AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en 1963 par la société Coteba où il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur général adjoint ; que lui ont été notifiés, le 31 octobre 2000, sa mise à la retraite au 30 avril 2001, puis, le 17 avril 2001, à la suite de sa contestation, le report de sa mise à la retraite au 30 avril 2002 avec dispense d'exécuter son préavis commençant le 1er mai 2001 ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Coteba :
Attendu que la société Coteba fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... des sommes à titre de prime de janvier 2001 et de congés payés afférents, alors, selon le moyen, que le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait ; qu'il en va ainsi en particulier lorsque le défendeur conclut au débouté des demandes adverses ; qu'en faisant droit à la demande de prime de janvier pour l'année 2001, en se fondant sur les tableaux communiqués par le salarié "non contestés" par l'employeur, quand la société Coteba demandait que M. X... soit débouté de toutes ses demandes de primes, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, loin d'énoncer que l'employeur ne contestait pas devoir les primes dont le salarié demandait le paiement, s'est bornée à estimer, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, qu'il n'était pas établi que l'employeur avait payé la prime à laquelle avait droit le salarié ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de M. X..., pris en sa première branche :
Vu les articles L. 122-14-13 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
Attendu que pour dire régulière la mise à la retraite de M. X... et le débouter de sa demande d'indemnités de rupture, l'arrêt retient que l'employeur était en droit, tant que le contrat de travail n'avait pas effectivement cessé, de reporter la date de la mise à la retraite du salarié afin de respecter les conditions requises pour ce mode de rupture ;
Attendu, cependant, qu'une mise à la retraite notifiée par l'employeur à son salarié ne peut être rétractée qu'avec l'accord de ce dernier, et que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque les conditions prévues à l'article L. 122-14-13 du Code du travail ne sont pas remplies à la date de la mise à la retraite ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que le salarié avait accepté que soit privée d'effet sa mise à la retraite au 30 avril 2001, date à laquelle il ne pouvait bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande de paiement de certaines primes, l'arrêt retient que celles-ci n'avaient pas de caractère contractuel ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les primes n'étaient pas dues en vertu d'un usage répondant à des caractères de généralité, constance et fixité qui en rendait le paiement obligatoire pour l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les deuxième et troisième branches du premier moyen du pourvoi principal :
REJETTE le pourvoi incident de la société Coteba ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes relatives à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à sa demande relative au paiement de primes autres que celle de janvier 2001 et de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 30 octobre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Coteba aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Coteba à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille six.