AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'armateur :
Vu l'article 74 de la Constitution du 4 octobre 1958 et les articles 1 et 2 de la loi n° 66-508 du 12 juillet 1966 étendant à certains territoires d'outre mer les dispositions du code du travail maritime ;
Attendu que, conformément à l'article 74 de la Constitution du 4 octobre 1958, les lois édictées en France ne sont applicables dans les territoires d'outre mer qu'en vertu d'une loi spéciale ; que si, aux termes de l'article 1er de la loi n° 66-508 du 12 juillet 1966, "les dispositions, appartenant au domaine législatif, de la loi du 13 décembre 1926 modifiée portant code du travail maritime sont applicables dans les territoires de Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis et Futuna, aux contrats d'engagement maritime conclus pour tout service à accomplir à bord d'un navire français d'une jauge brute égale ou supérieure à dix tonneaux, ayant son port d'immatriculation dans l'un desdits territoires", l'article 2 dispose qu'"un décret en Conseil d'Etat apportera aux dispositions législatives visées à l'article 1er ci-dessus les adaptations rendues nécessaires par l'organisation administrative particulière et, le cas échéant, par les conditions de navigation découlant de la situation géographique des territoires susmentionnés" ; qu'un tel décret n'a pas été pris ;
Attendu que M. X..., officier de la marine marchande employé par la société Service et transports, armateur ayant son siège social en France métropolitaine, a servi sur deux navires immatriculés au port de Mata Utu sur les territoires de Wallis et Futuna ; qu'il a, le 11 juillet 2001, saisi le tribunal d'instance de Martigues aux fins de voir requalifier son contrat de travail en un contrat de travail à durée indéterminée, juger qu'il a été licencié sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à lui payer diverses sommes et indemnités ; que, par jugement du 26 novembre 2002, ce tribunal a décidé que le contrat de travail, qui n'était pas soumis au code du travail maritime, était régi par le code du travail de l'Outre-Mer et s'est en conséquence déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence ;
Attendu que, pour, par arrêt du 21 octobre 2003, statuant sur contredit, infirmer ce jugement, décider que le litige relevait du code du travail maritime et déclarer le tribunal d'instance compétent, la cour d'appel, retient que l'article 2 de la loi du 12 juillet 1966 ne conditionne pas expressément son application dans le territoire de Wallis et Futuna à l'intervention d'un décret d'application ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le décret prévu par l'article 2 de la loi du 12 juillet 1996 n'ayant pas été pris, le code du travail maritime ne s'applique pas dans les territoires de Wallis et Futuna, dans lequel demeure applicable le code du travail de l'Outre-Mer institué par la loi du 15 décembre 1952, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Attendu que la cassation, par le présent arrêt, de l'arrêt du 21 octobre 2003 entraîne l'annulation par voie de conséquence des arrêts des 4 mai 2004 et 22 mars 2005 qui en sont la suite, l'application et l'exécution ;
Et vu l'article 627 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens et sur le pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 octobre 2003, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
CONSTATE l'annulation des arrêts du 4 mai 2004 et du 22 mars 2005 ;
Renvoie les parties à saisir la juridiction du travail compétente par application des articles 181, alinéas 2 et 3, du code du travail de l'Outre-Mer ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi devant une autre cour d'appel ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens devant la Cour de cassation et les juges du fond ;
Rejette la demande formée en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé et des arrêts annulés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille six.