AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 16 mai 2003) que Mme X...
Y... a demandé à la Caisse national d'assurance vieillesse (la caisse) , le 28 juillet 1995, en raison du décès de de son conjoint le 22 avril 1995, l'allocation de veuvage prévue à l'article L. 356-1 du Code de la sécurité sociale ; que sa demande ayant été rejetée par décision du 17 août 1995, au motif que son conjoint n'avait pas cotisé à l'assurance veuvage trois mois avant son décès, elle a obtenu, à la suite d'une nouvelle demande du 13 septembre 1996, le bénéfice de l'allocation sollicitée en application d'un arrêt du Conseil d'Etat du 9 février 1996 qui avait jugé que l'article précité était entaché d'illégalité ; que, toutefois, elle a contesté la date d'effet de l'attribution de cette allocation, fixée au 1er mai 1996, en prenant en compte une demande de l'intéressée formulée le 25 avril 1996, alors que cette dernière soutenait que le point de départ de cette attribution devait être constitué par sa première demande réglementaire formée le 28 juillet 1995 ; que la commission de recours amiable, par décision du 9 septembre 1997, a maintenu la date du 1er mai 1996 ;
Attendu que la Caisse fait grief à l'arrêt d'avoir annulé la décision de la commission de recours amiable et renvoyé Mme X...
Y... devant la caisse pour un réexamen de ses droits au regard de la demande du 28 juillet 1995 alors, selon le moyen :
1 / que la déclaration d'illégalité d'un acte réglementaire par le juge administratif statuant par voie d'exception, qui ne fait pas disparaître rétroactivement l'acte en cause de l'ordonnancement juridique, n'est dotée d'aucune autorité absolue de la chose jugée ; qu'en l'espèce, en affirmant que la déclaration d'illégalité de l'article R. 356-1 du Code de la sécurité sociale rendue par le juge administratif à l'occasion d'un litige distinct, avait effet à l'égard de tous et en se fondant alors sur cette déclaration d'illégalité pour annuler la décision de la Caisse du 17 août 1995 qui avait rejeté l'attribution de l'allocation veuvage à Mme X...
Y... en se basant sur le texte réglementaire litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;
2 / qu'en outre, en retenant l'illégalité de l'article R. 356-1 du Code de la sécurité sociale reconnue par un jugement administratif dans le cadre d'un litige distinct, sans surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se prononce sur la légalité des dispositions réglementaires en cause dans le cadre de la présente instance, la cour d'appel a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs et violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
3 / qu'en toute hypothèse, à supposer l'article R. 356-1 du Code de la sécurité sociale illégal, la loi ne pouvait être appliquée tant que le nouvel article R. 356-1 n'avait pas été promulgué par le décret n° 99-371 du 14 mai 1999 ; que Mme X...
Y... ne pouvait prétendre à aucune prestation pendant toute la période du 28 juillet 1995 au 17 mai 1999 ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 356-1, R. 356-1 du Code de la sécurité sociale et 1er du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a jugé à bon droit, sans violer le principe de séparation des pouvoirs ni l'article 1351 du Code civil et sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur ce point, que la caisse ne pouvait se prévaloir de l'article R. 356-1 du Code de la sécurité sociale dans ses dispositions déclarées illégales par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 9 février 1996 ;
Attendu, d'autre part, que l'article L. 356-1 du même code ne renvoyant à un décret que pour le montant de l'assiette des ressources à prendre en compte pour fixer celui de l'allocation et pour le délai dans lequel devait être formée la demande, mais non pour la détermination d'une durée d'affiliation, la déclaration d'illégalité du décret en ce qu'il comportait l'exigence d'une telle durée, était, en l'espèce, sans incidence sur l'application de la loi ;
D'où il suit que le moyen, non fondé en ses deux premières branches, est inopérant en sa troisième ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse nationale d'assurance vieillesse de Paris aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse nationale d'assurance vieillesse de Paris ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille cinq.