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06/09/2006 | FRANCE | N°06-82868

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 septembre 2006, 06-82868


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Peter, partie civile,

- Y... Nadia, prévenue,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11e chambre, en date du 22 mars 2006, qui, dans la procédure suivie, sur la plainte du premier, contre Nadia Y..., Philippe Z... et Pamela A... EL B... des chefs de dénonciation calomnieuse, diffamation et injure non publiques, a prononcé la nullité des poursuites

en diffamation et injure non publiques, déclaré recevable l'action de Peter X... contr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Peter, partie civile,

- Y... Nadia, prévenue,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11e chambre, en date du 22 mars 2006, qui, dans la procédure suivie, sur la plainte du premier, contre Nadia Y..., Philippe Z... et Pamela A... EL B... des chefs de dénonciation calomnieuse, diffamation et injure non publiques, a prononcé la nullité des poursuites en diffamation et injure non publiques, déclaré recevable l'action de Peter X... contre Nadia Y..., l'a déclarée irrecevable contre les deux autres prévenus, et, après avoir évoqué, a renvoyé l'examen de l'affaire au fond à une audience ultérieure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 juillet 2006 où étaient présents : M. Cotte président, Mme Ponroy conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Rognon, Mmes Guirimand, Radenne conseillers de la chambre, MM. Soulard, Valat conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Davenas ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de la société civile professionnelle Le BRET-DESACHE, de la société civile professionnelle ROGER et SEVAUX, et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS, les avocats des demandeurs ayant eu la parole en dernier ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 15 mai 2006, joignant les pourvois et ordonnant leur examen immédiat ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense et les observations produites ;

Sur la recevabilité des observations présentées pour l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) :

Attendu que, n'étant pas partie à la procédure, l'OCDE ne tire d'aucune disposition légale la faculté de déposer des observations qui doivent dès lors être déclarées irrecevables ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le chef de gestion des ressources humaines de l'OCDE a chargé Pamela A... El B... et Philippe Z..., respectivement conseillère sociale et médiateur-consultant auprès de l'Organisation, d'une mission d'enquête sur le comportement de Peter X..., fonctionnaire de l'Organisation ; que ce dernier a fait citer devant le tribunal correctionnel, notamment du chef de dénonciation calomnieuse, Nadia Y..., administrateur à l'OCDE, Pamela A... El B... et Philippe Z..., reprochant à la première les accusations de menaces de mort et de harcèlement sexuel et moral qu'elle aurait portées à son encontre à l'occasion de l'enquête et aux seconds la prise en compte de ces accusations dans leur rapport ;

Attendu que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'action de Peter X... contre Pamela A... El B... et Philippe Z... en raison de l'immunité de juridiction dont ils bénéficiaient ; qu'en revanche, l'action exercée contre Nadia Y... a été déclarée recevable ;

En cet état ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Peter X..., pris de la violation des articles 1er de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, et 593 du code de procédure pénale, insuffisance et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'action de la partie civile à l'encontre de Pamela A... El B... et de Philippe Z... du chef de dénonciation calomnieuse ;

"aux motifs adoptés des premiers juges que Pamela A... El B... et Philippe Z... doivent bénéficier de l'immunité fonctionnelle de juridiction invoquée par eux dont la levée a été refusée à la partie civile ;

"et aux motifs propres que "les déclarations contenues dans le rapport litigieux, qui ont trait à des propos qu'aurait tenus Peter X..., en marge de leur vie professionnelle, ainsi qu'à des agissements qu'il aurait eus même en dehors du travail, n'ont été prononcées et recueillies ni dans le cadre de sa mission officielle d'administrateur de l'OCDE ni dans celui d'une mission particulière qui lui aurait été confiée par ses supérieurs hiérarchiques... qu'en dénonçant les propos tenus et les actes commis dans et hors service par son collègue, Nadia Y..., qui n'a pu agir, en sa qualité officielle, dans l'exercice de ses fonctions propres d'administratrice de projets dans le domaine des transports et de l'environnement, ne justifie ni n'invoque d'ailleurs avoir agi dans le cadre d'une obligation spécifique pesant sur elle et découlant de règles particulières au fonctionnement de l'enquête interne diligentée à l'OCDE, en sorte qu'elle ne peut bénéficier de l'immunité fonctionnelle devant les juridictions françaises" ;

"alors que, d'une part, la contradiction des motifs équivaut à leur absence totale ; que l'arrêt attaqué ne pouvait, sans se contredire, faire bénéficier de l'immunité fonctionnelle de juridiction Philippe Z... et Pamela A... El B..., rédacteurs du rapport dans lequel étaient contenus les propos calomnieux de Nadia Y..., au motif qu'ils avaient rédigé ce document "dans le cadre d'une mission qui leur a été confiée par leurs supérieurs hiérarchiques, sous le contrôle de ces derniers...", tout en considérant que les propos qui auraient été tenus par la partie civile en marge de sa vie professionnelle et même en dehors de son travail et rapportés par Nadia Y... n'avaient été ni prononcés ni recueillis par cette dernière dans le cadre de sa mission officielle d'administrateur à l'OCDE ni dans celui d'une mission particulière qui lui aurait été confiée par ses supérieurs hiérarchiques et qu'elle pouvait en conséquence bénéficier de l'immunité fonctionnelle de juridiction, de sorte qu'en rapportant ces mêmes propos, les rédacteurs du rapport se son rendus coupables de complicité de dénonciation calomnieuse et ne pouvaient prétendre avoir agi dans le cadre de leur mission officielle ni bénéficier en conséquence de l'immunité fonctionnelle de juridiction ;

"alors que, d'autre part, l'immunité n'est accordée aux agents de l'OCDE que dans l'intérêt de l'organisation et non à leur avantage personnel ; qu'elle ne saurait aboutir à permettre à ceux-ci de commettre en toute impunité des infractions en créant une inégalité entre les personnes, contraire à l'article 1er de la déclaration des droits de l'homme de 1789 ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'application de l'immunité de juridiction au regard des faits de dénonciation calomnieuse reprochés aux prévenus n'avait pas pour effet de porter gravement atteinte à la réputation de la partie civile et à la présomption d'innocence, et à la priver de tout droit d'accès à un tribunal pour se laver de ces accusations puisqu'elle n'avait jamais été entendue sur le bien-fondé de ces accusations par quelque juridiction que ce soit, la cour d'appel a privé sa décision des motifs propres à la justifier" ;

Attendu que, pour dire que Pamela A... El B... et Philippe Z... bénéficiaient de l'immunité de juridiction prévue par les articles 14 a) et 18 b) du protocole additionnel n° 1 à la Convention de coopération économique européenne, en date du 16 avril 1948, et déclarer irrecevable l'action de Peter X..., l'arrêt retient que les actes critiqués, qu'il s'agisse des auditions même menées hors les bureaux de l'OCDE ou de la rédaction du rapport d'enquête, ont été accomplis par les intéressés dans le cadre d'une mission qui leur a été confiée par leurs supérieurs hiérarchiques, sous le contrôle de ces derniers et pour le compte de l'Organisation ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs et dès lors que Peter X... pouvait exercer un recours devant le tribunal administratif de l'OCDE contre les actes accomplis, en leur qualité officielle, par Pamela A... El B... et Philippe Z..., les griefs allégués ne sont pas encourus ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en ce qu'il critique d'autres motifs, doit être écarté ;

Mais sur le moyen unique de cassation, proposé pour Nadia Y..., pris de la violation du protocole additionnel n° 2 à la Convention de Paris du 14 décembre 1960, des articles 2, 14 et 16 du protocole additionnel n° 1 à la Convention de coopération économique européenne du 16 avril 1948, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, a déclaré recevable l'action de Peter X... contre Nadia Y... du chef de dénonciation calomnieuse ;

"aux motifs que Nadia Y..., Pamela A... El B... et Philippe Z... font valoir qu'ils bénéficient, en leur qualité officielle respective d'administrateur, de conseillère sociale et de médiateur-consultant, conformément aux articles 14 a) et 18 b) du protocole additionnel n° 1 à la Convention de coopération économique européenne du 16 avril 1948, ratifié par la France et publié au Journal officiel du 29 août 1948, rendu applicable à l'OCDE en vertu du protocole additionnel n° 2 à la Convention relative à l'OCDE du 14 décembre 1960 ratifié par la France et publié au Journal officiel du 5 novembre 1961, de l'immunité juridictionnelle des fonctionnaires et experts de l'Organisation devant les tribunaux de France où ils résident ; que le secrétaire général de l'OCDE a confirmé qu'à ses yeux, les prévenus bénéficiaient de l'immunité de juridiction et qu'il avait décidé de ne pas la lever ; que le ministère des affaires étrangères, après avoir indiqué à la partie civile, suivant télécopies du service du protocole, en date des 17 septembre 2004, 9 et 10 mars 2005, que, si Pamela A... El B... figurait bien sur la liste des fonctionnaires de l'OCDE, ce que mentionnait d'ailleurs son titre de séjour, il n'en était pas de même pour Nadia Y... et Philippe Z... qui relevaient du droit commun, a fait parvenir, au cours du délibéré du tribunal, à la demande des prévenus, une lettre du protocole, en date du 18 mars, rectifiant les "renseignements incomplets et inexacts" précédemment donnés et exposant qu'ils bénéficiaient tous trois, comme fonctionnaires ou, pour le dernier, comme expert, d'une immunité de juridiction pour les actes accomplis en leur qualité officielle ; que, pour l'essentiel, ainsi que l'ont reconnu les avocats des prévenus aux termes d'un courrier adressé le 24 mars 2005 à la 17e chambre du tribunal correctionnel, "le seul problème posé (...) est de savoir si les faits qui lui sont soumis, une "prétendue dénonciation calomnieuse de Nadia Y... dans le cadre d'une enquête interne de l'OCDE, rentre sic dans le cadre de (leur) fonction" ; qu'il ne peut être contesté que les fonctionnaires comme les experts des organisations internationales jouissent des immunités, notamment juridictionnelles, qui leur sont nécessaires pour exercer, en toute indépendance à l'égard du pays hôte, les fonctions qui leur sont officiellement assignées par lesdites organisations pour agir en leur nom ; que les actes accomplis par les agents d'une organisation internationale en leur qualité officielle ou les actes officiels accomplis par les agents dans l'exercice de leurs fonctions, y compris leur paroles et écrits, justifiant le bénéfice de l'immunité juridictionnelle, s'identifient en fait avec l'action de cette organisation, laquelle consiste essentiellement, pour l'OCDE, dans la promotion des politiques de coopération et de développement économiques dans les pays membres et non membres, mais aussi, en tant que de besoin, avec les procédures lui permettant de mener ses missions à bien ;

qu'en l'espèce, la partie civile fonde son action en dénonciation calomnieuse sur les témoignages contenus dans un rapport d'enquête disciplinaire, daté du 1er juillet 2004 et établi à son encontre par Pamela A... El B... et Philippe Z..., désignés ès qualités par le directeur des ressources humaines de l'OCDE à la demande du responsable de la direction de l'environnement, au sein de laquelle Peter X... et Nadia Y... exerçaient les fonctions d'administrateur, l'un du programme "transport durable", l'autre de projets dans le domaine des transports et de l'environnement, jusqu'à ce que, sur les témoignages susvisés émanant de sa collaboratrice qui l'accusait de menaces de mort et de harcèlement, le premier soit suspendu par décision du secrétaire général puis licencié disciplinairement et remplacé par son accusatrice ; qu'ainsi, les actes critiqués par Peter X..., qu'il s'agisse des auditions menées hors des bureaux de l'OCDE ou de la rédaction du rapport d'enquête, ont été accomplis par Pamela A... El B... et Philippe Z... dans le cadre d'une mission qui leur a été confiée par leurs supérieurs hiérarchiques, sous le contrôle de ces derniers, seuls responsables de la procédure disciplinaire menée contre lui, et pour le compte de l'OCDE ; qu'il importe peu, sur ce point, que, saisi par Peter X..., le tribunal administratif de l'OCDE ait, par jugements des 7 avril 2005 et 7 mars 2006, produits en délibéré sur l'autorisation de la Cour, jugée illégale, comme contraire au paragraphe 17 de la décision du secrétaire général pour prévenir et combattre le harcèlement, la mesure de suspension de la partie civile, prise le 15 juillet 2004, par le secrétaire général sans avoir donné à l'intéressé la possibilité de produire les documents tendant à établir l'existence d'une relation consensuelle, mais légale sa décision de révocation, en date du 24 février 2005, dans la mesure où elle est fondée sur l'initiative de la partie civile de poursuivre les trois fonctionnaires devant le tribunal correctionnel de Paris ; que le tribunal correctionnel a donc, à bon droit, décidé que Pamela A... El B... et Philippe Z... avaient agi en leur qualité officielle respective de conseillère sociale et de médiateur- consultant auprès de l'OCDE et devaient bénéficier de l'immunité de juridiction prévue par le protocole additionnel n° 1 susvisé ; ( )

qu'en revanche, les déclarations de Nadia Y... contenues dans le rapport litigieux, qui ont trait à des propos qu'aurait tenus Peter X... en marge de leur vie professionnelle ainsi qu'à des agissements qu'il aurait eus même en dehors du travail, n'ont été prononcées et recueillies ni dans le cadre de sa mission officielle d'administrateur à l'OCDE ni dans celui d'une mission particulière qui lui aurait été confiée par ses supérieurs hiérarchiques ; qu'en effet, la dénonciation spontanée, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, de faits qui sont de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexacts, adressés à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente comme à un supérieur hiérarchique ou à un employeur, si elle était établie en tous ses éléments, ce dont seul le juge du fond peut connaître, constitue le délit de droit commun prévu et réprimé par l'article 226-10 du code pénal ; qu'en dénonçant les propos tenus et les actes commis dans et hors service par son collègue, Nadia Y..., qui n'a pu agir en sa qualité officielle et dans l'exercice de ses fonctions propres d'administratrice de projets dans le domaine des transports et de l'environnement, ne justifie ni n'invoque d'ailleurs avoir agi dans le cadre d'une obligation spécifique pesant sur elle et découlant de règles particulières au fonctionnement de l'enquête interne diligentée à l'OCDE, en sorte qu'elle ne peut bénéficier de l'immunité fonctionnelle devant les juridictions françaises ;

"alors, d'une part, qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le secrétaire général de l'OCDE, exerçant les pouvoirs que lui reconnaît l'article 16 du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de coopération économique, a estimé que les faits et propos pour lesquels Nadia Y... était en cause avaient été commis et tenus par elle en sa qualité de fonctionnaire de l'OCDE et qu'elle devait bénéficier de l'immunité de juridiction qui y était attachée, et a refusé de lever cette immunité ; que la cour d'appel, qui ne relève aucun motif impérieux à l'appui de sa décision, ne pouvait substituer son appréciation à celle exprimée au nom et pour le compte de l'OCDE, par cette autorité, seule habilitée à la représenter, sans méconnaître l'immunité de juridiction de cette organisation et violer les articles 2, 14 et 16 dudit protocole additionnel ;

"alors, subsidiairement, d'autre part, que les fonctionnaires de l'OCDE bénéficient d'une immunité de juridiction pour les actes accomplis en cette qualité ; qu'il en est ainsi, quelles que soient les attributions de l'intéressé, des propos tenus par un fonctionnaire de l'OCDE à propos de faits susceptibles d'avoir affecté le fonctionnement des services de cette organisation, dans le cadre d'une enquête interne ordonnée conformément au statut du personnel de l'OCDE par l'autorité compétente à cette fin, à l'invitation des personnes désignées pour mener cette enquête ; que la cour d'appel a méconnu l'étendue de l'immunité de juridiction attachée à la qualité de fonctionnaire de l'OCDE de Nadia Y... et, statuant par des motifs inopérants, déduits de la teneur de ces attributions ou de l'absence du caractère contraint des déclarations incriminées, n'a pas justifié sa décision ;

"alors, enfin, que l'application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ne saurait à elle seule justifier qu'il soit ainsi dérogé à l'immunité de juridiction d'un fonctionnaire de l'OCDE, alors que la cour d'appel ne constate pas qu'il n'existerait pas au sein de l'OCDE un organisme juridictionnel permettant à Peter X... de faire valoir son argumentation dans les conditions prévues par ce texte" ;

Vu l'article 14 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de coopération économique européenne du 16 avril 1948 ;

Attendu que, selon ce texte, les fonctionnaires de l'OCDE bénéficient de l'immunité de juridiction pour les actes accomplis par eux en leur qualité officielle ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation de Nadia Y... qui invoquait le bénéfice de l'immunité de juridiction, l'arrêt retient qu'en dénonçant les propos tenus et les actes commis dans et hors le service par son collègue, l'intéressée n'a agi ni en sa qualité officielle et dans l'exercice de ses fonctions propres d'administratrice de projets en matière de transports et d'environnement ni pour satisfaire à une obligation spécifique pesant sur elle et découlant de règles particulières au fonctionnement de l'enquête interne diligentée au sein de l'OCDE ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les propos incriminés avaient été tenus par un fonctionnaire de l'OCDE au cours d'une enquête interne ordonnée par les autorités compétentes de cette organisation sur des faits relatifs au fonctionnement de ses services, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs,

I - Sur le pourvoi de Peter X... :

Le REJETTE ;

II - Sur le pourvoi de Nadia Y... :

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions ayant déclaré recevable l'action de la partie civile contre Nadia Y..., l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 22 mars 2006 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six septembre deux mille six ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-82868
Date de la décision : 06/09/2006
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° IMMUNITE - Immunité de juridiction - Organisation internationale - Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) - Fonctionnaires et experts en mission pour l'organisation - Bénéfice - Etendue - Détermination.

1° Selon l'article 14 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de coopération économique européenne du 16 avril 1948, les fonctionnaires de l'OCDE bénéficient de l'immunité de juridiction pour les actes accomplis en leur qualité officielle ; selon l'article 18 du même Accord, les experts jouissent de l'immunité de juridiction en ce qui concerne les actes accomplis par eux au cours de leurs missions. Justifie sa décision la cour d'appel qui, en raison de l'immunité de juridiction dont ils bénéficient, déclare irrecevable l'action civile exercée du chef de dénonciation calomnieuse contre un fonctionnaire et un expert de l'OCDE, chargés de procéder à une mission d'enquête sur des faits de harcèlement sexuel et moral qui auraient été commis par un fonctionnaire de l'Organisation à l'encontre d'une de ses collègues. Encourt la censure l'arrêt qui écarte l'immunité de juridiction alors que les propos incriminés avaient été tenus par un fonctionnaire de l'OCDE au cours de l'enquête ordonnée par les autorités compétentes de cette Organisation sur des faits relatifs au fonctionnement de ses services.

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 § 1 - Tribunal - Accès - Immunité de juridiction - Organisation internationale - Fonctionnaires et experts de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) - Bénéfice - Compatibilité.

2° L'immunité de juridiction dont bénéficient les fonctionnaires et experts de l'OCDE ne porte pas atteinte au droit d'accès à un juge, dès lors que la personne qui se prétend lésée peut exercer un recours devant le tribunal administratif de l'OCDE contre les actes accomplis par eux en leur qualité officielle ou au cours de leur mission.


Références :

1° :
2° :
Convention de coopération économique européenne du 16 avril 1948
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6 1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 mars 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 sep. 2006, pourvoi n°06-82868, Bull. crim. criminel 2006 N° 209 p. 738
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 209 p. 738

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Davenas.
Rapporteur ?: Mme Ponroy.
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Roger et Sevaux, SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:06.82868
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