AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X... a été embauché par la société Caisse Méditerranéenne de Financement le 1er janvier 1995 en qualité de chargé de clientèle ; qu'il a été promu directeur de banque le 1er janvier 1996 ; que par lettre du 5 mai 1997, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 12 mai 1997, l'employeur envisageant à son égard une mesure pouvant aller jusqu'au licenciement, et "d'ici là et compte-tenu de la gravité des agissements reprochés", mis à pied à titre conservatoire jusqu'à décision définitive qui découlera de l'entretien ; qu'il a été licencié par lettre du 16 mai 1997 à effet de la réception de ladite lettre ;
Attendu que la CAMEFI fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 mars 2003) d'avoir dit illégitime le licenciement de M. X... et de l'avoir condamnée en conséquence à lui payer une somme à titre de dommages-et-intérêts pour licenciement illégitime avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2000 et dit que par application de l'article 1154 du Code civil ceux des intérêts dus au moins pendant une année entière seront capitalisés, et de l'avoir condamné à rembourser à l'Assedic, dans les conditions de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, les indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé par le Tribunal, dans la limite de 6 mois et dit qu'une copie certifiée conforme de l'arrêt sera adressée par le greffe à l'Unedic, alors, selon le moyen, que :
1 / si l'article 30 de la convention collective du Crédit Mutuel Méditerranéen dispose que lorsqu'un agent, en raison de la gravité de la faute qui lui est reprochée, est sous le coup d'une sanction du deuxième degré, il en est avisé par la direction, cet article ne prévoit aucunement que l'employeur a l'obligation, en outre, d'informer le salarié de la faculté pour ce dernier de saisir le conseil de discipline dans le délai de 10 jours courant à partir de la notification de cet avis ; qu'en affirmant que les dispositions de l'article 30 de la convention collective du Crédit Mutuel Méditerranéen impliquent nécessairement que la direction doit informer le salarié tant des griefs qui lui sont faits que de sa faculté de saisir le conseil de discipline dans le délai de 10 jours à compter de la notification de la sanction, la cour d'appel, qui a ajouté à ces dispositions, a violé ledit article 30 de la convention collective précitée ;
2 / l'article 38 de la convention collective du Crédit Mutuel Méditerranéen prévoit uniquement que, dans les cas graves, la direction peut suspendre l'agent de ses fonctions et que cette mesure ne retire pas à l'agent le droit de défense qui lui est assuré par le conseil de discipline ;
que cette disposition conventionnelle n'implique nullement que l'employeur doit informer le salarié des griefs qui lui sont faits ainsi que de la faculté qui lui est offerte de saisir le conseil de discipline ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 38 de la convention collective du Crédit Mutuel Méditerranéen ;
3 / en application de l'article 38 de la convention collective du Crédit Mutuel Méditerranéen, la saisine du conseil de discipline ne saurait concerner le prononcé de la sanction elle-même mais seulement la mesure de suspension l'accompagnant ainsi que, le cas échéant, la retenue sur salaire pratiquée à ce titre ; que l'absence d'information par l'employeur des faits qui sont reprochés au salarié et de la faculté de saisir le conseil de discipline est donc uniquement de nature à entacher d'irrégularité la suspension du contrat de travail du salarié et cette retenue sur salaire mais non le prononcé de la sanction ; qu'en déduisant de l'article 38 de la convention collective du Crédit Mutuel Méditerranéen que, dans le cas où le salarié a fait l'objet d'une suspension et est ensuite licencié, l'absence d'information par l'employeur des griefs faits au salarié et de la possibilité pour ce dernier de saisir le conseil de discipline aurait pour effet de rendre le licenciement du salarié illégitime, la cour d'appel a violé ledit article 38 de la convention collective du Crédit Mutuel Méditerranéen ;
4 / en toute hypothèse, le défaut d'information par la direction du Crédit Mutuel Méditerranéen des griefs qui sont faits au salarié, avant toute sanction, ainsi que de la faculté pour ce dernier de saisir le conseil de discipline dans le délai de 10 jours à compter de la notification de cet avis ne peut rendre le licenciement du salarié illégitime que si la procédure prévue par les articles 30 et 38 de la convention collective du Crédit Mutuel Méditerranéen constitue une procédure préalable au licenciement ; que, devant la cour d'appel (conclusions p 7), la CAMEFI avait fait valoir que cette procédure ne constitue pas un préalable à une sanction mais une voie de recours contre la décision prise que le salarié est libre ou non d'exercer ; qu'en déduisant le caractère illégitime du licenciement de M. X... par la direction du Crédit Mutuel Méditerranéen du seul fait que celle-ci avait violé son obligation conventionnelle d'information du salarié de ses droits à défense sans même justifier de ce que la procédure mise en place par les articles 30 et 38 de la convention collective du Crédit Mutuel Méditerranéen aurait constitué un préalable au licenciement du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, 30 et 38 de la convention collective précitée ainsi qu'au regard de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;
5 / un salarié ne peut reprocher à son employeur d'avoir manqué à une obligation conventionnelle d'information que s'il ne connaissait pas cette information ou n'était pas à même de la connaître nécessairement ; que la cour d'appel a constaté (p. 4, paragraphe 2) que la CAMEFI avait fait valoir (conclusions d'appel p 7) que M. X... était en tant que directeur de banque un cadre de haut niveau et qu'il était assisté, lors de l'entretien préalable, par un délégué syndical, qu'il disposait d'une longue expérience de la banque et qu'il ne pouvait ignorer que la saisine du conseil de discipline lui était ouverte ; qu'en reprochant au Crédit Mutuel Méditerranéen d'avoir manqué à son obligatoin conventionnelle d'information envers M. X... sans même rechercher si, lors de l'entretien préalable, celui-ci n'avait pas été informé des faits qui lui étaient reprochés par son employeur et si, compte tenu de sa qualité de directeur de banque, de sa longue expérience bancaire et du fait qu'il était assisté par un délégué syndical lors de cet entretien préalable, M. X... ne pouvait ignorer la faculté dont il disposait, en application des dispositions de la convention collective du Crédit Mutuel Méditerranéen, de saisir le conseil de discipline avant le prononcé de son licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, des articles 30 et 38 de la convention collective applicable précitée et de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 30 de la convention collective du Crédit mutuel méditerranéen lorsqu'un agent, en raison de la gravité de la faute qui lui est reprochée, est sous le coup d'une sanction du 2ème degré, il en est avisé par la direction. Il peut alors demander à celle-ci, dans les 10 jours ouvrés de cet avis, directement ou par l'intermédiaire des délégués du personnel, que ladite sanction soit déférée au conseil de discipline institué auprès de la Fédération du Crédit mutuel méditerranéen qui est chargé de formuler des avis sur les sanctions de l'espèce ; la sanction ne sera exécutoire qu'après l'avis du conseil de discipline si l'avis de ce dernier est demandé ; qu'aux termes de l'article 29 de cette même convention collective les sanctions du deuxième degré sont la rétrogradation et la révocation ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes qu'ils prévoient une procédure protectrice dont tout salarié doit pouvoir bénéficier ;
Et attendu que la consultation d'un organisme chargé, en vertu d'une disposition conventionnelle de donner son avis sur la mesure disciplinaire envisagée par l'employeur constitue pour le salarié une garantie de fond et que le licenciement prononcé sans que le salarié ait été avisé qu'il pouvait saisir cet organisme, ne peut avoir de cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la cour d'appel ayant constaté que le salarié se trouvait sous le coup d'un licenciement disciplinaire et relevé qu'il n'avait pas été avisé qu'il pouvait saisir le conseil de discipline pour qu'il donne son avis sur la mesure envisagée par l'employeur, en a exactement déduit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse méditerranéenne de financement aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure ciivile, condamne la Caisse méditerranéenne de financement à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille six.