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27/09/2006 | FRANCE | N°05-20156

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 septembre 2006, 05-20156


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., avocat au barreau de Paris, a poursuivi l'annulation des opérations électorales organisées, les 23 et 24 novembre 2004, par l'Ordre des avocats du barreau de Paris en vue de l'élection du bâtonnier et des membres du conseil de l'Ordre, avec la mise en oeuvre d'un système de vote électronique par le réseau Internet ;

que l'arrêt rendu le 27 janvier 2005 par la cour d'appel de Paris, qui avait rejeté ses demandes, ayant été cassé (Cass. 1re ch

ambre, 7 juin 2005), l'instance, à laquelle est intervenu volontairement le Con...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., avocat au barreau de Paris, a poursuivi l'annulation des opérations électorales organisées, les 23 et 24 novembre 2004, par l'Ordre des avocats du barreau de Paris en vue de l'élection du bâtonnier et des membres du conseil de l'Ordre, avec la mise en oeuvre d'un système de vote électronique par le réseau Internet ;

que l'arrêt rendu le 27 janvier 2005 par la cour d'appel de Paris, qui avait rejeté ses demandes, ayant été cassé (Cass. 1re chambre, 7 juin 2005), l'instance, à laquelle est intervenu volontairement le Contre ordre syndicat des avocats libres (COSAL), a été reprise devant la cour d'appel de Lyon, cour de renvoi ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 3 octobre 2005) de l'avoir débouté de ses demandes en annulation des opérations électorales et des élections au dauphinat et au conseil de l'Ordre, alors, selon le moyen :

1 / qu'aux termes de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1971, le conseil de l'ordre et le bâtonnier sont élus au scrutin secret ; que le principe du secret du scrutin n'implique pas seulement que les électeurs puissent ne pas révéler le sens de leur vote, mais encore qu'il leur soit interdit de le révéler ; qu'il en résulte que les électeurs doivent utiliser un dispositif permettant l'isolement, selon des modalités garantissant la confidentialité du vote, alors même qu'ils utilisent un mode de vote électronique ; que tel n'est pas le cas d'un dispositif permettant aux électeurs de voter depuis leur domicile ou leur lieu de travail sans qu'il soit possible de vérifier qu'ils ne subissent pas des pressions à cette occasion ; qu'en déclarant valides les élections querellées, tout en constatant que le système mis en oeuvre rendait impossible le suivi du déroulement des opérations de vote sur le lieu où les électeurs expriment leur suffrage, et au motif inopérant que restait sauve pour eux la possibilité de se déplacer au Palais pour voter, la cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et aurait ainsi violé l'article 15 de la loi susvisée du 31 décembre 1971, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

2 / qu'en toute hypothèse, aux termes de l'article 9 de l'annexe 1 du règlement intérieur du barreau de Paris, relative à l'organisation des élections au dauphinat et au conseil de l'Ordre, "tout candidat ou son représentant dûment désigné a le droit de contrôler les opérations de vote, de dépouillement des bulletins, de décompte des voix, dans les locaux où s'effectuent les opérations" ; qu'en déclarant valides les élections au dauphinat et au conseil de l'Ordre des 23 et 24 novembre 2004, tout en constatant qu'il "n'(était) pas envisageable sur le plan pratique d'autoriser tous les candidats à envoyer un représentant dans chaque cabinet d'avocat afin de suivre le déroulement des opérations lorsque les électeurs votent à distance en utilisant le réseau Internet", la cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et aurait violé le texte précité du règlement intérieur du barreau de Paris ;

Mais attendu qu'après avoir souverainement apprécié les éléments de preuve d'où elle a admis la sécurité et la fiabilité du système de vote électronique mis en place, la cour d'appel a retenu qu'aucun élément ne confirmait la réalité des pressions sur des membres de cabinets de groupe votant depuis leurs lieux de travail, que, si la surveillance par les candidats ou leurs représentants des opérations de vote au sein des cabinets d'avocats était matériellement impossible à organiser, elle n'apparaissait pas nécessaire au vu des mesures techniques prises pour assurer le secret du vote et la sécurisation de la transmission des données, qu'en outre chaque électeur disposait de la faculté de s'exprimer selon les modalités classiques de vote, et qu'ainsi il n'existait aucun motif sérieux de nature à mettre en doute le secret du vote et la sincérité du scrutin ; qu'ayant, de la sorte, mis en évidence que, indépendamment d'un contrôle au sein même des structures professionnelles, le dispositif de vote à distance adopté présentait et avait effectivement procuré, au regard des principes généraux du droit électoral, les mêmes garanties que le vote traditionnel, elle a légalement justifié sa décision ;

Et sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt d'avoir dit que l'Ordre des avocats au barreau de Paris avait respecté les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relatives aux formalités à accomplir auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et d'avoir rejeté son recours, alors, selon le moyen :

1 / qu'il résulte de l'article 27.II de la loi du 6 janvier 1978 modifiée qu'un avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés est requis pour l'ensemble des traitements mis en oeuvre par les personnes morales de droit privé gérant un service public dès lors que ces traitements ont pour finalité de mettre à la disposition des usagers un ou plusieurs téléservices de l'administration électronique, et qu'ils portent sur des données parmi lesquelles figurent "le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification ou tout autre identifiant des personnes physiques" ; qu'en énonçant que l'Ordre des avocats au barreau de Paris, personne morale de droit privé chargé d'un service public pouvait mettre en oeuvre un traitement informatique destiné à permettre aux usagers de l'Ordre, préalablement identifiés, de voter à distance, sans que la CNIL ait préalablement donné et publié un avis motivé sur le système envisagé, la cour d'appel aurait violé la disposition susvisée ;

2 / que, subsidiairement, l'article 23 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée prévoit explicitement que la personne tenue à simple déclaration ne peut mettre en oeuvre le traitement déclaré que "dès réception du récépissé" délivré par la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; qu'en énonçant que cette mise en oeuvre pouvait intervenir dès le dépôt de la déclaration, peu important la date du récépissé, la cour d'appel aurait violé la disposition susvisée ;

3 / que, plus subsidiairement, lorsqu'un fait est contesté par une partie, le juge du fond ne peut se borner à l'affirmer sans énoncer les éléments qui lui permettent de tenir ce fait pour établi ; que M. X... faisait spécialement valoir que la déclaration produite par l'Ordre portait certes la date du 4 novembre 2004, mais que cette date n'était "ni certaine ni justifiée" ; qu'en énonçant que l'Ordre des avocats au barreau de Paris avait satisfait aux obligations déclaratives qui s'imposaient à lui "en effectuant le 4 novembre 2004 la déclaration", sans préciser le moindre élément d'où pourrait résulter que l'Ordre avait bien adressé sa déclaration à cette date, la cour d'appel, qui s'est prononcée par voie de simple affirmation, n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt énonce qu'il n'existe aucun motif sérieux de nature à mettre en doute la régularité des opérations électorales, la complète information des électeurs, leur liberté de choix, le secret du vote et la sincérité du scrutin ; qu'ayant ainsi constaté que les principes généraux du droit électoral avaient été respectés et que l'irrégularité invoquée, relative à la saisine de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, avait été sans incidence sur les conditions et les résultats du vote, la cour d'appel a, par cette seule motivation, légalement justifié sa décision ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'aucun des griefs de ce moyen ne serait de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi,

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande du conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Paris ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 05-20156
Date de la décision : 27/09/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Conseil de l'ordre - Membres - Election - Modalités - Vote électronique à distance - Validité - Condition.

La cour d'appel, qui a mis en évidence que, indépendamment d'un contrôle au sein même des structures professionnelles, le dispositif de vote à distance adopté présentait et avait effectivement procuré, au regard des principes généraux du droit électoral, les mêmes garanties que le vote traditionnel, et qui a constaté que l'irrégularité invoquée, relative à la saisine de la commission nationale de l'informatique et des libertés, avait été sans incidence sur les conditions et les résultats du vote, a légalement justifié sa décision de valider les opérations électorales organisées par le barreau de Paris au moyen d'un système de vote électronique par le réseau internet.


Références :

Loi 71-1130 du 31 décembre 1971 art. 15

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 03 octobre 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 27 sep. 2006, pourvoi n°05-20156, Bull. civ. 2006 I N° 419 p. 361
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 I N° 419 p. 361

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : Mme Petit.
Rapporteur ?: M. Gallet.
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Parmentier et Didier, SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.20156
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