AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... dit Jean Y... de ce qu'il se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Z... ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Vu l'article L. 212-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que le respect dû à l'interprétation de l'artiste en interdit toute altération ou dénaturation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre sociale, 10 juillet 2002, Bull. V. n° 245), que M. X... dit Jean Y... et la compagnie phonographique Barclay, aux droits de laquelle est venue la société Polygram, puis la société Universal Music, ont signé, entre 1963 et 1966, trois contrats d'enregistrement, avec cession des droits d'exploitation ; qu'ayant constaté que le producteur commercialisait cinq compilations comportant certaines de ses chansons et celles d'autres artistes, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'indemnisation de M. Jean Y... pour atteinte à son droit moral, l'arrêt énonce que le seul fait d'imposer d'autorité une exploitation sous forme de compilations ne caractérise pas, à lui seul, une violation du droit moral de l'artiste et retient que si, dans les compilations, l'artiste est "flanqué d'artistes les plus divers", dont certains "au passé trouble sous l'occupation", ce voisinage n'est pas de nature à ternir sa réputation et qu'aucun thème dégradant ou susceptible de heurter les convictions ne ressort de la juxtaposition des enregistrements ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une exploitation sous forme de compilations avec des oeuvres d'autres interprètes étant de nature à en altérer le sens, ne pouvait relever de l'appréciation exclusive du cessionnaire et requérait une autorisation spéciale de l'artiste, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure ainsi que le demande M. Jean Y..., non contredit en cela par la société Universal, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée, de lui donner acte de sa renonciation à toute indemnité en réparation de l'atteinte à son droit moral et de prononcer la condamnation de la société Universal Music à cesser toute exploitation des compilations litigieuses et à remettre les supports à l'artiste ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ses dispositions ayant débouté M. Jean Y... de sa demande en réparation de l'atteinte à son droit moral, l'arrêt rendu le 7 avril 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Donne acte à M. Jean Y... de ce qu'il renonce à toute indemnité en réparation de l'atteinte à son droit moral ;
Condamne la société Universal Music à cesser toute exploitation des compilations intitulées "L'âme des poètes", "Ballades et mots d'amour, "Vive la France" , "Un siècle de chansons" et "Nuit de la chanson", et à remettre les supports de ces compilations à l'artiste, dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt ;
Condamne la société Universal Music aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Universal Music à payer à M. Jean Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille six.