AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que la société Sofitec a conclu un contrat de travail temporaire avec la société Synergie intérim qui a mis à sa disposition M. X..., magasinier, la mission de celui-ci devant prendre fin le 30 juillet 1999 ; que M. X... a été victime d'un accident du travail, le 9 juillet 1999, alors qu'il manoeuvrait un chariot élévateur dans les locaux de la société Techni-Concept ; qu'il a, le 25 juin 2001, saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes dirigées contre la société Synergie intérim, contre la société Sofitec et contre la société Techni-concept ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 124-4-8 et L. 124-7 du code du travail ;
Attendu que, pour dire que le contrat de travail temporaire devait être requalifié en un contrat de travail à durée indéterminée liant M. X... à l'entreprise utilisatrice et condamner la société Sofitec à lui payer diverses indemnités et dommages-intérêts pour licenciement irrégulier et abusif, l'arrêt énonce que "le fait que l'employeur ait manifesté l'intention de poursuivre la relation contractuelle suffit à transformer un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée" et que tel est le cas, le salarié intérimaire s'étant vu remettre une feuille de congés d'été ;
Attendu, cependant, d'abord, que, selon l'article L. 124-4-8 du code du travail, la suspension du contrat de travail temporaire ne fait pas obstacle à l'échéance de ce contrat, ensuite, qu'il résulte de l'article L. 124-7 que le salarié temporaire est réputé lié à l'utilisateur par un contrat à durée indéterminée lorsque ce dernier continue à le faire travailler après la fin de sa mission sans avoir conclu avec lui un contrat de travail ou sans nouveau contrat de mise à disposition ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que, nonobstant la suspension consécutive à l'accident du travail survenu le 9 juillet 1999, le contrat de mission de travail temporaire avait pris fin le 30 juillet suivant, et qu'il résulte de ses propres constatations que les conditions prévues par l'article L. 124-7 du code du travail n'étaient pas remplies, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur la troisième branche du second moyen :
Vu l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 412-6 du même code ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, aucune action en réparation du préjudice causé par un accident du travail ne peut, en dehors des cas prévus par ce texte, être exercée conformément au droit commun, par la victime contre l'employeur ou ses préposés ; que, selon le second texte : "pour l'application des articles L. 452-1 à L. 452-4 du code de la sécurité sociale, l'utilisateur, le chef de l'entreprise utilisatrice ou ceux qu'ils se sont substitués dans la direction sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l'employeur, ce dernier demeurant tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l'action en remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable" ;
Attendu qu'en condamnant les deux sociétés à indemniser M. X... au motif que l'entreprise utilisatrice avait, en lui confiant un chariot élévateur sans formation, manqué aux obligations prescrites par l'arrêté du 2 décembre 1998 relatif à la formation à la conduite des équipements de travail mobiles automoteurs et des équipements de levage de charges et de personnes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur la deuxième branche du second moyen :
Vu l'article L. 125-3 du code du travail ;
Attendu que pour condamner in solidum la société Sofitec et la société Techni-Concept à payer à M. X... une certaine somme en indemnisation du préjudice résultant d'un prêt illicite de main-d'oeuvre, l'arrêt se borne à constater que ce salarié travaillait dans les locaux de la société Techni-Concept et n'était pas "encadré par son entreprise d'origine" ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une opération à but lucratif, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les première et quatrième branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions requalifiant le contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée, condamnant la société Sofitec au paiement de l'indemnité de préavis, des congés payés afférents, l'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière, l'indemnité pour licenciement abusif et condamnant in solidum les société Sofitec et Techni-Concept à payer à M. X... des dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 14 décembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. X..., la société Synergie intérim et l'ASSEDIC de l'Ouest francilien aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille six.