ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que la notification de l'avis à tiers détenteur du 21 janvier 1999 ne comporte pas les références de l'état exécutoire ; que, dans ces conditions, la mention du titre exécutoire étant prescrite à peine de nullité, les juges d'appel ne pouvaient regarder l'omission de cette mention comme un vice de forme susceptible de ne pas entraîner la nullité de l'acte en l'absence de grief justifié et ont violé les dispositions des articles L. 258, L. 262 et L. 263 du livre des procédures fiscales et les articles 56 et 58 du décret du 31 juillet 1992 ;
3 / qu'un commandement de payer doit, à peine de nullité, comporter tous les éléments nécessaires à l'identification du titre exécutoire dont il procède ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que le commandement de payer du 21 janvier 1999 ne comportait pas les références du titre exécutoire ; qu'en considérant que cette irrégularité n'était pas susceptible d'entraîner la nullité du commandement de payer litigieux en l'absence de grief justifié par les époux X..., les juges d'appel ont violé les dispositions des articles 81 et 296 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;
4 / qu'en application de l'article 81 du décret du 31 juillet 1992, le procès-verbal de saisie-vente ne peut être dressé qu'après qu'un commandement de payer régulier a été signifié au débiteur ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que le procès-verbal de saisie-vente a été établi à la suite du commandement de payer du 21 janvier 1999 ; que, dans ces conditions, la nullité de ce commandement de payer entraînant celle du procès-verbal de saisie-vente du 10 février 1999, les juges d'appel ont par là-même violé les dispositions du texte susvisé ;
Mais attendu, en premier lieu, que les articles 56 et 58 du décret du 31 juillet 1992 étant applicables à la saisie-attribution, les exigences qu'ils fixent ne s'imposent pas à l'avis à tiers détenteur ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant constaté que les avis à tiers détenteur des 21 janvier 1999 et 2 avril 1999 étaient signés par le comptable du Trésor en personne et que ce comptable agissant personnellement était suffisamment identifié par l'indication portée en tête de l'acte qu'il s'agissait de la trésorerie de Vitrolles, la cour d'appel a décidé à bon droit que le nom du signataire n'avait pas à être mentionné sur ces avis ;
Attendu, en troisième lieu, que les articles L. 262 et L. 263 du livre des procédures fiscales, qui dérogent sur ce point aux règles prévues par le nouveau code de procédure civile pour le recouvrement des créances sans méconnaître les dispositions de l'article L. 258 du même livre, n'imposent pas la mention sur l'avis à tiers détenteur du titre exécutoire en vertu duquel celui-ci est délivré ;
Attendu, en quatrième lieu, que la cour d'appel, qui a constaté que les références de l'état exécutoire n'étaient pas mentionnées sur le commandement de payer du 21 janvier 1999, a décidé à bon droit que cette irrégularité constituait un vice de forme affectant ce commandement, dont la nullité ne pouvait dès lors être prononcée que s'il était justifié d'un grief, non démontré en l'espèce ;
Et attendu, en dernier lieu, que l'arrêt étant légalement justifié par le motif vainement critiqué par la troisième branche du moyen, le grief soulevé par la quatrième branche est relatif à des motifs surabondants ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le premier moyen, en ce qu'il est relatif au commandement de payer du 21 janvier 1999 et au procès-verbal de saisie-vente du 10 février 1999 :
Vu les articles L. 255, L. 258 et L. 277 du livre des procédures fiscales ;
Attendu que, pour déclarer réguliers le commandement de payer et le procès-verbal de saisie-vente, l'arrêt retient que l'acte de poursuite mis en oeuvre antérieurement à la demande de sursis de paiement devient caduc à compter de la date à laquelle les impositions ont cessé d'être exigibles et qu'il appartient donc au comptable chargé du recouvrement de mettre en oeuvre un nouvel acte de poursuite ; que la caducité, sans effet rétroactif et qui ne s'attache qu'à l'acte de poursuite, n'atteint cependant pas la lettre de rappel adressée au contribuable préalablement à toute poursuite, les dispositions de l'article L. 255 du livre des procédures fiscales n'imposant l'envoi d'une lettre de rappel qu'avant la notification du premier acte de poursuite devant donner lieu à des frais; que le trésorier principal verse aux débats la lettre de rappel du 6 avril 1992, adressée à M. et Mme X... relativement à l'impôt sur le revenu de l'année 1990, que ces derniers reconnaissent avoir reçue ; que la réclamation contentieuse des contribuables assortie d'une demande de sursis de paiement a été rejetée le 28 juillet 1998 par le tribunal administratif ; que le bénéfice du sursis de paiement ne s'étendant pas au-delà de la date à laquelle la décision du tribunal est notifiée et les époux X... ne soutenant pas qu'ils n'en ont pas reçu notification, les impositions litigieuses sont redevenues exigibles et les poursuites de nouveau possibles sans qu'il y ait lieu de leur adresser une deuxième lettre de rappel ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de rappel et les actes de poursuites antérieurs au sursis de paiement étant devenus caducs à compter de la date d'effet du sursis, il appartenait au comptable, une fois ces impositions redevenues exigibles, d'envoyer au contribuable une nouvelle lettre de rappel avant la notification du premier acte de poursuites postérieur devant donner lieu à des frais, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 262 du livre des procédures fiscales ;
Attendu que, pour déclarer régulier l'avis à tiers détenteur du 25 janvier 1999, l'arrêt retient que le nom du signataire n'a pas à être précisé sur cet acte, dès lors que le comptable du Trésor qui agit par voie de délégation de signature est suffisamment identifié par l'indication portée en tête de l'acte qu'il s'agit de la trésorerie de Vitrolles ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir qu'en l'absence de mention sur l'avis à tiers détenteur du nom et de la qualité du signataire, titulaire d'une délégation de signature, le redevable était en mesure d'identifier ce signataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions relatives aux avis à tiers détenteur des 21 janvier et 2 avril 1999, l'arrêt rendu le 13 décembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne le trésorier principal de Vitrolles aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le condamne à payer aux époux X... la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille six.