AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Vu les articles L. 111-1 et L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que la propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils se sont exprimés ;
Attendu que, revendiquant un droit d'auteur sur l'organisation d'un concours ayant pour objet de faire décerner des prix aux meilleurs produits de beauté de l'année, Mme X..., qui avait développé ce concept jusqu'à son départ à la retraite au sein de la société Marie-Claire album où elle exerçait les fonctions de rédactrice en chef de la rubrique "beauté", a assigné cette société en contrefaçon, lui reprochant de poursuivre, sans son autorisation, l'organisation de ce concours, et sollicitant des dommages-intérêts pour l'atteinte portée tant à ses droits patrimoniaux qu'à son droit moral d'auteur ;
Attendu que pour accueillir ces prétentions, l'arrêt énonce qu'en sélectionnant uniquement des produits de beauté sortis dans la même année, en les classant par catégories (visage, maquillage, corps, solaires etc...), en définissant différents critères d'appréciation (comme l'innovation, l'efficacité, le plaisir à l'utilisation, le rapport qualité-prix...), selon lesquels un jury, composé de journalistes spécialisés dans le domaine de la beauté, devrait se déterminer pour décerner des prix aux meilleurs d'entre eux, Mme X... avait fait oeuvre originale, l'ensemble de ces choix arbitrairement effectués constituant les caractéristiques originales de ces prix et portant indiscutablement l'empreinte de la personnalité de son auteur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les règles d'un concours, même si elles procèdent de choix arbitraires, ne peuvent, indépendamment de la forme ou de la présentation originale qui ont pu leur être données, constituer en elles-mêmes une oeuvre de l'esprit protégée par le droit d'auteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, il n'y a pas lieu à renvoi, la Cour de Cassation pouvant mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 janvier 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Et, statuant à nouveau ;
Déboute Mme X... de ses demandes ;
Condamne Mme X... aux dépens exposés devant les juges du fond et devant la Cour de Cassation ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille cinq.