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07/06/2006 | FRANCE | N°05-17089

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 juin 2006, 05-17089


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 16 février 2005), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 3 décembre 2002, pourvois n° A 01-10.637 et n° R 01-02.203), que la société Primistères Reynoird, aux droits de laquelle est la société immobilière et de services La Boëtie (l'importateur) a importé en Martinique diverses marchandises en provenance de France métropolitaine et d'autres Etats membres de

la Communauté et a acquitté à ce titre l'octroi de mer et la taxe additionnel...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 16 février 2005), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 3 décembre 2002, pourvois n° A 01-10.637 et n° R 01-02.203), que la société Primistères Reynoird, aux droits de laquelle est la société immobilière et de services La Boëtie (l'importateur) a importé en Martinique diverses marchandises en provenance de France métropolitaine et d'autres Etats membres de la Communauté et a acquitté à ce titre l'octroi de mer et la taxe additionnelle pour la période du 1er septembre 1991 au 31 décembre 1992 ; que, se fondant sur les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes X... et Y... qui ont déclaré la perception de l'octroi de mer incompatible avec le droit communautaire l'importateur a, après diverses réclamations auprès du directeur interégional des douanes des Antilles Guyanes, par actes des 16 mai 1995, 25 juillet 1995, 23 février 1996, 1er mars 1996, 1er et 4 août 1997, 4 décembre 1996, assigné ce dernier afin d'obtenir le remboursement des sommes payées au titre de ces droits ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'importateur fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables les demandes en restitution des sommes versées par la société Primistères Reynoird, au titre de l'octroi de mer et de la taxe additionnelle à l'octroi de mer, antérieurement au 16 juillet 1992, alors, selon le moyen :

1 / que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ; que le droit à un tribunal ne s'entend pas seulement du droit d'accès, c'est-à-dire de celui de saisir le tribunal, qui ne constitue qu'un aspect de la garantie instituée ; qu'il s'entend aussi de la faculté de faire valoir un droit qui vient de lui être reconnu ; qu'en énonçant que la décision rendue par la Cour de justice des Communautés européennes du 16 juillet 1992 en ce qu'elle avait limité dans le temps la portée de sa solution, rendant irrecevable toute action fondée sur elle introduite après qu'elle a été rendue, privant de la sorte de tout effet les recours introduits devant le juge, après le 16 juillet 1992, date de son arrêt, sans prendre aucunement en considération la date à laquelle le paiement et donc le recours aurait pu être effectué, était conforme au principe susvisé, aux seuls motifs qu'elle n'avait pas privé le justiciable de l'accès au juge lui-même, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 6-1 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2 / que si le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même ; qu'en outre ces limitations ne se concilient avec l'article 6 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens et le but visé ; qu'en s'abstenant de rechercher si la limitation dans le temps de l'arrêt X... posé par la Cour de justice des Communautés européennes respectait de tels principes, au besoin en posant une question préjudicielle à ladite Cour de justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;

Mais attendu qu'après avoir relevé qu'il résulte de l'arrêt X... que les dispositions du Traité CE relatives aux taxes d'effet équivalant à des droits de douane ne peuvent être invoquées à l'appui de demandes visant à obtenir la restitution d'une taxe, telle que l'octroi de mer, payée avant la date de cet arrêt, sauf pour les demandeurs qui ont, avant cette date, introduit un recours en justice ou soulevé une réclamation équivalente, la cour d'appel a énoncé à bon droit, sans être tenue de saisir la Cour de justice, que la décision de cette Cour de limiter dans le temps, par application d'un principe général de sécurité juridique, les effets de l'annulation qu'elle prononce, n'avait pas méconnu les articles 6-1 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'importateur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 / qu'il a demandé dans ses conclusions à la cour d'appel, non pas seulement de statuer sur la compatibilité de l'octroi de mer et de la taxe additionnelle avec les dispositions des articles 92 et 93 du Traité CE qui interdisent en principe les aides susceptibles de fausser la concurrence entre les Etats, mais aussi sur la légalité de ces mesures au regard de la procédure prévue par l'article 93 du Traité CE qui prévoit que toute aide nouvelle d'un Etat doit être notifiée à la Commission, et qu'un Etat ne peut mettre en exécution une aide nouvelle sans que la Commission se soit prononcée dans un sens favorable, pour ensuite en tirer les conséquences, question qui relève de la compétence du juge national et qui oblige ce dernier à vérifier si la mesure en question constitue une aide au sens de l'article 92 du Traité CE, si l'aide est nouvelle et si elle a été notifiée à la Commission ; qu'en jugeant qu'il avait seulement demandé à la cour d'appel de se prononcer sur la compatibilité de l'octroi de mer et de la taxe additionnelle avec les dispositions du Traité CE, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;

2 / qu'en ne recherchant pas, comme pourtant l'y invitaient ses conclusions si l'octroi de mer et la taxe additionnelle ne constituaient pas une aide au sens de l'article 92 du Traité CE, non notifiée à la Commission en méconnaissance de l'article 93 du Traité CE et de ce fait illégale, et si pour cette unique raison, cette aide ne devait pas lui être restituée, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu, que l'arrêt retient que l'importateur n'a pas qualité pour invoquer devant une juridiction nationale d'un Etat membre les dispositions des ex-articles 92 et 93 du Traité et qu'au surplus le moyen est dépourvu d'intérêt dès lors que l'octroi de mer et la taxe additionnelle, dans leur régime antérieur au 31 décembre 1992, ont été déclarés contraires aux dispositions du Traité de sorte que l'argumentation de l'importateur qui ne vise qu'à contourner les limites posées par la Cour de justice dans ses arrêts X..., Y... et Cadi surgelé, ne peut qu'être écarté ; qu'en conséquence la cour d'appel n'a ni dénaturé les termes du litige ni omis de répondre au moyen dont elle était saisie ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que l'importateur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que, lorsqu'une violation du droit communautaire par un Etat membre est imputable au législateur national agissant dans un domaine où il dispose d'une large marge d'appréciation pour opérer des choix normatifs, les particuliers lésés ont droit à réparation dès lors que la règle de droit communautaire violée a pour objet de leur conférer des droits, que la violation est suffisamment caractérisée et qu'il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice subi par les particuliers ; qu'il avait fait valoir dans ses conclusions que dès le 21 octobre 1991, puis encore le 20 mai 1992, dates des deux jeux de conclusions de l'avocat général prises dans l'affaire X... l'administration des douanes avait connaissance de l'illicéité de la décision du Conseil autorisant la France à maintenir l'octroi de mer et la taxe additionnelle jusqu'au 31 décembre 1992 en sorte qu'une violation caractérisée du droit communautaire pouvait être reprochée à compter de cette date ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt, constatant que la Cour de justice des Communautés européennes a elle-même admis les incertitudes nées de la position de la Commission puis du Conseil, retient qu'aucune violation suffisamment caractérisée du droit communautaire n'est établie ;

qu'en l'état de ces constatation et appréciation, la cour d'appel a répondu en l'écartant à l'argumentation invoquée ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SISB aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la condamne à payer au directeur général des douanes et des droits indirects la somme de 2000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 05-17089
Date de la décision : 07/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Douanes - Droits - Remboursement de droits indûment acquittés - Octroi de mer - Acquit avant le 16 juillet 1992 - Remboursement - Limitation dans le temps - Compatibilité avec la Convention européenne des droits de l'homme.

Après avoir relevé qu'il résulte de l'arrêt rendu le 16 juillet 1992 (Legros) par la Cour de justice des Communautés européennes que les dispositions du Traité CE relatives aux taxes d'effet équivalant à des droits de douane ne peuvent être invoquées à l'appui de demandes visant à obtenir la restitution d'une taxe, telle que l'octroi de mer, payée avant la date de cet arrêt, sauf pour les demandeurs qui ont, avant cette date, introduit un recours en justice ou soulevé une réclamation équivalente, une cour d'appel a énoncé à bon droit, sans être tenue de saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle, que la décision de cette Cour de limiter dans le temps, par application d'un principe général de sécurité juridique, les effets de l'annulation qu'elle prononce, n'a pas méconnu les articles 6 § 1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Références :

Convention européenne des droits de l'homme art. 6 1, art. 13

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 16 février 2005

A rapprocher : Chambre commerciale, 2002-10-22, Bulletin 2002, IV, n° 147, p. 166 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 jui. 2006, pourvoi n°05-17089, Bull. civ. 2006 IV N° 134 p. 138
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 IV N° 134 p. 138

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Main.
Rapporteur ?: M. Truchot.
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Boré et Salve de Bruneton.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.17089
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