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26/09/2006 | FRANCE | N°05-87259

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 septembre 2006, 05-87259


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six septembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIHAL, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA SOCIETE AVILANDE,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 17 novembre 2005, qui, pour infraction à la législation sur les installa

tions classées, l'a condamnée à 15 000 euros d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur l...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six septembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIHAL, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA SOCIETE AVILANDE,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 17 novembre 2005, qui, pour infraction à la législation sur les installations classées, l'a condamnée à 15 000 euros d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2 du code pénal, des articles L. 514-11, L. 511-1, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-5, L. 512-7, L. 512-8, L. 512-9, L. 512-12, L. 517-1 et L. 514- 14 du code de l'environnement, violation de l'article L. 514-18 du même code, méconnaissance des exigences de l'article 593 du code de procédure pénale et violation de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré la SA Avilande coupable du délit visé à la prévention et en répression l'a condamnée à une amende de 15 000 euros ;

"aux motifs centraux que, contrairement à ce que soutient la société intimée dans son mémoire déposé à l'audience, l'arrêt de mise en demeure du 5 octobre 1999, dont le non-respect est retenu comme fondement de la poursuite constitue bien un acte administratif pris conformément aux dispositions de l'article L. 514-11 II, ter alinéa, du code de l'environnement dès lors que l'injonction de mettre fin aux nuisances olfactives constitue nécessairement la mise en demeure d'avoir à respecter les prescriptions techniques déterminées en application de l'article L. 512-1, L. 512-3, L. 512-5 et L. 512-7 de ce même code puisqu'ils faisaient expressément référence, dans ses visas, à l'arrêté préfectoral du 2 novembre 1993 autorisant la SA Avilande à exploiter une unité d'épuration au lieudit " Beaucroix " à Saint-Carreuc et à l'arrêté préfectoral de prescriptions complémentaires du 17 octobre 1997 ; qu'en effet ces deux arrêtés contiennent des prescriptions techniques dont le but est d'éviter les nuisances olfactives ;

"aux motifs encore qu'il en est ainsi des obligations suivantes :

- éviter tout écoulement des déjections à traiter, traitées ou en cours de traitement ainsi que des eaux résiduaires en dehors de l'unité de compostage, conception d'un bâtiment permettant la pose de filtre de l'aire si nécessaire et assurer un suivi de l'unité de compostage portant en particulier sur les mesures de débit d'air entrant et sortant et sur les émissions gazeuses (arrêté du 2 novembre 1993) ; - collecte et rejet en un point unique de l'ensemble des gaz extraits du bâtiment de compostage et mesure en continu de la concentration de rejet en ammoniac (arrêté du 5 octobre 1999) ;

que la finalité de ces obligations, résultant de prescriptions techniques étant à l'évidence et de par leur nature la prévention des nuisances olfactives, la mise en demeure de mettre fin à de telles nuisances emportait nécessairement mise en demeure d'avoir à respecter les prescriptions techniques correspondantes, énoncées dans les deux arrêtés des 2 novembre 1993 et 17 octobre 1997 pour la prévention des dangers ou inconvénients encourus, du fait de l'installation autorisée, par les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; que le fait que l'énoncé des prescriptions techniques susvisées n'ait pas été expressément repris dans l'arrêté de mise en demeure ne permet pas à la société Avilande de soustraire à des obligations qu'elle connaissait parfaitement ; que les constatations effectuées les 8 juillet, 13 et 18 septembre 2002 démontrent la violation de ces obligations puisque les nuisances olfactives se répandaient de manière persistante dans le voisinage de l'installation ; qu'il s'agit d'une méconnaissance intentionnelle puisqu'elle affecte des prescriptions qui avaient été régulièrement portées à la connaissance de la personne morale ;

"aux motifs aussi que l'arrêté préfectoral de mise en demeure du 5 octobre 1999, qui considère la persistance des nuisances olfactives et que, dès lors, les intérêts mentionnés par la loi du 19 juillet 1976 ne sont pas garantis par l'exploitation de cet établissement, a donc été pris en application des dispositions de l'article L. 514-1 I du code de l'environnement qui vise le cas où a été constatée l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, ce qui permet au préfet de mettre en demeure cet exploitant de satisfaire à ces conditions dans une délai déterminé ; que tel a été l'objet de cet arrêté préfectoral qui, n'entrant pas dans les prévisions de l'article L. 512-7, n'avait pas à être précédé de l'avis de la commission départementale consultative ; qu'il résulte en conséquence de l'ensemble des éléments du dossier que les organes et représentants de la société Avilande se sont rendus coupables du délit visé à la prévention en omettant de respecter les prescriptions de l'arrêté de mise en demeure et que ce manquement ayant été commis à l'occasion de l'exploitation à laquelle la société Avilande avait été autorisée, les conditions posées par l'article 121-2 du code pénal se trouvent réunies, la responsabilité pénale des personnes morales est prévue, dans le cas présent, par l'article L. 514-18 du code de l'environnement ;

"alors que, d'une part, il est constant que par un arrêté du 5 octobre 1999, le préfet des Côtes-d'Armor, considérant la persistance de nuisances olfactives et observant que les intérêts mentionnés par la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ne sont pas garantis par l'exploitation de l'établissement, mettait en demeure la SA Avilande de mettre fin aux nuisances olfactives dans le délai d'un mois étant précisé que si, à l'expiration de ce délai, l'exploitant n'a pas obtempéré, il pourra être fait application des sanctions administratives prévues à l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 ;

qu'ainsi, comme l'a fait valoir la société intimée, la mise en demeure ne se réfère à aucun acte administratif antérieur, à aucune mise en demeure antérieure, et n'indique aucune prescription technique déterminée en application des articles L. 512-1, L. 512-3, L. 512-5, L. 512-7, L. 512-9 et L. 512-12 à respecter, que la simple demande de mettre fin à des nuisances olfactives dans un délai d'un mois sans la moindre prescription technique au sens de l'article L. 514-11 II du code de l'environnement méconnaît les exigences de ce texte en sorte qu'aucune poursuite pénale ne pouvait être utilement engagée en cas de manquement à une mise en demeure aussi évasive ;

"alors que, d'autre part et en toute hypothèse, il est constant que l'arrêté portant autorisation d'une unité de traitement par compostage en date du 2 novembre 1993 contenait un certain nombre de prescriptions purement techniques, sur l'agencement du bâtiment, sur le recueil des eaux pluviales, sur la conception même du bâtiment, sur les documents d'exploitation devant être tenus et si une lettre des services des installations passée du 14 juin 2002, qui n'est pas visée dans les poursuites, contient onze prescriptions techniques précises imposées à l'exploitant, il n'est nullement allégué et encore moins constaté que lesdites prescriptions résultant desdits documents n'aient pas été respectées et qu'en ne tenant pas compte de ces données centrales régulièrement entrées dans le débat (cf p.3 des écritures d'appel), la Cour méconnaît les exigences de l'article 593 du code de procédure pénale ;

"et alors enfin, que l'arrêté du 5 octobre 1993 du préfet mettant en demeure ne faisait état que de l'application éventuelle de sanctions administratives prévues à l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 ; qu'à aucun moment il n'a été fait état d'éventuelles poursuites pénales, qu'ainsi la mise en demeure en cause ne pouvait servir d'assise à une action devant le tribunal correctionnel sur sa base en l'absence de précisions sur d'éventuelles incriminations pénales ;

qu'en jugeant différemment nonobstant la constatation selon laquelle la mise en demeure ne visait que l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 (cf p.4, alinéa 2, de l'arrêt) la Cour viole les textes cités au moyen, ensemble les exigences d'une information minimale sur les incriminations encourues en l'absence de satisfaction des exigences de l'administration" ;

Vu les articles L. 514-1-I et L. 514-11-II du code de l'environnement ;

Attendu que l'infraction définie par le second de ces articles n'est constituée que lorsqu'ont été méconnues des prescriptions techniques, déterminées en application des articles du même code spécifiés dans ledit texte, et rappelées par une mise en demeure préfectorale ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Avilande exploite une unité de traitement de fientes de volailles et de boues de station d'épuration, installation classée autorisée par un arrêté préfectoral du 2 novembre 1993 ; que diverses obligations relatives à la conception des bâtiments ainsi qu'au contrôle des émissions liquides et gazeuses lui ont été imposées par l'arrêté initial et par un arrêté complémentaire du 17 octobre 1997 ; que, le 5 octobre 1999, le préfet a mis en demeure la société Avilande de mettre fin aux nuisances olfactives dans le délai d'un mois ; que, par un procès-verbal du 8 juillet 2002, un inspecteur des installations classées a constaté à 450 mètres de l'établissement des odeurs de matières organiques en putréfaction ; que la société Avilande a été poursuivie pour ne s'être pas conformée à la mise en demeure dans le délai imparti ;

Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable, l'arrêt retient que les arrêtés préfectoraux du 2 novembre 1993 et du 17 octobre 1997 lui ont imposé d'éviter tout écoulement des déjections, de concevoir les bâtiments de façon à permettre la pose d'un filtre d'air, de collecter et de rejeter en un point unique l'ensemble des gaz extraits de l'unité de compostage et de mesurer en continu leur concentration en ammoniac ;

que les juges ajoutent que la finalité de ces obligations, résultant de prescriptions techniques, étant à l'évidence et de par leur nature la prévention des nuisances olfactives, la mise en demeure de mettre fin à de telles nuisances emportait nécessairement mise en demeure d'avoir à respecter les prescriptions techniques correspondantes énoncées par les arrêtés du 2 novembre 1993 et du 17 octobre 1997 ;

Mais attendu qu'en se déterminant par ces motifs, dont il ne résulte pas que l'obligation de prévenir toute nuisance olfactive ait été spécifiquement prescrite à la société Avilande, en application des articles L. 512-1, L. 512-3, L. 512-5 ou L. 512-7 du code de l'environnement, antérieurement à la mise en demeure du 5 octobre 1999, et alors que, ne pouvaient être tenues pour équivalentes à une telle obligation les conditions d'aménagement des bâtiments et de mesure des émissions gazeuses fixées par les arrêtés du 2 novembre 1993 et du 17 octobre 1997, dont, au surplus, la méconnaissance n'aurait pas été régulièrement constatée, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 17 novembre 2005 ;

DIT n'y avoir lieu à RENVOI ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, Mme Guihal conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-87259
Date de la décision : 26/09/2006
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT - Installations classées - Infractions - Poursuite de l'exploitation sans se conformer à un arrêté de mise en demeure - Eléments constitutifs - Détermination.

Le délit de poursuite d'exploitation d'une installation classée sans se conformer à la mise en demeure préfectorale d'avoir à respecter les prescriptions techniques qui lui sont applicables ne saurait être constitué par l'inobservation d'une obligation nouvelle édictée par cette mise en demeure. Constitue une telle obligation l'exigence de mettre fin à toutes nuisances olfactives alors que les prescriptions auxquelles l'exploitant était assujetti ne tendaient qu'à les minimiser.


Références :

Code de l'environnement L514-1 I, L514-11 II

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 17 novembre 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 sep. 2006, pourvoi n°05-87259, Bull. crim. criminel 2006 N° 239 p. 850
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 239 p. 850

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Guihal.
Avocat(s) : Avocat : Me Blondel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.87259
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