AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Reguytex (la société) a été mise en redressement judiciaire le 5 juillet 1993 après avoir déclaré sans paiement la TVA pour les mois de janvier à avril 1993 ; que le plan de continuation de la société, prévoyant le règlement de la créance fiscale dans des délais acceptés par le receveur des Impôts de Parthenay (le receveur), a été arrêté le 12 septembre 1994 ; que le plan a été résolu et un nouveau redressement judiciaire ouvert à l'égard de la société le 9 février 1998, suivi d'un plan de cession le 7 septembre 1998 ;
que le receveur a poursuivi M. et Mme X..., respectivement gérant de fait et gérante de la société, sur le fondement de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;
Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :
Attendu que M. et Mme X... soutiennent que le moyen est inopérant comme étant fondé sur des éléments de droit extérieurs au débat ayant eu lieu devant les juges du fond ;
Mais attendu que la cour d'appel, saisie du point de savoir si l'action du receveur consécutive à la résolution du plan de continuation de la société remplissait les exigences posées par l'instruction du 6 septembre 1988 quant aux conditions de sa mise en oeuvre, a fait application des textes dont la violation est invoquée par le moyen ; que celui-ci est recevable ;
Et sur le moyen :
Vu l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales, l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 et l'instruction 12-C-20-88 du 6 septembre 1988 publiée au Bulletin officiel des impôts ;
Attendu que tout intéressé est fondé à se prévaloir à l'encontre de l'administration des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi du 7 juillet 1978 lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements, et qu'il résulte de l'instruction du 6 septembre 1988, relative aux conditions de mise en oeuvre des actions prévues aux articles L. 266 et L. 267 du Livre des procédures fiscales, que le comptable public qui accorde un plan de règlement à une société ne peut poursuivre son dirigeant en paiement solidaire de la dette à défaut de respect du plan que s'il l'a préalablement informé que dans une telle hypothèse il serait amené à engager sa responsabilité ;
Attendu que, pour rejeter la demande du receveur, l'arrêt retient, d'un côté, que le comptable public a agréé le plan de continuation, ce qui signifie qu'au lieu de le subir, il en a négocié et accepté les effets et que dès lors il s'est inscrit dans une démarche volontaire d'acceptation de règlement du passif dans le cadre d'un plan de règlement, qui doit être interprété comme une manifestation de bonne volonté dans la recherche d'une solution aux difficultés financières de l'entreprise, et, de l'autre, que l'accord du comptable public au plan d'apurement du passif de la société est de nature à écarter la responsabilité du dirigeant conformément à l'instruction du 6 septembre 1988, en l'absence d'avertissement d'une réserve expresse d'action en cas de défaillance ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en acceptant les propositions de délais faites pour le règlement de la dette fiscale lors de l'élaboration du plan de redressement de la société, le comptable public n'a pas accordé un plan de règlement à la société, au sens de l'instruction du 6 septembre 1988, de sorte qu'il n'était pas tenu d'informer formellement le dirigeant qu'il pourrait être ultérieurement poursuivi sur le fondement de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales à défaut de respect des engagements de règlement pris, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juin 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille cinq.