AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2005), que par décision du 18 novembre 2004, l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) a retenu que M. X..., commissaire aux comptes de la société Compagnie du développement durable (la société C2D), avait délivré des informations inexactes lors de la publication et de la certification des comptes de cette société pour l'exercice 2000 et a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre cette décision alors, selon le moyen :
1 / que le règlement n° 98-07 de la Commission des opérations de bourse relatif à l'obligation d'information du public, homologué par arrêté du 22 janvier 1999, énonce dans son article premier qu'il s'applique à "l'émetteur", à la personne "physique" ou "morale" et aux "dirigeants de l'émetteur ou de la personne morale concernée" ; qu'en fondant sur ce texte la sanction prononcée à l'encontre de M. X..., dont elle a constaté qu'il était seulement le commissaire aux comptes de l'émetteur (C2D), la cour d'appel l'a violé par fausse application ;
2 / que lorsqu'une juridiction décide de relever d'office un moyen, elle est tenue en toute circonstance de respecter le principe de la contradiction en invitant les parties à s'expliquer sur celui-ci ; qu'en faisant application d'office des articles 222-2 et 632-1 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers homologué par arrêté du 12 novembre 2004 sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations à ce sujet, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile par refus d'application ;
3 / qu'en faisant application à des faits datant de l'année 2001, pour se prononcer sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions du règlement général de l'Autorité des marchés financiers homologué par arrêté du 12 novembre 2004, publié au Journal officiel de la République française du 24 novembre 2004, la cour d'appel a violé le texte conventionnel susvisé ensemble le principe général de non rétroactivité de la loi en matière pénale ;
4 / que l'article 222-2 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers homologué par arrêté du 12 novembre 2004 ne s'applique qu'à "l'émetteur" ; qu'en fondant sur ce texte la sanction prononcée à l'encontre de M. X..., commissaire aux comptes de l'émetteur, la cour d'appel l'a violé par fausse application ;
5 / que l'article L. 621-15 II c) du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause, dispose que peut être prononcée une sanction à l'encontre de toutes personnes autres que l'une de celles mentionnées au II de l'article L. 621-9 auteurs "des pratiques" mentionnées au I de l'article L. 621-14 ; que le pluriel "pratiques" (ultérieurement remplacé par le singulier "manquement" par la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 non applicable en l'espèce) impliquait une réitération ou une pluralité d'actes et excluait qu'une sanction pût être appliquée à l'auteur d'un manquement unique ; qu'en décidant le contraire en considérant que pouvait donner lieu à sanction le fait unique d'avoir certifié les comptes erronés de l'année 2000, la cour d'appel a violé l'article L. 621-15 II c) susvisé, par fausse application ;
6 / que la certification de comptes sociaux ne constitue pas la "communication" ou la "diffusion" d'information prévue par les articles 2 et 3 du règlement n° 98-07 de la Commission des opérations de bourse relatif à l'obligation d'information du public, homologué par arrêté du 22 janvier 1999 et l'article 632-1 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers homologué par arrêté du 12 novembre 2004 ; qu'en décidant que M. X... avait pu méconnaître ces dispositions au motif qu'il avait certifié des comptes sociaux erronés, la cour d'appel les a violés par fausse application ;
Mais attendu, tout d'abord, qu'il résulte de la combinaison des articles L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier et des articles 1er et 3 du règlement n° 98-07 de la Commission des opérations de bourse, alors applicable, qu'une sanction pécuniaire peut être prononcée à l'encontre de toute personne ayant porté atteinte à la bonne information du public par la communication d'une information inexacte, imprécise ou trompeuse ; que dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que M. X... n'était pas fondé à prétendre qu'il ne saurait, en sa qualité de commissaire aux comptes, être poursuivi sur le fondement de ces textes ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a exactement retenu, par application des dispositions nouvelles, sur ce point plus favorables à la personne poursuivie, de l'article 632-1 du règlement général de l'AMF, qu'il convenait de rechercher si M. X... savait ou aurait dû savoir que les informations communiquées étaient inexactes ou trompeuses ;
Attendu, en troisième lieu, que si le juge ne peut modifier l'objet du litige tel qu'il est exposé par les parties dans leurs conclusions, il lui appartient de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, en veillant au respect de la contradiction; que la cour d'appel n'a pas violé le principe de la contradiction en faisant application de l'article 632-1 du règlement général de l'AMF dès lors qu'en l'état des motifs de la décision de l'AMF du 18 novembre 2004 relevant la nécessité, pour statuer sur les manquements reprochés à M. X..., d'examiner leur caractère conscient et volontaire, elle n'a pas, pour statuer comme elle a fait, introduit dans le débat des éléments de fait dont les parties n'auraient pas été à même de débattre contradictoirement ;
Et attendu, enfin, que l'arrêt relève que M. X... a affirmé, dans le document de certification signé par lui et incorporé au rapport annuel de la société C2D sur les comptes consolidés, que ces comptes étaient réguliers et sincères et donnaient une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat de l'ensemble constitué par les entreprises comprises dans la consolidation, tandis que cette certification reposait sur une évaluation dépourvue de toute justification ; que l'arrêt retient encore que le fonctionnement du marché a été faussé par suite de la valorisation de l'action C2D en fonction d'éléments d'appréciation manifestement inexacts, imprécis et trompeurs qui ont eu une incidence sur la perception par les investisseurs potentiels des perspectives d'évolution du titre ; que l'arrêt retient enfin que M. X... n'est pas fondé à prétendre que le manquement retenu constituerait un simple défaut de diligence ou de vigilance exempt de toute intentionnalité, dès lors qu'en raison de sa connaissance réelle du marché concerné, il aurait dû révéler le caractère fallacieux des comptes qu'il certifiait ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la quatrième branche, la cour d'appel a décidé à bon droit que M. X... avait, par la communication d'une information dont il savait ou aurait dû savoir qu'elle était inexacte ou trompeuse, faussé le fonctionnement du marché et ainsi commis le manquement reproché, peu important à cet égard que celui-ci ait été unique ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa quatrième branche, est pour le surplus non fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille six.