AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
En raison de leur connexité, joint les pourvois n° D 02-21240 et D 02-21355 ;
Attendu que, par contrat de durée indéterminée conclu le 13 mai 1993 avec la société Les Cliniques d'Enghien (la société), et suite à la cession de clientèle ayant porté sur les droits de son prédécesseur, M. X..., anesthésiste réanimateur, avait reçu le droit exclusif d'effectuer le tiers des actes de son art pratiqués dans l'établissement ;
qu'il était stipulé que si l'une des parties entendait dénoncer la convention, elle devait en aviser l'autre par lettre recommandée avec accusé de réception, dans le respect d'un délai de préavis calculé en fonction du temps réel d'exercice, soit six mois avant cinq ans, avec droit pour le praticien de céder le bénéfice du contrat à un successeur, sous la réserve de l'agrément des autres anesthésistes et de la société ; que le 15 juin 1996 et selon les modalités requises, celle-ci a informé M. X... de ce qu'elle mettait un terme à son engagement le 17 décembre suivant, avec autorisation de continuer de travailler jusqu'à la fin du même mois ;
que le 6 janvier 1997 Mme Y..., épouse du médecin président du directoire de la société, a commencé d'occuper le poste ainsi libéré;
que la société et M. Z... ont été condamnés à verser des dommages-intérêts à M. X..., pour rupture abusive et impossibilité à lui faite de présenter un successeur ;
Sur le moyen du pourvoi de M. Z..., pris en ses première, deuxième et quatrième branches, et sur celui du pourvoi de la société Les Cliniques d'Enghien, pris en ses troisième et quatrième branches, tels qu'exposés aux mémoires en demande et reproduits en annexe :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur ces moyens, dont aucun ne serait de nature à permettre l'examen du pourvoi ;
Et sur le moyen du premier pourvoi pris en sa troisième branche et le moyen du second pourvoi, pris en ses deux premières branches, pareillement exposés et reproduits :
Attendu que, si la partie qui met fin à un contrat de durée indéterminée dans le respect des modalités prévues n'a pas à justifier d'un quelconque motif, le juge peut néanmoins, à partir de l'examen de circonstances établies, retenir la faute faisant dégénérer en abus l'exercice du droit de rompre ;
Attendu que la cour d'appel (Versailles, 4 octobre 2002), après avoir relevé que M. Z... avait, dès le mois de mai 1996, manifesté aux trois anesthésistes de l'établissement son intention de voir son épouse exercer en son sein la même spécialité sans contribution financière, puis fait preuve d'atermoiements lors des tentatives de conciliation d'octobre et novembre 1996, lesquelles rendaient difficile la présentation d'un ou plusieurs successeurs, avant de formuler, en décembre 1996, des propositions restrictives inacceptables pour leur destinataire, a jugé que, malgré le respect du préavis, la société avait abusivement mis fin au contrat en usant de manoeuvres à l'initiative de son dirigeant, pour faire occuper par l'épouse de celui-ci et sans aucun dédommagement "le poste de M. X..." ; que la décision est légalement justifiée au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse tant à M. Z... qu'à la société Les Cliniques d'Enghien la charge des dépens afférents à leur pourvoi respectif ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille six.